TOUT EST DIT

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mardi 7 juin 2011

Une histoire américaine

Ce fut un moment triste. L’instantané amer d’un destin brisé. Pendant une vingtaine de secondes, les éléments de l’affaire judiciaire, maintes fois tournés et retournés, s’effacèrent brusquement. Il n’y eut plus que la marche pathétique de ce couple gravissant sous les huées les marches du palais de justice de South Manhattan quand il rêvait de monter sous les vivats celles du palais de l’Élysée.

Il n’y eut plus que ces deux personnages marqués par une épreuve rédhibitoire, cassés, défaits, et leurs mâchoires crispées qui tentaient maladroitement de sourire sans vraiment y parvenir. Comme si, par quelque sortilège maudit, ces antihéros avaient vieilli de dix ans en un mois.

Ce fut une séquence hollywoodienne où la vie est plus sombre que le cinéma. Ici, la lumière ne se rallumera pas : le réel n’offre pas de sursis. On quitte l’audience mais la séance, illimitée, continue avec cet inimaginable scénario d’un ex-directeur du FMI poursuivi pour viol.

Et une immense impression de gâchis qui assaillent les spectateurs. Pour l’agresseur présumé, qui a tout perdu. Et pour sa victime présumée, irrémédiablement abîmée par ce 14 mai tragique où une violence inattendue a ravagé sa confiance dans l’existence. La suite de la procédure n’y changera rien : il n’y aura pas de gagnant dans ce procès.

Ce fut le début d’une histoire américaine dont les protagonistes vont s’affronter dans un combat de prétoire où, rituellement, le pays règle ses comptes avec lui-même.

Peu importe que Dominique Strauss-Kahn soit français et favori pour la présidentielle. Ce qu’il incarne désormais c’est le pouvoir, l’argent, la puissance quand son accusatrice, guinéenne, représente, elle, la pauvreté du Bronx, l’effort, et la promesse de l’Amérique.

Ce fut le premier round d’un choc dont les coups échappent aux deux acteurs principaux. Un match de juristes où le droit, exigeant et pointilleux, se retrouve parfois en adversaire de la justice à force d’éviter l’injustice.

Aux États-Unis, l’image, pour le meilleur et pour le pire, est souvent une arbitre de la conscience des douze jurés, surtout dans un dossier où rôdera le doute juridique puisque l’absence de consentement de la plaignante, avancé par un camp, sera aussi difficile à prouver que son consentement, plaidé par l’autre.

Ce fut le premier point d’une partie imprévisible, marqué par l’inconnue femme de chambre guinéenne. Par impact visuel.

D’un côté, un duo de défenseurs masculins, sûr de lui, dont on sait qu’à coup de millions de dollars, il fera tout pour discréditer le témoignage de l’accusation.

De l’autre, un avocat, noir, qui ramène les faits à leur évocation la plus simple, et le tandem mixte du procureur appuyé par les « shame on you » lancés à DSK sous des centaines de caméras par des femmes de chambre solidaires de leur collègue. Une efficacité médiatique dévastatrice.

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