TOUT EST DIT

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lundi 9 septembre 2013

4 réformes et 1 enterrement

4 réformes et 1 enterrement
La France, depuis l'abaissement irresponsable de l'âge de départ à la retraite de 65 à 60 ans en 1982, a connu quatre réformes des retraites en 1993, 2003, 2008 et 2010. Partielles et tardives, elles n'ont pas rétabli l'équilibre financier du système par répartition, dont la pérennité est menacée par un déficit de plus de 20 milliards d'euros à l'horizon de 2020. Mais elles en ont limité les pertes et les inégalités en portant progressivement la durée de cotisation de 37 à 41,5 ans, en étendant cette règle à la fonction publique et aux régimes spéciaux et en relevant l'âge de départ à la retraite à 62 ans. Le projet du gouvernement Ayrault s'en démarque en enterrant et la réforme et les retraites. Il ne constitue pas une réforme, car il se réduit à la hausse des cotisations sociales versées par les entreprises. Il compromet la survie de la retraite par répartition, qui n'est compatible ni avec la course folle des déficits financés par la dette à hauteur de plus de 10 milliards par an, ni avec la sanctuarisation d'inégalités insupportables entre les générations comme entre le secteur public et le secteur privé.
La pseudo-réforme des retraites n'atteint aucun des quatre objectifs qu'elle était censée poursuivre.
Il n'y a pas de retour à l'équilibre financier. Les 7,3 milliards d'euros de recettes nouvelles ne couvrent que le tiers du besoin de financement de 20,7 milliards à l'horizon 2020. Aucune mesure ne vient réduire le gigantesque déficit du régime de retraite des fonctionnaires, qui s'élève à 8,6 milliards et continuera à être financé par la dette. Et ce alors que les hypothèses macroéconomiques retenues, avec une croissance moyenne de 1,6 % et un taux de chômage de moyen terme de 4,5 %, sont déraisonnablement optimistes.
Il n'y a pas de maîtrise des dépenses, puisque les pensions ne sont pas désindexées, mais que sont institués de nouveaux engagements avec le compte pénibilité, qui coûtera 2,5 milliards par an et qui, concernant potentiellement 20 % des salariés, crée une nouvelle source de dérive financière après la prise en compte des carrières longues.
Il n'y a pas d'arrêt de la hausse des cotisations sociales et du coût du travail, dont l'impact est ravageur pour la croissance et pour l'emploi. L'annonce d'une compensation financière pour les entreprises demeure virtuelle en l'absence de toute précision sur les réductions de dépenses qui en seraient la contrepartie. À l'égal de l'arrêt des hausses d'impôts, elle n'engage que ceux qui sont encore assez naïfs pour les écouter.
Il n'y a pas réduction mais aggravation des inégalités. Le nécessaire rapprochement du secteur public et des régimes spéciaux avec le secteur privé est abandonné alors que la pension annuelle moyenne atteint 22 769 euros pour les fonctionnaires, contre 19 991 euros pour les cadres et 10 756 euros pour les salariés. Il en va de même pour la limitation des déséquilibres entre les générations alors que le revenu mensuel moyen des retraités est supérieur de près de 10 % à celui des actifs et que le taux de pauvreté des jeunes atteint 19,6 %, contre moins de 10 % pour les seniors.
À l'inverse, tous les éléments d'une réforme durable qui avaient été identifiés par le rapport Moreau ont été écartés : le report progressif de l'âge légal à 65 ans comme dans tous les pays développés ; l'alignement par étapes du régime de la fonction publique et des régimes spéciaux sur celui des salariés ; l'évolution vers un système par points garant de l'équilibre financier et de l'équité entre les générations ; le recours étendu à une retraite complémentaire par capitalisation qui ne représente que 2 % du montant des retraites en France, contre 10 % en Allemagne.
L'incapacité à apporter des solutions pérennes aux déséquilibres du système de retraite français menace sa survie comme celle de la protection sociale. Nul ne peut croire que le gouvernement se montrera plus sérieux face aux dérives du système de santé ou de l'assurance-chômage. Or le modèle social français est devenu insoutenable du fait de ses dépenses (33 % du PIB) et de ses engagements (380 % du PIB), de ses déficits et de sa dette (plus de 200 milliards d'euros), de ses conséquences dramatiques pour la compétitivité et l'emploi, de son inefficacité chronique face à la montée des nouveaux fléaux sociaux.
La non-réforme des retraites marque la désintégration programmée du système de sécurité sociale comme la perte définitive de crédibilité des dirigeants français. Perte de crédibilité face aux Français qui ne sont pas assez sots pour ignorer que la non-réforme cache la véritable réforme des retraites qui reste à faire et passera par le retour de l'âge légal de départ à 65 ans. Perte de crédibilité face à une jeunesse spoliée, jugée trop peu mûre pour accéder à l'emploi mais assez âgée pour plonger dans la pauvreté et assumer les dettes accumulées par les riches retraités d'aujourd'hui. Perte de crédibilité face aux marchés financiers au moment où les taux d'intérêt ont débuté une lente mais inexorable remontée. Perte de crédibilité face à nos partenaires européens, qui avaient accepté de reporter à 2015 le retour à 3 % du PIB du déficit contre l'engagement de réaliser les réformes structurelles indispensables. Dans le domaine des retraites, la feuille de route comprenait la désindexation des pensions, l'augmentation de l'âge légal au-delà de 62 ans, la révision des régimes de la fonction publique et des régimes spéciaux, l'absence de toute hausse des cotisations sociales. Soit l'exact contre-pied du projet du gouvernement.
Sous la non-réforme des retraites pointe la non-méthode Hollande, qui mise sur le dynamisme de la démographie, sur la reprise mondiale, sur la clémence irrationnelle des marchés financiers et sur le sursis accordé par la Commission européenne pour relever miraculeusement l'économie française. Le déni de la crise, le refus de choisir, le report ou le dévoiement des réformes sont au coeur du mal politique français. Seule la réinvention radicale d'un modèle économique et social performant dans la mondialisation peut permettre le redressement. François Hollande, en décidant de ne rien décider, dans la continuité de sa filiation chiraquienne, donne un tragique coup d'accélérateur au long déclin de la France.

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