TOUT EST DIT

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vendredi 5 août 2011

Ils disent adieu à la Grèce en crise

Les Grecs sont des milliers à s'exiler pour s'assurer un meilleur avenir ailleurs en Europe ou aux États-Unis. 

Voula Diamantou fait un dernier tri dans ses vêtements. Cette fois, cette gastro-entérologue de 33 ans ne part pas pour passer ses vacances à Rhodes, son île d'origine, dans le Dodécanèse. Elle s'envole pour Londres sans billet de retour. Après quatre mois de démarches, samedi, Voula quitte la Grèce. «Le chant des grillons, le soleil, ma famille et mes amis, tout va me manquer, mais je n'ai plus aucun avenir ici», confie-t-elle, accoudée au balcon de son appartement situé en banlieue nord de la capitale. Après de brillantes études de médecine à l'université d'Athènes et son année pratique en province, Voula a découvert la réalité du système grec de santé, frappé par la crise.
Depuis cinq ans, elle travaille au Laïko Nosokomio (hôpital populaire), un établissement du centre d'Athènes. Mais elle n'a ni feuille de paie mirobo­lante, ni perspective de promotion. «Je ne gagne que 1100 euros net par mois et les heures de garde ne sont plus payées depuis près d'un an, explique-t-elle. En plus, avec les mesures d'austérité, les salaires et embauches sont gelés. Je ne peux donc pas espérer trouver mieux dans un autre hôpital public et impossible d'ouvrir un cabinet seule puisque je n'ai pas d'apport personnel. Avec la crise, les banques ne prêtent pas facilement d'argent.»
Dès qu'on lui a proposé un poste de médecin associé à l'université de Cambridge, à 2500 euros par mois, Voula n'a pas hésité une seconde: «J'aurai la possibilité de gravir les échelons. Le sacrifice sera donc payant.» Ce changement de vie est d'autant plus lourd que Voula laisse derrière elle Maria, sa fille de 17 mois tout juste et Sotiris, son mari, ingénieur au métro d'Athènes.

«Après, il sera trop tard» 

«C'est très difficile de quitter mes racines, ma vie, mais si je ne fais pas ces choix de vie à mon âge, après, il sera trop tard. Ici, mes capacités ne seront jamais valorisées», confie-t-elle avec un pincement au cœur. Pourtant, cette aventure la galvanise. «Nous recherchons déjà un emploi à Londres pour mon mari. J'espère pouvoir accélérer les choses une fois sur place. Je suis sûre que ce sera aussi bénéfique pour l'éducation de ma fille.»
Tout comme Voula, des milliers de Grecs cherchent à déserter le pays. Tous n'ont pas la même opportunité. Ils s'adressent donc à des professionnels. De plus en plus d'agences de chasseurs de têtes proposent aux Grecs de leur assurer une activité à l'étranger.
L'entreprise suédoise Paragona multiplie les publicités dans la presse hellénique ou sur Internet, en garantissant un emploi à la hauteur des compétences de chacun et un bon salaire. Mais toutes les annonces ne sont pas bonnes. «Des centaines de Grecs, avocats, ingénieurs ou étudiants, ont été bernés par une agence austra­lienne, raconte Kostas Markou, le secrétaire général de l'importante communauté grecque de Melbourne. Par exemple, le site www.ausfis.org se présente comme conseiller en immigration et promet de se charger des visas et de la recherche d'un travail. Mais en fait, il n'en est rien. Les plaintes abondent aujourd'hui. Il faut donc se méfier et bien préparer son départ.»

Clientélisme et népotisme 

Depuis quelques mois, le ministère grec des Affaires étrangères croule sous les demandes de création ou de renouvellement de passeports. «Le téléphone n'arrête pas, surtout en ce moment, tous sont pressés de partir. On a l'impression de vivre cette vague de migration qu'a connue la Grèce au début du XXe siècle. Sauf qu'il n'y a ni guerre ni famine!» confie un diplomate.
Déjà, plus de 70.000 Grecs seraient partis pour les États-Unis, plus de 15.000 auraient rejoint l'Allemagne, l'Angleterre et la France. «Malheureusement, après les capitaux, ce sont les cerveaux qui partent… Ceux à qui le système coupe l'herbe sous le pied», affirme Ioannis Detseris, le président de l'Union des médecins libéraux. «Dans tous les secteurs, le clientélisme, le népotisme et les mentalités tardent à changer. Il faut reconnaître qu'il y a trop de médecins en Grèce, 70.000 pour 10 millions d'habitants. Mais, d'un autre côté, ils sont déjà 5000 à être partis en moins de trois ans. Alors si les meilleurs partent, que va-t-il rester?» s'interroge-t-il.
Tout entier absorbé par la nécessité de mener à bien les réformes malgré les dégâts collatéraux, le gouvernement s'inquiète tout de même de ce mouvement migratoire croissant qui touche toute la population. D'autant que les jeunes suivent le mouvement. Selon les derniers sondages, sept sur dix des 20-25 ans veulent quitter le pays. Or cette génération est la plus diplômée d'Europe. Son départ handicaperait grandement le futur du pays. Malgré tout, les autorités espèrent que ces «cerveaux» reviendront, une fois la crise passée.

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