TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

jeudi 12 décembre 2013

Pourquoi Giscard n’a pas été invité aux funérailles de Mandela


L’« ex » est amer : « je n’ai pas été invité », a lâché Valéry Giscard d’Estaing à nos confrères du Lab en se rendant à l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris pour signer le livre d’or. A-t-on « oublié » VGE dans ce voyage à Johannesburg de François Hollande ET Nicolas Sarkozy ?
Réponse : non. C’est faire injure à l’histoire que de considérer que Valéry Giscard d’Estaing aurait eu sa place à la cérémonie d’hommage à Nelson Mandela, alors qu’il a présidé la France à une époque de collaboration active avec ses geôliers. De surcroît, VGE n’a jamais rencontré le premier président noir de l’Afrique du Sud après sa libération.
Durant son unique septennat, Valéry Giscard d’Estaing a poursuivi le développement d’une collaboration entre la France et le pays de l’apartheid, symbolisé par la construction, par les entreprises françaises, de la centrale nucléaire de Koeberg, près du Cap.

Des intérêts géostratégiques

Mais au-delà de l’économie, il y a aussi des intérêts géostratégiques. En 1974, au moment où VGE est élu, la « révolution des œillets » emporte la dictature Salazar au Portugal, et ouvre la voie à la décolonisation du Mozambique et de l’Angola, qui emportera toute la région dans la guerre.

En Angola, trois mouvements de libération rivaux se disputent le pouvoir : Paris et Pretoria partagent le même désir de bloquer les « marxistes » du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA) soutenu par les Soviétiques et les Cubains. L’armée sud-africaine pénètre en territoire angolais par le sud, tandis que les Français, présents au Zaïre (aujourd’hui la RDC) de Mobutu Sese Seko, soutiennent activement les rebelles anticommunistes.
Le MPLA d’Agostinho Neto – toujours au pouvoir en Angola quarante ans après... – remporte cette confrontation grâce à l’intervention cubaine massive, et les Sud-Africains doivent battre en retraite.
Nous sommes en 1975. Ces événements font renaître l’espoir au sein de la population noire d’Afrique du Sud.
La première manifestation contre le régime de l’apartheid après des années de « glaciation » consécutive à l’écrasement du Congrès national africain (ANC) et l’emprisonnement de Mandela a pour slogan « viva Frelimo », le mouvement de libération qui a pris le pouvoir à Maputo, au Mozambique (et qui est présidé par... Samora Machel, dont la veuve, Graça, deviendra plus tard l’épouse de fin de vie de Nelson Mandela).
Le 16 juin 1976, les jeunes de Soweto se révoltent, et meurent par centaines sous les balles de la police, et pendant plusieurs mois, le soulèvement gagne l’ensemble du pays avec une répression féroce.

Un émissaire en Afrique du Sud

A Paris, on se demande que penser, et le ministère des Affaires étrangères envoie un émissaire en Afrique du Sud pour étudier la situation.
J’étais à l’époque au bureau de l’AFP à Johannesburg. L’ambassadeur de France m’appelle et me demande, un peu embarrassé, si je peux faciliter des contacts au sein du leadership noir pour cet émissaire, l’ambassade ne voulant pas de problème avec les autorités.
J’organise alors un dîner chez moi avec l’avocat de Nelson Mandela, et un médecin de Soweto, proche de la famille Mandela...
Au même moment, les Etats-Unis ont à leur tête Jimmy Carter, qui met la défense des droits de l’homme en tête de l’agenda, et ordonne à son ambassade en Afrique du Sud d’inviter autant de Noirs que de Blancs à ses réceptions, nomme des diplomates noirs, et multiplie les signes d’hostilité au pouvoir blanc. Cette politique ne durera pas une fois Ronald Reagan élu en 1980.
La France de Valéry Giscard d’Estaing n’a jamais osé s’engager contre le régime sud-africain. Lorsque Oliver Tambo ou Thabo Mbeki, les dirigeants de l’ANC en exil, passaient à Paris, ils étaient à peine reçus par de jeunes diplomates sans pouvoir, dont un certain... Dominique de Villepin.

Le virage de 1981

Il faudra attendre 1981 et l’élection de François Mitterrand pour que l’attitude de la France change progressivement, et que l’ANC ait officiellement droit de cité à Paris.
Voilà pourquoi VGE a été « oublié », même si, on le sait bien, l’hypocrisie n’est pas étrangère au monde de la diplomatie, surtout lors des « grands » décès.

0 commentaires: