Tandis que d'aucuns rêvent de la mort du bipartisme, Nicolas Sarkozy s'agite. Mais que peut vraiment l'ancien président ? s'interroge Jacques-Alain Miller.
Retour à la IVe République
Nous évoquions la fin du cycle chiraco-sarkozyen qui domine à droite depuis 38 ans. Mme Françoise Fressoz, éditorialiste au Monde, va plus loin. Elle annonce carrément "la fin du bipartisme". En clair, le décès de la Ve République, telle que nous la connaissons. On imagine. L'éclatement de l'UMP. Le rejet des extrêmes (Front de gauche, FN, UMP-Copé) à la périphérie du système. L'apparition d'un vaste marais médian, allant de Fillon à Hollande, en passant par Bayrou et Borloo. Ce serait en somme une "troisième force", comme on l'a connue sous la IVe République. Il est amusant de relever que son grand homme fut Henri Queuille, dit "le père Queuille". Si le centre de la France est en Gironde, comme Sollers le soutenait ici même, que dire de cette Corrèze d'où nous vient, après Queuille et Chirac, François Hollande ?Passions françaises
Cependant, le cercle qui mène le jeu sur le plan économique n'est pas libre, sur le plan parlementaire, de s'accomplir comme une "troisième force" qui serait l'alliance formelle des partis de gouvernement. Ce qui y fait obstacle, ce sont ces passions françaises dont Theodore Zeldin se fit l'historien. Sur les questions dites régaliennes et sociétales, vives sont nos querelles. Aux États-Unis, on les appelle culture wars, et elles ont joué leur rôle dans les résultats de la dernière élection présidentielle. Les guerres idéologiques ont toujours eu en France une belle vigueur. Elles en ont encore trop pour penser que le temps d'un "bas-les-masques !" général est arrivé. Le spectacle continue. Boum ! Boum !"Moins de lumière !"
Mais il est vraisemblable que, rue du Faubourg-Saint-Honoré, on rêve, on spécule sur l'émergence, au centre de l'échiquier, d'une troisième force qui serait une mare aux crocodiles sacrés, bien boueuse, telle qu'une chatte, si l'on peut dire, n'y retrouverait pas ses petits. L'éloge de la transparence est aujourd'hui une figure imposée. Pourtant, il y a des opportunités qui n'émergent que de situations peu claires. Et, merveille ! Il y a justement à l'Élysée un spécialiste de la conduite par temps de brouillard. Quand le soleil brille, il reste au garage ; c'est un as quand plus personne n'y voit goutte. La tradition veut que les derniers mots de Goethe aient été "Mehr Licht !", "Plus de lumière !" Tout indique que les souhaits de François Hollande vont à l'opposé. "Baisse un peu l'abat-jour, veux-tu ? Nous serons mieux", comme dit Paul Géraldy. Il a maîtrisé l'art d'avancer ses affaires à couvert de la confusion et de l'indécision. De plus, a-t-il confessé, il croit à sa bonne étoile. Comment lui donner tort quand la paralysie de l'UMP, la perspective de sa division et, dans tous les cas, son état présent de "foutoir" font faire un pas de géant à l'action qu'il médite ?Le prisonnier du Palais-Royal
Aujourd'hui
L'enjeu n'est nullement de savoir, comme le répètent les médias, si Copé et Fillon, l'un ou l'autre ou les deux, céderont avant mardi aux objurgations de Sarkozy. La seule question qui vaille est celle-ci : "Copé le gourdin" trouvera-t-il ou non, grâce à Sarkozy et au choeur des lamentations à l'UMP, la feinte pour faire sauter son arme des mains de Fillon ? On saura alors si ce n'était qu'un fleuret moucheté, une épée en carton-pâte. Le père Queuille avait cette phrase, qui fut reprise et popularisée par Jacques Chirac et Charles Pasqua : "Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent." [Autre version : "qui les croient".] Le sage corrézien s'y connaissait en matière d'intersubjectivité logico-linguistique.C'est la Saint-Nicolas, c'est la fête à Nancy ! Copé sera là. À 18 h 15, il parlera. Restons connectés...
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