TOUT EST DIT

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mardi 21 août 2012

“Pussy Riot” et l’hystérie mondiale



Elles ont joué, elles ont perdu. Quoique… Les trois membres du groupe punk « Pussy Riot » (un nom aux connotations sexuelles évidentes) qui ont été arrêtés après avoir interprété un chant blasphématoire dans le chœur de la cathédrale du Christ-Sauveur de Moscou ont été condamnés vendredi à deux ans de camp. Nadejda Tolokonnikova, Maria Alekhina et Ekaterina Samoutsevitch ont accueilli la sentence avec des sourires amusés, non sans avoir ostensiblement manifesté leur ennui au cours de la lecture du jugement – qui a duré trois heures – et en prenant soin d’assurer qu’elles ne demanderaient aucune grâce à Vladimir Poutine. Parce qu’elles ne se reconnaissent pas coupables. « C’est à lui de nous demander grâce », a déclaré l’une d’entre elles.
Depuis l’énoncé de la sentence, le monde entier hurle à la persécution.
Elles ont joué… beaucoup. Cela fait plusieurs années que « Pussy Riot » participe aux « performances » du groupe d’art contestataire Voina (Guerre) avant de se constituer en formation dissidente en 2009 au terme d’une querelle acerbe. Les performances de Voina sont parfois très violentes, le plus souvent obscènes, pour dénoncer l’ordre établi aussi bien religieux que politique. Nadejda Tolokonnikova, avec son mari Piotr Verzilov, faisaient partie des cinq couples qui se sont livrés, totalement nus, à des rapports sexuels dans le musée d’Etat de la biologie à Moscou en 2008 : elle était enceinte de neuf mois. En soutien à d’autres « artistes » contemporains jugés à Moscou, Ekaterina Samoutsevitch faisait partie des militants de Voina qui en 2010 ont balancé 3 000 cafards géants dans la salle du tribunal au moment de l’énoncé de la sentence. La provocation est leur quotidien. Elles savaient prendre des risques.
Elles ont perdu… Mais en écopant d’une peine aussi importante, au terme d’un procès surmédiatisé, elles ont obtenu ce qu’elles recherchaient, bien au-delà de leurs espérances : la notoriété. Mondiale. Faut-il en plus pleurer sur leur sort ?
D’Angela Merkel au Département d’Etat américain, de Catherine Ashton (« chef de la diplomatie européenne ») à la commissaire européenne Cecilia Malmström, d’Aurélie Filipetti tweetant sa « consternation » au Quai d’Orsay qui a qualifié le jugement de « particulièrement disproportionné », les réactions politiques pleuvent. Cerise sur le gâteau, le parti communiste français a dénoncé un « procès politique » contre « un mouvement de protestation populaire et d’aspirations démocratiques qui grandit en Russie ». C’est beau, la langue de bois !
A l’instar de nombreux artistes, Madonna a pris fait et cause pour le groupe, mais de manière particulièrement explicite, lors d’un concert à Moscou le 7 août : sous le nom des « Pussy Riot » dessiné sur son dos, il y avait l’image d’un sexe féminin.
Procès politique ? Le juge de Moscou qui a condamné les trois jeunes femmes a pris soin, dans son jugement, de mettre l’accent sur le caractère anti-religieux des actes perpétrés par les « Pussy Riot » à la cathédrale de Moscou. Marina Syrova a souligné qu’elles avaient « violé l’ordre public » et « offensé les sentiments des croyants » en agissant de manière « sacrilège » et en affichant leur « haine de la religion ».
Leur « prière punk anti-Poutine » suppliant la Vierge de libérer la Russie de son président, comme l’ont qualifiée les médias internationaux, était en fait un brûlot anti-chrétien, chanté au pied de l’autel de la cathédrale de Moscou, multipliant les injures contre le Christ et la liturgie (« M…, M…, M… du Seigneur », ou encore « Mère de Dieu, deviens féministe ! »). Pour ce qui est de la protestation populaire, elle était ailleurs. 65 000 personnes ont participé à une marche de réparation à l’occasion de la cérémonie organisée en la cathédrale par le patriarche Kirill après la profanation…
Il semblerait qu’en outre, selon la chaîne télévisée russe RT, que l’irruption des « Pussy Riot » dans la cathédrale avec leurs musiciens et orchestre se soit accompagnée de diverses dégradations, des icônes ayant été endommagées. On en a moins parlé que du coup de marteau sur Piss Christ
Les soutiens aux jeunes femmes rendent également compte du caractère antichrétien de leurs actions. A Vienne, en Autriche, quelque 150 sympathisants du groupe, encagoulés, ont fait irruption dans la cathédrale Saint-Etienne en plein office, avant d’être rapidement éconduits par le service d’ordre. Trois personnes, deux hommes et une femme habillés en couleurs criardes comme les « Pussy Riot », ont perturbé la messe à la cathédrale de Cologne dimanche, se précipitant vers l’autel et hurlant sauvagement des slogans et portant des banderoles. Les trois perturbateurs sont poursuivis pour cette action, le cardinal Koch, sans manifester d’émotion particulière, a appelé à la fin de la messe à prier pour la Russie et pour les « préoccupations de ces personnes ».
En Ukraine, une femme à demi nue a manifesté son soutien en abattant à la tronçonneuse un grand crucifix érigé à la mémoire des victimes du stalinisme : tout un symbole là encore.
La mobilisation médiatique et politique a décidément quelque chose d’écœurant lorsqu’on pense aux centaines de chrétiens aujourd’hui emprisonnés, condamnés, tués pour leur foi, sans que personne ne se dérange. Asia Bibi croupit dans une prison pakistanaise pour avoir demandé à ses compagnes musulmanes de travail ce que Mohammed avait fait pour elles. Une petite fille trisomique chrétienne attend d’être jugée pour « blasphème » à Islamabad (page 4 de ce numéro). Où sont Catherine Ashton, Yoko Ono, Madonna ?
L’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) a elle aussi plus important à faire, dénonçant dès vendredi la condamnation des « Pussy Riot » : la Bosnienne Dunja Mijatovic, représentante pour la liberté de la presse, est même très inquiète. « Je vois une tendance dans différents pays, où les autorités, des groupes sociaux et religieux et des tribunaux adoptent une attitude plus restrictive, sur des contenus offensants, moralement discutables ou dangereux pour les enfants. » Cela risque de « limiter la liberté d’expression ».
Mais quid, au fait, de la loi française sur « l’incitation à la haine à raison de l’appartenance religieuse » ? Celle-ci est punie d’un an de prison ou de 45 000 euros d’amende… Encore faut-il que la victime mérite une telle protection et le prononcé d’une telle peine. En faisant partie d’une « minorité visible » par exemple.
Je ne vous recommande donc pas d’aller planter une tête de cochon devant une mosquée à l’heure de la prière, et encore moins d’y faire irruption en chantant contre Mahomet en réclamant la libération de la femme. Le monde ne se dérangera pas pour vous.

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