TOUT EST DIT

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mercredi 15 février 2012

Nicolas Sarkozy peut-il battre François Hollande?

En se déclarant officiellement candidat, le président entre dans la bataille pour tenter de combler son retard. Il est résolu à dégainer l'artillerie lourde. Cette fois, la campagne est lancée, à droite comme à gauche. 
Des marchés financiers apaisés, une conjoncture plus calme et, surtout, une amélioration de l'emploi pour la rentrée: quand Nicolas Sarkozy part en vacances, en août 2011, il mise sur un climat favorable pour sa précampagne présidentielle. Quelques jours plus tard, il rentre à Paris pour une rencontre avec Angela Merkel: la crise frappe de nouveau. 
Et c'est tout son calendrier qu'il doit repenser. Autant il a déjà en tête la stratégie des valeurs qu'il compte dégainer quand sa candidature deviendra une évidence, autant il va lui falloir improviser une politique en réaction à la conjoncture. Parfois, il hésitera - par exemple, sur la TVA sociale. Parfois même, il se trompera: le discours de Toulon, conçu pour mettre en scène le président sauvant la France de la crise, n'aura pas les conséquences espérées. 
Quand 2011 s'achève, une évidence s'impose: avant même d'avoir commencé, sa campagne est contrariée. Seule la gauche est alors susceptible de redonner le moral à des troupes UMP proches de l'abattement. Passé l'euphorie de la primaire, elle y réussit par quelques couacs retentissants. "Si François Hollande voulait nous aider, il ne s'y prendrait pas autrement", s'exclame François Fillon, juste après le cafouillage du PS sur le quotient familial. Voilà les élus, quelque peu requinqués, qui se bousculent pour intégrer la cellule Riposte.  
"Tu n'as qu'à faire deux réunions par semaine !" suggère le chef de l'Etat à Brice Hortefeux. L'annonce d'une TVA sociale, le 31 décembre, doit servir à Nicolas Sarkozy de dernier contre-feu pour éviter la dégradation de la France par les agences de notation et écarter tout risque d'un troisième plan de rigueur, a-t-il expliqué à des élus. Le 1er janvier, il juge que ses soutiens n'assurent pas assez le service après-vente de ses annonces. Un député, sollicité par le conseiller aux affaires parlementaires de l'Elysée, Olivier Biancarelli, rédige un communiqué... dans une station à ski, à une terrasse de restaurant, à 3 000 mètres d'altitude. 
Rester maître de tout, du calendrier et des idées : telle est l'obsession du président candidat. "Il n'y a rien dans le projet, c'est très bien comme ça", dit-il à propos du projet de l'UMP, qu'il conçoit surtout comme un écran de fumée pour ménager l'effet de surprise.  
Les états d'âme ne sont pas le genre de la maison
Mais, le 13 janvier, le train déraille, avec l'annonce par l'agence de notation Standard & Poor's de la perte du triple A. Deux jours plus tard, en visite à Amboise, Nicolas Sarkozy affiche sa mine des mauvais jours. Avant son discours, il retrouve dans la loge les ministres et les locaux de l'étape. Il prend à part Hervé Novelli - le député a le malheur de compter parmi les amis d'Alain Madelin, que le président a vu quelques jours plus tôt. "Alain, il est vraiment insupportable. Il n'a rien compris. La dérégulation, c'est ce qui nous a amenés là", s'emporte-t-il, sans même chercher la conversation. 
A son retour à Paris, toujours énervé, il reçoit Jean-Louis Borloo. A trois jours du sommet social, l'ex-candidat putatif à la présidentielle pense tenir sa revanche de l'automne 2010, quand Matignon lui échappa. "La ligne Borloo contre la ligne Buisson !" confie l'ancien ministre, sûr de son fait. Peine perdue. Nicolas Sarkozy optera pour des solutions différentes de celles préconisées par le président du Parti radical.  
Des bas, des hauts. Le 16 janvier, Nicolas Sarkozy s'envole pour aller recevoir la Toison d'or à Madrid. Dans l'avion, la bonne nouvelle tombe : l'agence Moody's se donne un nouveau délai pour décider de mettre, ou non, le triple A de la France sous perspective négative. "Yes !" s'écrie le chef de l'Etat, joignant le geste à la parole. L'argument servira à contrebalancer la dégradation par Standard & Poor's. 
Mais les doutes sont loin d'être balayés. Il n'a pas échappé au président que, depuis plusieurs semaines, le centriste Pierre Méhaignerie boude les petits déjeuners de la majorité. Les états d'âme ne sont pas le genre de la maison Sarkozy. "Avant une réunion avec lui, dans l'antichambre, on se dit que nous n'avons aucune chance; et on repart rassérénés et on ne réenvisage la défaite que deux jours plus tard, quand l'effet vitamine C s'est dilué !" admet un responsable de l'UMP.  
"Tes voyages en province, ce sont des émissions de télé"
Chaque semaine, le chef de l'Etat reçoit les ténors de la droite. "Tes voyages en province ne sont pas des voyages en province, ce sont des émissions de télé, lance une fois Jean-Pierre Raffarin. Tu aimes la politique, mais tu ne dis pas aux Français que tu les aimes." Un autre jour, c'est Alain Juppé qui intervient: "Tu sous-estimes Marine Le Pen. Isabelle [NDLR: la femme du ministre des Affaires étrangères] me dit qu'elle fait des dégâts terribles dans le public féminin." 
Le 29 janvier, le président s'invite à la télévision. Au-delà des annonces, l'émission est jugée décisive: l'audience est au rendez-vous - "Ce n'était pas glamour et, pourtant, seulement 300 000 personnes ont décroché", se réjouira le président en privé -, les études qualitatives réalisées par l'Elysée sont jugées encourageantes. A compter de ce jour, les conseillers du chef de l'Etat considèrent qu'une attente est créée autour du candidat.  
Dès lors, tout s'emballe. Nicolas Sarkozy n'attendra pas mars. Il a personnellement veillé à ce que le Sénat, passé à gauche, adopte le droit de vote des étrangers aux élections locales, s'assurant auprès d'élus de l'UMP que rien n'entravera le scrutin. Ce sera une munition pour la suite. Pour parler des valeurs et s'adresser en priorité aux 31 % de Français ayant voté pour lui au premier tour en 2007, un média s'impose, le Figaro Magazine. Avant la déclaration de candidature, rassurer son électorat, pour se consacrer ensuite au face-à-face avec Hollande - "Mon problème n'est pas d'attaquer son programme, c'est de montrer qu'il se trompe de diagnostic." 
Cette séquence-là a été pensée depuis longtemps. Avec une idée majeure, défendue aussi par Patrick Buisson, homme clef de la campagne: dès lors que les Français ont l'impression de perdre de la souveraineté, il faut leur rendre du pouvoir, via le référendum. Peu importe, aux yeux du président, qu'il explique le contraire de ce qu'il disait il y a cinq ans (dans une interview à L'Express en mars 2007): "Croyez-vous que, si je suis élu, je vais aussitôt dire aux Français: "Excusez-moi, j'ai besoin de vous demander votre avis sur un autre sujet?"" 
De toute manière, avec Nicolas Sarkozy, le bruit suscité est toujours supérieur à ses propres mots. Il ne s'engage pas à organiser deux référendums sur le chômage et l'immigration, il se contente d'en agiter l'hypothèse. Des élus modérés, comme l'ancien ministre Dominique Bussereau, sont au bord de la rupture et ne se rassurent qu'en lisant le texte de l'entretien. Le débat s'enflamme. Hollande veut transformer la présidentielle en un référendum sur Sarkozy? "Chiche, nous aussi allons y recourir, mais sur les idées", décrypte un proche du chef de l'Etat. "En balayant l'idée, Hollande a balayé le peuple", espère un autre. 
Jouer le peuple contre le système a toujours constitué une ligne directrice pour le président. "Les candidats de l'élite, Jospin et Balladur, ont tous échoué", relève-t-il, au moment où le Figaro Magazine sort dans les kiosques. "Tu as vu le sondage?": selon TNS-Sofres pour i-Télé, 63% des Français approuvent le référendum sur les chômeurs, et le chiffre n'a pas échappé au président. Si ses propositions sur d'autres sujets sont moins bien perçues, il écarte l'objection. "Je pense que lui se fiche un peu du mariage homo, mais il veut les catholiques", note un fidèle. Les sarkozystes ont aussi relevé que, sur ce point comme sur l'euthanasie, le socialiste se montrait "très permissif": le candidat UMP ne manquera donc pas de le tacler.  
"Je dois être un produit neuf"
"Les idées me protègent", a l'habitude de dire ce président si mal aimé. Jusqu'à quel point doit-il néanmoins parler de lui, pour réparer ses erreurs? Nicolas Sarkozy a cherché à rassurer les députés qu'il reçoit : "Ne croyez pas que personne ne me rappelle les conneries que j'ai faites." En janvier, il a terminé la première version d'un livre, poussant loin, très loin, l'analyse personnelle. C'est à Emmanuelle Mignon, son ancienne directrice de cabinet du début du quinquennat, revenue dans le premier cercle, de retravailler le texte. 
Le sortant a prévenu ses proches: "Je dois être un produit neuf." Pour cela, il prônera le changement du modèle tout entier. Pas une mince affaire: "Un match à deux, en quinze jours, ce n'est pas gagnable, il faut deux mois et demi, indique Sarkozy en petit comité. Hollande n'a pas de puissance personnelle, il ne supportera pas un long face-à-face." Cette fois, le moment d'accélérer est venu, en avance sur le calendrier prévu, et malgré les mauvaises surprises, comme le rejet, le 13 février, de la TVA sociale par la commission des finances de l'Assemblée nationale. "Je ne peux pas vous en dire plus, excusez-moi, mais je suis assez content de la manière dont je vais me déclarer." 

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