TOUT EST DIT

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dimanche 18 mars 2012

Les Irlandais repartent pour Liverpool

En raison du chômage qui sévit dans une Irlande en crise, l’émigration connaît son plus haut niveau depuis vingt ans. Beaucoup d’émigrés posent leurs valises à Liverpool, la cité portuaire britannique, dont plus des trois-quarts des habitants ont une ascendance irlandaise.

Comme Boston et Glasgow, Liverpool est depuis longtemps synonyme de terre d’émigration pour les Irlandais. Pendant un temps, le tigre celtique a rugi et c’est dans le sens inverse que l’on traversait la mer d’Irlande. Puis la croissance a changé de bord et le Merseyside [comté de Liverpool] est désormais la destination d’une nouvelle génération de migrants.
On estime que 75 000 citoyens irlandais pourraient émigrer en 2012 – soit plus qu’à la fin des années 1980. Dans un pays qui compte 4,5 millions d’habitants, un tel phénomène suscite énormément d’intérêt, à tel point que l’Irish Times a lancé un blog baptisé Generation Emigration, dont le titre est présenté sous la forme d’un tableau d’affichage d’aéroport.
Face à la montée du chômage, des jeunes, en particulier des hommes autour de la vingtaine, se tournent vers d’autres pays européens, vers l’Australie ou le Moyen-Orient pour trouver du travail. A l’heure actuelle, 356 000 ressortissants irlandais ont élu domicile au Royaume-Uni, selon les derniers chiffres de l’Institut statistique britannique, et l’immigration irlandaise n’est devancée que par l’immigration polonaise.
Il faut remonter à l’année 1989 pour trouver une vague d’immigration d’une telle ampleur, lorsque 44 000 personnes avaient quitté l’île. L’impact de cet exode a été mis en évidence lorsque la fédération gaélique de football s’est avérée incapable de former des équipes l’hiver dernier, faute de trouver suffisamment d’hommes sur la Péninsule de Dingle.
Liverpool, qui accueille des Irlandais de longue date – les trois-quarts de ses habitants auraient du sang irlandais – connaît une nouvelle vague d’immigration en provenance de l’île d’émeraude.

Sauter le pas

Michael Mulqueen, ancien journaliste et maître de conférences, et son épouse Fidelma ont acheté la maison de leurs rêves en 2008, à l’époque où Michael donnait des cours à l’université de Limerick. Leurs deux enfants étaient bien intégrés dans leur école et la famille avait des parents proches dans le comté voisin de Clare. On lui propose alors un poste de directeur de la faculté de sciences politiques, médias et communication à l’université Hope de Liverpool. "C’était une décision extrêmement difficile à prendre vis-à-vis de la famille, parce que nous ne voulions pas déraciner les enfants", confie Michael Mulqueen. "Cela risquait de les perturber, mais il y avait aussi l’attrait du poste".
Au départ, Michael Mulqueen faisait le voyage entre l’Irlande et Liverpool chaque semaine, avec le soutien du doyen de la faculté, qui s’était déjà trouvé dans une situation comparable. Il partait le dimanche soir et rentrait auprès de sa famille le jeudi soir. "C’était une période très chargée avec des journées longues et difficiles", se souvient-il. "Pendant la semaine, on discutait sur Skype, mais les enfants m’ont laissé entendre qu’ils n’aimaient pas trop cela. Nous avons donc décidé de sauter le pas et de partir".
La famille pose ses valises à Liverpool en février 2011. L’épouse de Michael travaillait encore à Limerick et a donc commencé par faire la navette dans l’autre sens pendant quelques mois. Trouver des places dans la bonne école pour leurs enfants s’est avéré épineux et Michael suppose que cela aurait été encore plus ardu si l’anglais n'avait pas été leur première langue. La famille apprécie son premier Noël à Liverpool, se fait des amis et dit s’être intégrée rapidement.
Michael Mulqueen voit des points communs entre Liverpool et Limerick. "Si le redressement de Liverpool n’est pas encore terminé, la ville a fait un bond en avant spectaculaire depuis ma première visite, au début des années 1990. Limerick est une ville qui est aujourd’hui confrontée à des problèmes quasiment identiques liés à la misère sociale, au logement et à des quartiers en proie au désespoir". Michael Mulqueen a grandi dans le comté de Galway, une région marquée par la misère sociale et, au début des années 1990, après l’université, une partie des jeunes de son âge ont quitté l’Irlande.
Se sent-il coupable d’être parti ? Selon lui, le gouvernement irlandais a compris que l’éducation jouait un rôle majeur dans la croissance économique et y a investi largement. Il pense donc que les générations futures ne connaîtront pas les mêmes problèmes.

Effondrement irlandais

Michael Noonan, le ministre des Finances irlandais, a provoqué la consternation en janvier en qualifiant l’émigration de "choix de mode de vie" et en déclarant qu’elle n’avait rien à voir avec la crise économique. Père de trois enfants vivant tous à l’étranger, il a ajouté : "Il y a toujours des jeunes qui quittent l’Irlande ou qui y arrivent et certains d’entre eux sont des migrants au sens classique du terme. D’autres ont simplement envie de quitter l’île pour quelque temps". Plus tard, il a fait savoir que ses propos avaient été sortis de leur contexte.
Alan Barrett, du [think-tank irlandais] Economic Social and Research Institute, estime que cette nouvelle vague d’émigration est l’une des incidences les plus marquantes de l’effondrement irlandais. "Entre l’indépendance et la montée en puissance du tigre celtique dans les années 1990, les gens nés en Irlande n’ont jamais pensé qu’ils pourraient trouver du travail sur l’île. Les choses ont changé avec l’avènement du tigre celtique, mais on retrouve aujourd’hui la situation qui prévalait auparavant", analyse-t-il.
"Comme c’était déjà le cas lors des précédentes vagues de départs, le Royaume-Uni reste la destination phare des émigrés irlandais. Toutefois, le triste état du marché de l’emploi britannique et la vigueur relative de l’économie australienne font que les Irlandais de la vague actuelle sont davantage attirés par l’Australie", précise Alan Barrett.
Pour autant, il ne pense pas que cet exode réduira les chances de l’Irlande de renouer avec la croissance économique. "L’expérience des années 1980 et 1990 montre que si les gens partent quand les temps sont durs, ils reviennent quand les choses s’arrangent".

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