TOUT EST DIT

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lundi 1 juillet 2013

Frédéric Mitterrand : «Les socialistes n'ont pas de vision culturelle»


Une année après la nomination d'Aurélie Filipetti rue de Valois, son prédecesseur s'exprime sur une politique culturelle qu'il juge dogmatique.
Le récent limogeage du directeur du Centre national du livre (CNL), Jean-François Colosimo ; le remplacement, à la tête du Centre national du cinéma (CNC), d'Eric Garandeau par Frédérique Bredin, ainsi que la démission «forcée» d'Olivier de Bernon, ancien directeur du musée Guimet, ont choqué Frédéric Mitterrand. Certes, personne n'est propriétaire de son poste et les têtes ont souvent valsé après un changement de majorité - y compris sous Frédéric Mitterrand.

Mais ce dernier estime que «trop c'est trop». Déjà, Aurélie Filippetti avait changé plusieurs directeurs du ministère, ainsi que le secrétaire général. Sans compter la valse à la tête des Centres d'art dramatique, à commencer par Jean-Marie Besset à Montpellier, remercié après son premier mandat, ce qui est une première dans le monde du théâtre subventionné.
LE FIGARO - Vous avez été silencieux pendant un an et soudain…. C'est le débarquement de Jean-Marie Besset, directeur du Centre dramatique national de Montpellier, qui vous fait sortir du bois?
FREDERIC MITTERRAND - Trop c'est trop. Jean-Marie Besset est le détonateur… Mais il n'y a pas que lui. J'ai le sentiment d'une grille dogmatique. Qu'un ministre change son cabinet relève du cours normal des choses, il n'y a rien à redire à cela. Changer les grands directeurs d'administration, c'est déjà plus aléatoire. Normalement, la continuité républicaine devrait jouer.
Moi, je ne travaillais presque qu'avec des gens de gauche, dont certains étaient d'ailleurs loyaux à mon égard. J'étais impartial. Ce n'est plus le cas rue de Valois.
Il y a quelque chose de systématique dans les remplacements, ce qui n'est pas bien. Olivier de Bernon, directeur du musée Guimet, a été viré sans manière, alors que c'est une personne remarquable et que le musée a besoin d'une réorganisation. Jean-François Colosimo, du Centre national du livre (CNL) a été mis dehors alors qu'il a un bon bilan et qu'il était loyal envers son ministre. Eric Garandeau, du Centre national du cinéma (CNC) était compétent. Il a été écarté après deux ans parce qu'il était l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy: son éviction est purement politique. Ce n'est plus la lutte des classes, c'est de la féodalité.
Le premier geste des socialistes, à la Culture, a été d'annoncer un plan d'économies. C'était peut être nécessaire, non?
La maison de l'Histoire de France était un projet politique et j'ai compris, sans l'accepter, pourquoi Aurélie Filippetti y avait mis fin. Mais le Centre national de la musique sur lequel il y avait un large consensus? Je ne comprends, ni n'accepte, ce geste. Quant à Hadopi, on sait bien que le volet pédagogique a fonctionné. Il faudra bien une instance de régulation.
Qu'on le veuille ou non, le ministre de la Culture n'est pas le ministre de la Sécurité sociale, mais celui des artistes. Alors oui, il y a une crise économique mondiale. Mais que pèse le budget de la Culture? A peine 1 % du budget de l'État. François Hollande voulait ré-enchanter la France, et il coupe dans les subventions. Le fond du problème, c'est qu'il ne s'intéresse pas à la Culture, ce n'est pas dans son ADN. Nous avons des technocrates dogmatiques au pouvoir.
Il faudrait pourtant proposer des choses, prendre un pari sur l'avenir, lutter contre le défaitisme ambiant. Je m'étais battu pour la Philharmonie de Paris car je sais, qu'un jour, nous serons fiers d'avoir cette salle de musique, capable d'attirer à nouveau les plus grands chefs d'orchestre. On peut toujours trouver de l'argent ailleurs, notamment du côté des mécènes, s'il en manque. Encore ne faudrait-il ne pas rejeter les entreprises et ne pas mépriser les riches.
Lorsqu'Aurélie Filippetti a été nommée, vous sembliez la soutenir. Pourquoi la critiquer aujourd'hui?
Je la connaissais un peu, j'aimais ses romans, surtout le premier ( Les Derniers Jours de la classe ouvrière ndlr). Lors de la passation de pouvoir, je l'avais aidée. Mais un an après, elle fait montre d'une approche totalement dogmatique de la Culture. La démocratisation, c'est le serpent de mer du ministère, cela tient de l'incantation. On ne va pas forcer les gens à aller au musée comme cela, les choses sont plus complexes. Aurélie Filippetti veut développer l'éducation artistique à école, alors que cela ne dépend pas d'elle, mais de son homologue à l'Éducation nationale, Vincent Peillon. Les enseignants ne veulent s'occuper des arts à l'école. Et tant qu'on n'ouvrira pas une véritable filière pour eux, cela ne marchera pas.
Pourtant, le monde de la Culture reste à gauche. Je vais vous faire une confidence: j'étais toujours bien accueilli par les élus communistes, ce qui n'était pas forcément le cas avec tous les socialistes. Seule Martine Aubry, qui a tout changé à Lille, a du souffle.
Dans le fond, les socialistes sont dans le déni démocratique. Ils décident de manière arbitraire. Regardez ce que Bertrand Delanoë a fait de la place de la République, ou des voies sur berge, à Paris. Ses projets ne tiennent pas compte du passé et de l'histoire du lieu. Les socialistes n'ont tout simplement pas de vision culturelle
Quelles sont vos relations avec Nicolas Sarkozy?
Je ne l'ai revu qu'une fois. Cette dernière année, je me suis tenu à l'écart de lui, comme du reste et des autres, d'ailleurs. C'était très violent d'être ministre, et je n'étais pas du sérail, ce qui a été à la fois ma force et ma faiblesse. Les hommes politiques sont à part. Ils ont un autre ADN.
Comment percevez-vous le climat politique actuel?
Ce qui m'inquiète aujourd'hui, c'est la possible émergence d'un terrorisme d'extrême droite. Je redoute un Anders Breivik français. Le mariage pour tous a été mal géré par la gauche, mais aussi par l'UMP. Tout cela a réveillé les démons. On a assisté à des délires homophobes et le sujet est devenu clivant. Dans cinq ans, on ne parlera plus de ce sujet. Entre temps, Marine Le Pen a réussi à dé-diaboliser la Front national et la droite est divisée. Une partie de la droite n'a pas compris que la France est devenue diverse.
Vous sentez-vous orphelin politiquement
J'aspire au retour d'une droite pompidolienne, attentive et modérée. C'est celle de François Fillon. Avec Hubert Védrine et d'autres, il fait partie de ces gens qui peuvent diriger notre pays avec sagesse.

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