TOUT EST DIT

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dimanche 25 juillet 2010

Opacité face aux marchés, précipitation et risque de distorsion de concurrence : les trois erreurs de l'Europe

Et maintenant ? Et si la publication des tests de résistance des banques européennes n'atteignait pas son but : restaurer durablement la confiance perdue des marchés financiers ? La question est sensible puisque la confiance est l'une des composantes essentielles de la reprise économique. Or elle se pose de manière brûlante, au vu des risques pris par les Européens pour conduire cet exercice délicat et compliqué.
Trois grandes erreurs ont été commises. La première porte sur l'absence d'échange préalable avec les marchés financiers (les investisseurs en Bourse, les analystes, les agences de notation, etc.) sur la méthodologie employée.

A la différence des Etats-Unis - qui, certes, ont subi une crise bancaire bien plus forte mais qui, sur ce point, peuvent être pris comme référence -, l'Europe n'a pas préparé les marchés à la lecture des scénarios et des critères retenus pour fonder les tests (ampleur de la récession économique, chutes de valeur des dettes publiques des différents pays européens, etc.).

Cet exercice pédagogique était pourtant capital pour empêcher les doutes et les mises en cause sur le bien-fondé des scénarios et leur supposée "complaisance", comme on l'entend déjà.

Il n'était pas si difficile d'expliquer, dans un document publié en amont des tests, comme l'a fait l'administration Obama (30 pages publiées deux semaines avant l'échéance), pourquoi, par exemple, les hypothèses de pertes sur les dettes publiques détenues par les banques restaient limitées.

L'accord politique né de la crise de l'euro n'a-t-il pas établi qu'aucun Etat, y compris la Grèce, ne ferait faillite ? Au lieu de cela, on laisse naître et s'installer un débat sur la crédibilité des tests.

Ensuite, les Européens ont commis l'erreur de travailler dans l'urgence, annonçant en juin que les tests seraient publiés en juillet ! Un mois pour forger un consensus à vingt pays - quand les Etats-Unis étaient seuls ! - sur des sujets aussi importants que le degré de détail des informations à communiquer aux marchés était bien insuffisant.

Il en a résulté une regrettable cacophonie sur ce qui serait publié ou pas, certains pays comme l'Allemagne et la France ayant bataillé jusqu'au dernier moment pour que ne soit pas révélé le niveau d'exposition détaillé, banque par banque, et pays par pays, aux dettes souveraines. Les banques françaises détiennent à elles seules 52 milliards d'euros de créances publiques et privées en Grèce, et les banques allemandes 44,2 milliards.

On le savait pourtant, le succès des tests, conçus comme une opération vérité sur l'état de santé des banques, nécessitait une transparence totale. Une transparence réclamée aussi bien par les investisseurs que par les économistes et les experts du Fonds monétaire international (FMI), trois ans après le début de la crise financière de 2007 et trois mois après celle des finances publiques de la zone euro.

Il est dangereux de décevoir les attentes des marchés qui, désormais, ne croient que ce qu'ils voient. Comme il est malhabile de ne pas prendre le temps de régler les dissensions entre pays européens et d'exposer au grand jour le désarroi européen.

Enfin, une question a été oubliée, qui va aussi alimenter la polémique, celle des distorsions de concurrence entre secteurs bancaires. Certaines banques, notamment en Espagne, en Allemagne et en Grèce, ne doivent leur réussite aux tests qu'aux aides publiques qui leur ont été fournies après la crise.

Là encore, l'expliquer eût été de bon aloi. L'on parvient, en effet, à cette situation baroque où des banques malades et sous perfusion d'Etat - qui devront, de plus, rembourser les aides - obtiennent de bonnes notes quand d'autres, restées debout malgré la crise, passent tout juste l'examen. Aux marchés d'apprécier !

Ainsi, il ne faudrait pas qu'à cause de ces faux pas, l'Europe gâche l'occasion qui lui est offerte de rattraper le retard pris par rapport aux Etats-Unis pour résoudre la crise bancaire et apaiser les marchés.

Un risque que l'économiste Nicolas Véron, fervent partisan des tests européens, résume d'une phrase : "Il faut se réjouir que l'Europe soit sortie du déni de réalité en décidant de publier ses tests. Mais attention, il s'agit d'un fusil à un coup !"
A. Mi.

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