TOUT EST DIT

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dimanche 11 juillet 2010

L'argent de la vieille

A qui profite le fascisme, quand on le brandit en argument ultime pour fustiger des journalistes et proclamer la fin d’une affaire, comme l’ont fait Xavier Bertrand et quelques autres, échotiers de la colère de Nicolas Sarkozy?

La violence langagière inouïe des porte-parole du Président, dans une semaine rythmée de scoops et de démentis gigognes, peut transformer l’indignation en confusion. Plus volent les insultes, moins les faits sont visibles, et le pouvoir s’en arrange, qui peut éluder les doutes et les questions.

Cette stratégie n’exclut pas une sincérité: la rage de Nicolas Sarkozy, accusé, sans preuves, d’avoir touché des enveloppes, au temps où il était maire de Neuilly. Cette colère en rejoint d’autres, d’un Président dont même la vie privée a été en proie aux rumeurs… L’homme le plus puissant de France se sent aussi calomnié, sali, voire persécuté. C’est baroque, mais pas toujours infondé. Pas faux, mais problématique, quand le Président justifie d’autres violences, verbales ou politiques, de sa part ou des siens: témoin, cette campagne venue d’en haut contre un journaliste, Edwy Plenel, et un site Internet, Mediapart, promus premiers ennemis de l’Etat, fascistes, trotskistes et villepinistes à la fois…. Tant de mots et tant de puissance pour des plumitifs? La colère présidentielle, compréhensible un moment, devient ensuite gênante, un prétexte ou une habileté.

Plusieurs choses peuvent être vraies en même temps. Que Nicolas Sarkozy inspire à ses ennemis une passion hors du sens commun, c’est exact, et cela pousse à la faute. Mediapart a surjoué ou surinterprété contre le Président le témoignage de l’ex-comptable des Bettencourt? C’est dommageable. Mais cela n’annule aucune révélation antérieure, née de Mediapart, ou du JDD, du Point ou de Marianne, et ne fait rien disparaître d’une affaire qui dévoile une étrange République.

Il reste le cumul des casquettes du M. Rigueur de la droite. Il reste les légèretés, a minima, et les croisements à risque entre Eric Woerth, son épouse, l’argent des Bettencourt et celui qui les gérait. Il reste ce bouclier fiscal, si doux aux riches et même dans la crise. Il reste une justice à courant alternatif, brusquement empressée à éclaircir des affaires qui semblaient, avant, si peu l’intéresser. Il reste enfin ces agapes, réelles et fantasmées, cette ambiance de méchante comédie qui entoure madame Bettencourt ; cet argent de la vieille qui aurait arrangé et nourri tant de monde, jadis et plus récemment, cet argent qui coule et qui ruisselle et qui pollue tout, tel un poison républicain…

On dénonce, au sommet de l’Etat, l’atmosphère de suspicion qui emporterait les médias et bientôt la France. Peut-être. Mais en assimilant au fascisme le simple droit de poser des questions, en faisant comme si tout allait de soi et toute critique valait complot, on alimente un peu plus le soupçon et le dégoût, on précipite sa perte en croyant se sauver.



Claude Askolovitch

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