S’il ne s’agissait pas d’un sujet aussi sérieux, on pourrait piocher dans l’abondante filmographie du regretté Roger Hanin pour illustrer à quel point le travail de la Cour des comptes finit par ressembler à un scénario de (mauvais) film. Ainsi, pour se moquer de l’inlassable et vaine répétition des admonestations de cette auguste institution à un gouvernement toujours sourd : « Vous pigez ? », ou, plus agressif, « Le faux-cul », ou encore « Le grand carnaval ». S’il fallait au contraire illustrer le scandale de cette dépense publique non maîtrisée et de cette dette qui gonfle à un « Train d’enfer », on invoquerait « L’ennemi dans l’ombre » et le risque d’un « Coup de sirocco ».
Cela fait des années que la Cour des comptes tire le signal d’alarme : trop de dépenses, pas assez de réformes. Mais personne ne l’écoute. Son pouvoir a été renforcé, ses interventions sont devenues plus fréquentes, mais rien ne se produit. On trouvera toujours plus pittoresque de se scandaliser du dérapage d’un rond-de-cuir ou de la gabegie d’un obscur bureau ministériel que de s’émouvoir de la spirale dans laquelle le pays est entraîné : malgré tous les avertissements, malgré toutes les promesses du gouvernement, la France a dépassé en 2014 le record absolu du poids des dépenses publiques par rapport à la richesse que nous créons, soit 57,7 %. Un chiffre invraisemblable, loin devant la moyenne européenne (49 %). Le Premier président de la Cour des Comptes, avec toute son expérience et toute l’autorité que lui confère son statut de plus haut magistrat chargé des comptes publics, l’a répété cent fois. Mais rien ne semble pouvoir conférer à ses avertissements une valeur d’injonction. La puissance publique est « A bout de souffle », mais elle continue d’espérer « Le grand pardon ».