TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 9 août 2010

Lois d'exception

S'il entendait provoquer un débat enflammé, Nicolas Sarkozy ne s'y serait pas pris autrement. En avançant ses propositions de déchéance de nationalité, notamment à l'encontre de « toute personne d'origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d'un policier, d'un militaire de la gendarmerie ou de toute autre personne dépositaire de l'autorité publique », il rencontre incontestablement la sensibilité d'une grande partie de la population. Hardiment assumée à la droite de la droite, soigneusement refoulée à gauche, cette corrélation implicite entre immigration et criminalité empoisonne la conscience publique. D'autant qu'en l'absence volontaire de statistiques ethniques, les références partisanes se substituent à la connaissance des faits.

De l'avis de juristes, ces dispositions pourraient entrer en collision avec l'article 1 er de la Constitution, qui assure « l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine… » Sans doute depuis une ordonnance de 1945, abrogée en 1998, une telle déchéance s'appliquait-elle aux criminels naturalisés depuis moins de dix ans et condamnés à cinq ans de prison ou plus. Et pendant ces cinquante-trois ans, on ne sache pas qu'elle ait été déclarée inconstitutionnelle. C'est probablement le précédent que compte exploiter le gouvernement le moment venu. De telles lois d'exception, d'ailleurs, n'ont pas manqué dans l'histoire de la République. De 1848 contre les trafiquants d'esclaves, à 1927 contre ceux qui portent atteinte à l'intégrité de l'Etat, ou à 1947 pour faits de collaboration. Dans la période moderne, elles sont généralement inspirées par l'état de guerre. Nul doute que le président y pensait quand il a évoqué sa « guerre » à la nouvelle criminalité… En faisant l'économie des déclarations belliqueuses ou des indignations vertueuses, il semble raisonnable de prendre cette initiative pour ce qu'elle est : un coup politique à risque constitutionnel calculé.

0 commentaires: