TOUT EST DIT

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dimanche 2 décembre 2012

Sarkozy, sabre de bois !

Tandis que d'aucuns rêvent de la mort du bipartisme, Nicolas Sarkozy s'agite. Mais que peut vraiment l'ancien président ? s'interroge Jacques-Alain Miller.

Retour à la IVe République

Nous évoquions la fin du cycle chiraco-sarkozyen qui domine à droite depuis 38 ans. Mme Françoise Fressoz, éditorialiste au Monde, va plus loin. Elle annonce carrément "la fin du bipartisme". En clair, le décès de la Ve République, telle que nous la connaissons. On imagine. L'éclatement de l'UMP. Le rejet des extrêmes (Front de gauche, FN, UMP-Copé) à la périphérie du système. L'apparition d'un vaste marais médian, allant de Fillon à Hollande, en passant par Bayrou et Borloo. Ce serait en somme une "troisième force", comme on l'a connue sous la IVe République. Il est amusant de relever que son grand homme fut Henri Queuille, dit "le père Queuille". Si le centre de la France est en Gironde, comme Sollers le soutenait ici même, que dire de cette Corrèze d'où nous vient, après Queuille et Chirac, François Hollande ?
 

Passions françaises

Cependant, le cercle qui mène le jeu sur le plan économique n'est pas libre, sur le plan parlementaire, de s'accomplir comme une "troisième force" qui serait l'alliance formelle des partis de gouvernement. Ce qui y fait obstacle, ce sont ces passions françaises dont Theodore Zeldin se fit l'historien. Sur les questions dites régaliennes et sociétales, vives sont nos querelles. Aux États-Unis, on les appelle culture wars, et elles ont joué leur rôle dans les résultats de la dernière élection présidentielle. Les guerres idéologiques ont toujours eu en France une belle vigueur. Elles en ont encore trop pour penser que le temps d'un "bas-les-masques !" général est arrivé. Le spectacle continue. Boum ! Boum !

"Moins de lumière !"

Mais il est vraisemblable que, rue du Faubourg-Saint-Honoré, on rêve, on spécule sur l'émergence, au centre de l'échiquier, d'une troisième force qui serait une mare aux crocodiles sacrés, bien boueuse, telle qu'une chatte, si l'on peut dire, n'y retrouverait pas ses petits. L'éloge de la transparence est aujourd'hui une figure imposée. Pourtant, il y a des opportunités qui n'émergent que de situations peu claires. Et, merveille ! Il y a justement à l'Élysée un spécialiste de la conduite par temps de brouillard. Quand le soleil brille, il reste au garage ; c'est un as quand plus personne n'y voit goutte. La tradition veut que les derniers mots de Goethe aient été "Mehr Licht !", "Plus de lumière !" Tout indique que les souhaits de François Hollande vont à l'opposé. "Baisse un peu l'abat-jour, veux-tu ? Nous serons mieux", comme dit Paul Géraldy. Il a maîtrisé l'art d'avancer ses affaires à couvert de la confusion et de l'indécision. De plus, a-t-il confessé, il croit à sa bonne étoile. Comment lui donner tort quand la paralysie de l'UMP, la perspective de sa division et, dans tous les cas, son état présent de "foutoir" font faire un pas de géant à l'action qu'il médite ?

Le prisonnier du Palais-Royal

L'évidence qu'à l'UMP on travaille, on se tue au travail pour François Hollande, a tiré Nicolas Sarkozy du royaume des limbes. Guillotiné le mercredi, il est ressuscité le vendredi. Mais il peut peu. On rapporte de lui des interventions, des colères. Il serait "atterré". On le soupçonne de soutenir Copé en sous-main. Il voudrait surtout que Fillon laisse tomber sa proie. A-t-il confiance en ce que Copé lui rendra les clefs de la maison ? Pour frayer les voies de sa médiation, il a commencé par traiter l'un de forcené, l'autre de minable. Et lui-même ? Il est illisible. Voilà le seul sage dont dispose l'UMP. Il l'a laissée incertaine sur son intention de revenir. Aucune évidence chez lui d'un désir décidé. Il a cru pouvoir mettre le parti en mode pause, le temps d'aviser, le temps de se faire un peu d'argent. Mais la politique, comme la nature, a horreur du vide. Comme si cet imbroglio n'était pas suffisant, il est allé se fourrer dans la cage dorée du Conseil constitutionnel. Ce faisant, il s'est mis à la fois un fil à la patte et sur la bouche un bâillon. C'est le gag. Du coup, il ne parle plus que par messagers interposés. Ceux-ci sont souvent anonymes : "une source", "un proche", "l'entourage". Les propos rapportés sont controuvés, ou équivoques, ou contradictoires, en tous les cas sujets à caution. L'idée est peut-être de traiter le mal par le mal, le foutoir par le foutoir ? Risqué. Vous pouvez parfaitement continuer de bénéficier in absentia de la fidélité de vos suivants - voir Nelson Mandela ou encore le général Perón -, encore faut-il qu'ils soient assurés de votre désir d'être auprès d'eux. Dans ces conditions, quel crédit accorder à la menace de disqualifier publiquement et simultanément Pincemi et Pincemoi ? Comme disait le maréchal Staline, qui ne croyait pas aux forces de l'esprit : "Sarkozy, combien de divisions ?"

Aujourd'hui

L'enjeu n'est nullement de savoir, comme le répètent les médias, si Copé et Fillon, l'un ou l'autre ou les deux, céderont avant mardi aux objurgations de Sarkozy. La seule question qui vaille est celle-ci : "Copé le gourdin" trouvera-t-il ou non, grâce à Sarkozy et au choeur des lamentations à l'UMP, la feinte pour faire sauter son arme des mains de Fillon ? On saura alors si ce n'était qu'un fleuret moucheté, une épée en carton-pâte. Le père Queuille avait cette phrase, qui fut reprise et popularisée par Jacques Chirac et Charles Pasqua : "Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent." [Autre version : "qui les croient".] Le sage corrézien s'y connaissait en matière d'intersubjectivité logico-linguistique.
C'est la Saint-Nicolas, c'est la fête à Nancy ! Copé sera là. À 18 h 15, il parlera. Restons connectés...

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