TOUT EST DIT

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jeudi 9 mai 2013

La République des menteurs


Débâcle. Onze mois de mandat, onze mois de mensonges. Frappé de plein fouet par l’affaire Cahuzac et les soupçons portant sur d’autres proches (Moscovici, Augier…), Hollande est au plus mal. Et la France avec lui. Notre sondage exclusif : Sarkozy seul recours à droite.
Déjeunant à Bercy avec la rédaction de Valeurs actuelles, le 28 février — trois semaines avant sa démission —, Jérôme Cahuzac, évoquant son différend avec François Hollande sur la taxe à 75 % durant la campagne, a eu ce mot : « Ça a été un moment de grande solitude. »Et, joignant le geste à la parole, de mimer celui qui, regardant de tous côtés, cherchait en vain un regard ami vers qui se tourner. Devenu, depuis son aveu sur ses comptes en Suisse et à Singapour, un véritable pestiféré, y compris dans son propre camp, l’ancien ministre du Budget peut aujourd’hui mesurer, sans le mimer, ce qu’est réellement un “moment de grande solitude”. Il est loin d’être le seul. L’onde de choc, d’une violence inouïe, s’étend à l’ensemble du pouvoir et de la gauche. Jusqu’à l’Élysée.
Si rien, pour l’heure, ne permet d’affirmer avec certitude que le chef de l’État était au courant des mensonges de son ministre et ami, il a fait montre, au minimum, d’une naïveté coupable. Surtout, Hollande, pour n’avoir lui-même cessé de tromper les Français, avant et après son élection, incarne cette République des menteurs aujourd’hui aux affaires (dans tous les sens du terme). C’est le lâchage de ses propres électeurs, ou de ce qu’il en reste, qui explique sa dégringolade record dans les sondages (26 % seulement d’opinions favorables dans le dernier baromètre Ipsos-le Point).
Avec le recul, tout semblait écrit : au cours du débat de second tour de la présidentielle qui l’opposait à Nicolas Sarkozy, ce dernier, prémonitoire, avait usé à… douze reprises du mot “mensonge” contre celui qui promettait alors croissance, emploi et « République irréprochable »« Mais vous avez toujours, c’est terrible, dans votre esprit, le mot “mensonge” », avait même, à un moment, répliqué Hollande. Près d’un an après, ce sont ces mensonges dénoncés par Sarkozy qui plombent le chef de l’État. D’où cet étonnant, et justifié, symbole révélé par notre sondage exclusif Ifop-Valeurs actuelles (lire tableau ci-dessous) : au moment même où Hollande, l’homme du parler-faux, est lâché par son camp, Sarkozy, l’homme du parler-vrai, est plus que jamais adoubé par le sien, dont il apparaît comme l’unique recours. À la question “Quel est votre candidat préféré pour représenter l’UMP à l’élection présidentielle de 2017 ? ”, 63 % des sympathisants UMP citent son nom, contre 33 % seulement pour l’ensemble des… huit autres personnalités proposées ; et 4 % qui répondent “aucun de ceux-là”.
Non seulement Sarkozy écrase ses concurrents UMP — le second, François Fillon, est… 52 points derrière ! —, mais encore creuse-t-il l’écart avec eux par rapport à la même enquête du mois de mars. Hormis Laurent Wauquiez, qui progresse de manière anecdotique (passant de 1 à 2 %), Alain Juppé, qui stagne en troisième position (9 %), et Valérie Pécresse à la dernière place (1 %), tous les autres régressent : Fillon, mais aussi Nathalie Kosciusko-Morizet (malgré son omniprésence médiatique due à sa candidature à Paris), Bruno Le Maire (en dépit du succès de son livre) et Xavier Bertrand, dernier ex æquo. Quant à Jean-François Copé, le président du parti, il n’obtient que… 3 % (— 1 point) des suffrages des électeurs UMP !
Preuve supplémentaire, à travers ce même sondage, du profond discrédit affectant Hollande : tandis que celui-ci est touché par ricochet, et de plein fouet, par le scandale Cahuzac — au point que près de la moitié des sympathisants de gauche (42 %) réclament un remaniement —, Sarkozy, lui, n’est nullement atteint par ses propres démêlés judiciaires. C’est même l’inverse. « Alors qu’une part importante de l’électorat de gauche reproche à Hollande y compris des erreurs ou des fautes dont il n’est, a priori, pas directement responsable, Sarkozy progresse au sein de son électorat malgré sa mise en examen dans l’affaire Bettencourt, survenue entre nos deux dernières enquêtes », relève Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop. Selon celui-ci, « les sympathisants UMP y trouvent même un motif supplémentaire de faire bloc derrière lui »— ceux de gauche s’éloignant, dans le même temps, de celui qu’ils ont élu il y a onze mois…
En plus de sa stratégie (se situer en retrait tout en étant présent) et du profit qu’il tire d’une UMP profondément divisée, où nul n’est parvenu à s’imposer, c’est aussi — autre symbole — parce qu’il incarne précisément le contrepoint du chef de l’État, dont il apparaît l’exact opposé en tout, que Sarkozy progresse autant à droite : « Quand les sympathisants UMP le comparent à Hollande, tant dans le style, les idées que la méthode, ils se disent que, malgré ses défauts, il est vraiment très au-dessus de son successeur », poursuit Jérôme Fourquet. À l’inverse, à gauche, ce sont les défauts de Hollande qui ont pris le pas, chez ses propres électeurs, sur les qualités qu’ils lui prêtaient : à peine plus d’un sympathisant socialiste, communiste et écologiste sur deux (52 %) font encore confiance à “leur” président !
Pas de meilleur indicateur, ou presque, donc, de l’effondrement du chef de l’État dans l’opinion que la popularité au zénith de son prédécesseur : que Hollande ait tenu ses promesses et permis à la France, sinon de dompter, du moins d’affronter la crise, et l’ancien président, l’ayant accusé de “mensonges”, l’aurait nécessairement payé dans les sondages — y compris dans son propre camp. Aujourd’hui, les tromperies et les échecs de Hollande ne font que confirmer le jugement et les prédictions de Sarkozy — notamment à droite.
Croissance, dette, retraites, impôts, copinage dans les nominations, jusqu’aux chiffres manipulés du nombre de manifestants anti-“mariage pour tous”, et désormais cette kyrielle de ministres et proches du chef de l’État — dont son ancien trésorier de campagne, Jean-Jacques Augier — embourbés dans les affaires et les soupçons : il n’est pas un domaine où Hollande et le pouvoir socialiste n’ont trahi leurs engagements et menti aux Français (lire pages suivantes). Au moins autant que la persistance de la crise et les terribles statistiques du chômage — plus de mille chômeurs de plus par jour en moyenne depuis son élection ! —, c’est cela, aussi, qui explique l’affolante débâcle du chef de l’État : une perte totale de confiance de l’opinion envers l’exécutif rejaillissant, à travers lui, sur l’ensemble de la classe politique — au profit, notamment, du Front national (lire dans Valeurs actuelles).
C’est bien, comme l’a dit Fillon, à une « crise de régime », sans précédent depuis 1958, à laquelle nous assistons aujourd’hui. Que les électeurs UMP le ressentent et poussent Sarkozy à remonter sur son cheval, rien de plus normal. Que plusieurs responsables de l’opposition ciblent aujourd’hui le nouveau maillon faible du gouvernement, Pierre Moscovici (lire dans Valeurs actuelles l'article de Gilles Gaetner : "Opération Muraille de Chine"), en réclamant un remaniement, voire une dissolution de l’Assemblée, rien, encore, que de bonne guerre. Alors député PS, Jérôme Cahuzac lui-même ne réclamait-il pas, en 2010, en pleine affaire Woerth, de « redemander au peuple de faire des choix », dénonçant dans le climat de l’époque « une crise de régime, une crise politique, une crise morale » ? Mais que la gauche elle-même, nombre de ses élus mais aussi sa presse se mettent à leur tour à tirer encore plus fort que la droite contre leur propre camp (ainsi de Libération, accusant Laurent Fabius sur la foi de rumeurs) témoigne de l’état de déliquescence atteint, aujourd’hui, par le pouvoir socialiste.
Titre de l’éditorial du Monde du 4 avril consacré à la « bombe Cahuzac » « Ce mensonge qui ouvre une crise démocratique ». Rien de moins. Extrait : « Depuis dix mois, la perte de crédit du chef de l’État était déjà profonde et handicapait son action. Elle risque de devenir abyssale, paralysante. […] À la crise économique et sociale dans laquelle est plongée la France, au climat politique qui avait pris un tour délétère depuis peu, s’ajoute désormais une profonde crise démocratique, tant le plus élémentaire contrat de confiance entre le peuple et ses gouvernants est rompu. » Après avoir tant menti aux Français, Hollande ne peut se mentir à lui-même : onze mois seulement après son élection, son mandat est déjà plus qu’un échec. Une faillite.
À lire également dans "Valeurs actuelles"
"Opération "Muraille de Chine"
 : pourquoi Moscovici connaissait depuis décembre 2012 l'existence du compte suisse de Cahuzac, par Gilles Gaetner.
Comme des arracheurs de dents, florilège des mensonges du gouvernement, par Geoffroy Lejeune.

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