TOUT EST DIT

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jeudi 26 janvier 2012

Un président honnête, ça n'existe pas !

Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 8 h 20 pour sa chronique politique "Le parti pris".

Selon un sondage CSA publié par le site Terrafemina, 53 % des Français considèrent que la qualité principale à attendre du prochain président de la République est l'honnêteté. Votre parti pris va les décevoir : un président honnête, ça n'existe pas ! Vous en êtes sûr ?
Attention : il ne s'agit pas de souscrire à la méchante rengaine du "tous pourris". Il ne faut pas confondre un président honnête et un président intègre. Les citoyens sont évidemment en droit d'espérer que l'État soit dirigé avec probité - c'est-à-dire par quelqu'un qui n'abuse pas du pouvoir pour s'enrichir, favoriser ses proches ou monnayer ses décisions. C'est même la moindre des choses que ce critère-là soit retenu comme une condition sine qua non. D'ailleurs, les candidats en font souvent un argument de campagne en promettant "l'État impartial" ou "l'État irréprochable". En réalité, il y a toujours des reproches à faire à un dirigeant. Le président est juridiquement irresponsable, mais il n'est jamais insoupçonnable.
Ça ressemblerait à quoi, un président honnête ?
D'après le dictionnaire, l'honnêteté, c'est à la fois l'intégrité et la franchise. On peut exiger l'intégrité, mais est-ce qu'il est réaliste d'attendre d'un président une franchise totale ? Il est évident que non. D'abord, il y a des choses qu'un chef d'État ne peut pas divulguer sans compromettre les intérêts du pays : dans des négociations internationales ou quand existent des menaces contre la France. Le pouvoir oblige à mentir. Et la conquête du pouvoir, au moins autant. Il y a un exemple fameux : de Gaulle savait qu'il ne pourrait pas garder l'Algérie française ; est-ce qu'il a eu tort de le faire croire ou de permettre l'indépendance ? Churchill a dit : "C'est une belle chose d'être honnête, mais il faut aussi avoir raison." En politique, il vaut parfois mieux tenir un cap que tenir sa parole.
Est-ce qu'on ne peut pas, malgré tout, espérer un président - et des candidats - qui disent la vérité ?
C'est un objectif louable, mais chimérique. La promesse de vérité est une arme formidable devant l'opinion. Mendès, Barre, Rocard ont fait carrière sur ce créneau - mais aucun n'a été président. Mitterrand et Chirac, eux, ont été élus alors que c'étaient de grands menteurs. Quand Jospin a dit "l'État ne peut pas tout" à des ouvriers dont l'usine fermait ou quand il a admis avoir été "naïf" à propos de la sécurité, c'était vrai, mais il l'a payé cher. Est-ce qu'on supporterait d'entendre Nicolas Sarkozy dire qu'on ne sait plus quoi faire contre le chômage ? Ou qu'on a échoué en Afghanistan ? Non - pourtant, ça en a tout l'air... Et est-ce que François Hollande peut se faire élire en annonçant que les impôts augmenteront ? Probablement pas. Il ne faut pas espérer de nos dirigeants qu'ils disent toute la vérité. Mais on pourrait au moins attendre d'eux qu'ils reconnaissent leurs erreurs.
Si j'ai bien compris, les électeurs qui privilégient l'honnêteté peuvent se préparer à être déçus...
Oui et, au fond, ils le savent. C'est logique d'espérer qu'un chef ait toutes les qualités, mais c'est impossible. Là où le sondage de Terrafemina peut surprendre, c'est que la deuxième qualité qui est citée, c'est le courage, mais que le réalisme vient plus loin, et l'autorité et l'indépendance bien plus loin encore ! Ce sont pourtant des qualités morales qui sont vraiment essentielles à un homme d'État - bien plus que l'honnêteté. Ce qui prouve qu'en toute honnêteté les Français aussi peuvent se tromper...

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