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mardi 8 avril 2014

Pourquoi le binôme Montebourg, Sapin ne parviendra pas à convaincre l'Allemagne

Pourquoi le binôme Montebourg, Sapin ne parviendra pas à convaincre l'Allemagne


Après la Berezina socialiste aux municipales, la responsabilité de l'économie a été confiée à Arnaud Montebourg et à Michel Sapin. A l'un le Ministère de l'Économie, à l'autre, celui des Finances, un dispositif censé s'inspirer de l'Allemagne. Le premier aura comme homologue Sigmar Gabriel, numéro 2 du gouvernement et maître d'œuvre pour le SPD dont il est le Président, de l'accord de grande coalition signé fin novembre 2013 ; le second sera l'interlocuteur de Wolfgang Schäuble, qui occupe ces fonctions depuis 2009. Avec cet attelage incarnant l'un, la mystique volontariste et l'autre, le prosaïsme gestionnaire,François Hollande et Manuel Valls ont voulu adresser un signal à la Commission et à l'Allemagne: imposer l'image d'un co-pilotage symétrique franco-allemand de la politique économique en zone euro tout en le réorientant dans un rééquilibrage entre rigueur et croissance.
Sur le plan du fonctionnement de l'économie, rien pourtant de plus dissemblable de part et d'autre du Rhin. Sigmar Gabriel assume sans complexe les réformes Schröder du marché du travail dont le rôle a été décisif dans la division par deux du chômage revenu de 11 à 5,5 % de 2005 à 2013. Le salaire minimum porté par le SPD comme grand symbole de sa participation à la grande coalition, entend signifier non un alignement sur le SMIC français mais une mobilisation maîtrisée des marges de manœuvre générées par dix ans d'effort en faveur de ceux, notamment dans les services, qui ne bénéficient pas de conventions aussi structurées que dans l'industrie. Adepte comme Angela Merkel de l'économie sociale de marché, le ministre de l'Économie se situe aux antipodes des incantations protectionnistes de son homologue français et de sa nostalgie de la politique industrielle. Concept impensable en Allemagne où le rôle de l'État est de créer les conditions générales du bon fonctionnement d'une économie concurrentielle. C'est aux entreprises que revient le rôle moteur de la croissance. Non à un État prétendument stratège qui impose ses priorités aux entreprises et à la société, et les écrase de son poids.


Dans le domaine des finances également, deux visions bien différentes. Wolfgang Schäuble considère à la différence de Michel Sapin et des élites françaises que la croissance ne vient pas de sa stimulation par la dépense publique: c'est l'inverse qui est vrai. L'argument tant brandi par les élites françaises selon lequel les dépenses publiques favorisent la croissance risque bel et bien de laisser de marbre tant les faits montrent le contraire du Canada à la Suède et à l'Allemagne elle-même.
La France entend incarner une alternative à l'Allemagne: pour minimiser ses réformes et se poser en champion de l'Europe anti-austérité. C'est un échec total. Sous les apparences d'une Allemagne affaiblie par le poids de la réunification et d'un État social à bout de souffle, la France qui avait à l'inverse, engrangé les bénéfices de sa politique de rigueur menée de 1983 à 1997, s'est laissée prendre ensuite aux illusions post-industrielles des 35 heures et des déficits continus. Quinze ans après, elle est hors combat. Avec les dépenses publiques les plus élevées d'Europe (57 % du PIB), l'économie productive s'est effondrée: l'industrie manufacturière a désormais un poids économique équivalent à celui de la Grèce (10 % du PIB) alors qu'avec 2/3 des échanges mondiaux, elle est à l'exemple de l'Allemagne, la clé de la croissance. Pris au piège des rentes sociales, écartelé entre les pressions centrifuges de ceux qui les paient, et de ses bénéficiaires qui ont compris que le temps de leur mise en cause se rapproche, Paris réclame à Berlin son soutien pour de nouveaux délais pour réduire son déficit. Autant à l'instar de l'Espagne, il est recevable d'échanger des délais contre des réformes, autant dans le cas de France, ni le faible montant des baisses de dépenses ni les non-réformes successives ne peuvent justifier de nouveaux reports: ils ne seront pas plus respectés que les précédents. Après avoir décroché de l'Allemagne, la France, avec sa crédibilité budgétaire anéantie et une croissance laminée, est distancée désormais par l'Europe du Sud qui voit sa croissance s'affermir après avoir repris le contrôle de ses comptes et enfanté ses réformes dans la douleur.
Opter pour une stratégie de passager clandestin en misant sur les efforts des autres ou pire, vouloir entraîner l'Italie, qui avec les acquis de la gestion Monti et Letta, cherche son inspiration chez Schröder et Blair, dans une alliance de revers contre l'Allemagne, est vouée d'avance à l'échec tout en actant le déclassement de la France dans la hiérarchie des nations de la zone euro. Il y a des raisons de s'inspirer de l'Allemagne: celles qui relèvent du réel, non des apparences.

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