TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mardi 21 février 2012

Cohn-Bendit: "sur la Grèce, la gauche française est hypocrite"

Le Parlement français va ratifier, ce mardi, le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES), doté de 500 milliards d’euros, qui va prendre, en juillet prochain, la succession du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Mais, le Parti socialiste, le Front de gauche et les Ecologistes sont divisés sur ce texte : en effet, il prévoit que seuls les pays qui ratifieront le traité sur « la stabilité, la coordination et la gouvernance économique de l’union économique et budgétaire », qui rend notamment obligatoire l’intégration de la règle d’or budgétaire dans les constitutions nationales, pourront bénéficier du MES. Or, François Hollande, le candidat socialiste à la présidentielle, a annoncé son intention de le renégocier s’il est élu, car il estime qu’il fait l’impasse sur la solidarité financière et la croissance économique.
Si le Front de gauche votera contre la ratification du MES, le PS a décidé de s’abstenir tout comme il l’avait fait, le 7 septembre 2011, sur l’extension des moyens du FESF. « Nous contestons le lien entre le MES et le traité budgétaire », m'a expliqué Harlem Désir, député européen et numéro 2  du PS. Une position qui s’explique aussi par ses divisions internes, l’aile gauche du parti étant partisan d’un vote négatif... « Mais nous sommes très clairs, nous sommes pour le MES », affirme Désir. Cécile Duflot, la patronne des Verts, elle, milite plutôt pour « un refus de participer au vote d’un projet de loi qui imbrique totalement le MES et le traité budgétaire. Si on vote pour en affirmant qu’on veut renégocier le traité budgétaire, notre position deviendra inaudible, car trop subtile », m'a-t-elle dit. Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe Vert au Parlement européen, conteste ce refus de voter en faveur du MES.
Que reprochez-vous à la gauche française dans cette affaire ?
Il y a une hypocrisie dans la position de la gauche française, Vert y compris. Le Mécanisme européen de stabilité est l’une des rares choses positives qu’on a pu arracher au Conseil européen des chefs d’État et de gouvernement et surtout à l’Allemagne : il instaure une solidarité financière entre les pays de la zone euro dont on a besoin si l’on ne veut pas laisser sombrer le Portugal, l’Italie, l’Espagne ou la Grèce. Surtout, le MES est la porte d’entrée vers les obligations européennes. Si demain, la gauche parvient au pouvoir, elle sera très contente d’avoir un MES à sa disposition pour organiser la solidarité. Le refuser, c’est injurier l’avenir. 

Comment expliquez-vous la position du PS et des Verts ?
Son problème, c’est le lien qui est fait avec le traité sur « la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire » que François Hollande veut renégocier. En votant le MES, la gauche estime qu’elle se lie les mains, ce qui est faux. D’une part, il faut avoir conscience qu’Angela Merkel n’a accepté de payer pour le MES qu’à la condition qu’on adopte le traité d’union budgétaire. D’autre part, Hollande, s’il est élu, pourra conditionner la ratification du traité budgétaire à l’adoption d’un second volet renforçant la solidarité financière et d’un plan d’investissement destiné à relancer l’économie européenne. La chancelière allemande sera alors dans une position très difficile, car son traité d’union budgétaire n’a de sens que s’il est ratifié par la France. Elle devra donc négocier avec la France, d’autant que cette dernière sera soutenue par une majorité du conseil européen et du Parlement européen, libéraux et conservateurs compris.
La gauche française n’aurait-elle pas un problème avec la culture de stabilité allemande ?
Je ne le crois pas puisque François Hollande veut rétablir l’équilibre budgétaire dès 2013. Il est nécessaire que tous nos pays purgent leurs comptes publics parce qu’on ne pas continuer à endetter les générations futures. De toute façon, ce débat est derrière nous : le « six pack » qui réforme le pacte de stabilité et la gouvernance économique de la zone euro a été adopté l’année dernière. Le traité d’union budgétaire ne change pas grand-chose de ce point de vue, en dehors de la règle d’or qui n’est que la transcription au niveau national de ce qui existe au niveau européen. La réalité de l’Europe d’aujourd’hui c’est la culture de stabilité pour tous. Le débat ne porte donc pas sur la stabilité dont nous avons besoin, mais sur la façon d’organiser la solidarité.
Le Parlement européen a dénoncé mercredi dernier la dureté des conditions imposées à la Grèce.
On voit aujourd’hui que les politiques d’austérité imposées à la Grèce dans une période de crise économique et politique ne peuvent pas réussir. On a l’impression que la zone euro veut prouver que les Grecs sont incapables de réussir et que ce sont eux qui veulent la rupture. C’est irresponsable alors que les citoyens grecs restent attacher à l’euro, comme le montrent tous les sondages : une enquête parue hier dans le quotidien Ethnos montre que 76 % des Grecs, contre 19,6 %, veulent rester dans l’euro et que 82 % d’entre eux imputent la responsabilité de la crise à leurs politiciens et non à l’Europe ou aux marchés. Une telle maturité est incroyable ! On ne peut pas les laisser tomber.

Le gouvernement allemand est l’un des plus durs avec la Grèce.
C’est une attitude électoraliste : si en France il est porteur de dénoncer la rigueur ou la volonté de domination allemande, en Allemagne il est bien vu de dénoncer les menteurs et les fraudeurs grecs. Ce qui montre que tous ces gens ont une nano conscience européenne. Surtout, l’opinion allemande a la mémoire courte : en voulant absolument punir les fautes grecques, elle oublie un peu vite que le monde a rapidement pardonné les atrocités commises par les Nazis. Pourtant, il existait, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un plan américain, le plan Morgenthau, visant à démanteler l’Allemagne : il a finalement été abandonné au profit du plan Marshall et de l’annulation de la dette de guerre qui a permis à mon pays de se redresser rapidement. Aujourd’hui, la question est la même: veut-on anéantir la Grèce ou la relancer ?
Que faut-il faire pour aider la Grèce ?
La première chose à faire, c’est de lever le secret bancaire dans l’Union et en Suisse. On estime à 200 milliards d’euros l’argent placé sur des comptes à l’étranger par les Grecs. Il faut s’assurer qu’il s’agit d’argent légal. Ensuite, il faut geler les avoirs des armateurs grecs qui ne payent pas d’impôts, réduire le budget militaire non pas de 1,5 % par an, mais de 8, 9, 10 %, annuler tous les contrats d’armement, élaborer un plan d’investissement dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie afin de réduire la dépendance de la Grèce vis-à-vis de l’extérieur. Enfin, il faut une réforme de l’État pilotée par les Grecs et les Européens.
Ne faudrait-il pas annuler aussi tout ou partie de la dette grecque détenue par les États et la BCE ?
J’ai tendance à pousser dans cette direction. Mais il faut une forte conditionnalité : si rien ne change en Grèce, c’est de mettre de l’eau dans une passoire. Il faut des réformes économiques et politiques réelles avant d’annuler la dette.

0 commentaires: