Dans un entretien qu’il a accordé au Monde daté de dimanche et lundi, l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, aujourd’hui sénateur de la Vienne, entre autres déclarations favorables à Jean-François Copé, justifie son choix de façon définitive : « François Fillon ne me semble pas avoir le profil d’un chef de parti. » Voilà au moins qui a le mérite d’une grande clarté. Raffarin précise : « Je n’ai rien contre François Fillon, qui est sérieux, secret et solitaire. » Autant de caractéristiques, néanmoins, qui, selon le sénateur de la Vienne, ne sont pas celles d’un chef de parti. Cette fonction exigerait-elle un homme plus extraverti et plus démagogue ? On peut se le demander en lisant les arguments avancés par sénateur de la Vienne. A l’inverse, ce dernier estime : « Jean-François Copé a le sens de l’équipe. Il a du Chirac en lui (…) Il est situé au centre de gravité de l’UMP. C’est un excellent organisateur. » Par contraste avec le désorganisateur Fillon ? Ceux qui pensaient bêtement –comme la plupart des observateurs politiques que Copé était une sorte de Sarkozy bis, en moins doué, se seraient donc trompés ?…
Le ralliement de l’ancien Premier ministre à la candidature de Copé ne constitue pas vraiment une surprise. Elle contribue néanmoins à brouiller un peu plus les profils politiques à l’intérieur de l’UMP. Raffarin était sensé représenter une « droite modérée », auto proclamée « humaniste » et « sociale »… Une droite en fait gaullo-centriste. Différente de celle d’un Copé, Sarko libéral aux accents plus autoritaires. Mais, dans le micmac idéologique où trempe actuellement la droite déconfite, ces distinctions ne semblent plus vraiment de mise.
La prise de position de celui que certains appellent déjà « l’encombrant Raffarin », constitue telle un atout pour Copé ? A première vue, oui… Mais à y regarder de plus près, rien de moins sûr. Dans son interview, Raffarin trouve certes le bilan de Nicolas Sarkozy « globalement positif ». Expression qui rappelle Georges Marchais, portant la même appréciation sur le bilan des pays de l’Est, peu avant que ne s’écroule le mur de Berlin, et, quelques mois plus tard, l’empire communiste tout entier. L’hommage de Raffarin à Nicolas Sarkozy est donc ambigu. Il contient même en filigrane de graves critiques. L’ancien Premier ministre juge par exemple l’action conduite par le prédécesseur de François Hollande « vigoureuse et mobilisante », mais aussi « stressante ». Sarko président anxiogène ? « Nicolas Sarkozy a fait partager au pays la notion de l’urgence. Son rythme, à la fois rapide et énergique a donné à notre vie politique une allure nouvelle ». Ne pas confondre vitesse et précipitation… Raffarin ne parle pas de dopage, mais on sent que le mot lui trotte dans la tête. Le quinquennat précédent ? « Un brillant exercice solitaire du pouvoir ». Le terme « solitaire » employé à deux reprises, semble recouvrir pour Raffarin une notion péjorative et dévalorisante. Tandis que Copé serait lui plus collectif.
Raffarin : Hollande, c’est plus cool…
Bref : après le « stressant » Sarkozy et son rythme effréné « la société française avait besoin d’un certain apaisement ». Effectivement très « modéré » dans son opposition au pouvoir socialiste, – pour lui le Front national demeure plus que jamais l’adversaire principal – Raffarin juge plutôt favorablement les premiers pas de la présidence et du gouvernement socialiste. « Le mérite de l’exécutif, ces premières semaines, c’est d’apporter un certain apaisement, dont la société française avait besoin. Je vois plusieurs éléments positifs, notamment en matière de politique étrangère : Laurent Fabius semble avoir réussi sa mise en trajectoire. » Après Sarkozy, le calme, enfin ! Mais, prévient toutefois Raffarin : « Apaiser n’est pas anesthésier ». Généralement un chirurgien anesthésie ses patients pour les opérer. Or l’anesthésiste Hollande ne semble chercher, dans l’endormissement des Français, qu’une sorte d’atermoiement. Ce qui, tout de même, inquiète un peu Raffarin. « Je crains que de trop nombreuses décisions ne soient reportées à 2013. Les impôts tout de suite, les réformes demain…C’est dangereux. » L’ancien Premier ministre, expert en raffarinades de toutes sortes, a au moins gardé le sens de la formule. Celle-ci risque fort de faire fortune, tout autant que la « France d’en-haut et la France d’en-bas »…
A un mois du grand raout niçois de l’association des amis de Nicolas Sarkozy, qui aura lieu les 23 et 24 août prochains, les critiques contenues dans les propos aigres-doux de Raffarin peuvent gêner Copé. Ni lui ni Fillon n’ont intérêt à prendre leurs distances avec l’ancien chef de l’Etat, dont la popularité reste toujours très haute dans l’électorat UMP. Raffarin aurait-il, via les colonnes du Monde, lancé à Copé le pavé de l’ours ?
NKM entre en piste…
Profitant de l’atmosphère de désarroi que la guerre des chefs fait régner actuellement à l’UMP, Nathalie Kosciusko-Morizet a annoncé samedi qu’elle lançait sa campagne « pour recueillir les quelques 8 000 parrainages nécessaires » à sa candidature . La fillonniste NKM veut donc maintenant jouer solo. L’ancienne porte-paroles de Nicolas Sarkozy – paroles qu’elle réprouvait en son fors intérieur – entend incarner une « troisième voie » et profiter de la confrontation Copé/Fillon pour essayer de se faufiler entre les deux favoris . Initiative qu’elle aurait prise, assure-t-elle, pour « répondre aux sollicitations nombreuses ». Dont principalement la sienne, bien sûr… Militant pour une « parité de fait » Nathalie Kosciusko-Morizet reproche notamment à l’UMP de ne pas parvenir à faire de la place aux femmes.
NKM n’est toutefois pas la seule à tenter une échappée solitaire vers les sommets de l’UMP. Bruno Lemaire est lui aussi parti, dès la semaine dernière, en quête de signatures. Xavier Bertrand lui s’interroge toujours : j’y vais, j’y vais pas ? Il attend de voir. Ce sera selon la météo politique. Et Juppé dans tout ça ? Plus personne ne parle de Juppé… Il n’est tout de même pas tombé dans la Garonne…?
En attendant le congrès, qui aura lieu en novembre – cela laisse tout de même plus de trois mois aux impétrants – les clans de l’UMP affûtent leurs armes. A défaut d’idées, puisque tous défendent en gros les mêmes options en matière économique et le même projet européen. Les divergences portent donc sur des différences de caractère ou de tempérament plutôt que sur des choix politiques.
Vél’ d’Hiv : Hollande dans la continuité de Chirac…
Une uniformité de pensée qui ne règne pas seulement à l’UMP, mais soude aussi l’UMPS dans son ensemble comme le démontre ci-dessus Jean-Pierre Raffarin. Et comme l’a démontré de façon encore bien plus éclatante le discours de François Hollande, lors de la cérémonie de commémoration de la rafle du Vél d’hiv, dimanche à Paris. Dix-sept ans après le discours de Jacques Chirac qui le premier, avait déclaré, cédant aux sollicitations de certains lobbies, (auxquels François Mitterrand avait résisté) « La France ce jour-là (16 juillet 1942) , accomplissait l’irréparable », François Hollande a rendu hommage à l’ex-chef du RPR, dont il a salué le « courage » et la « lucidité ». Citation : « Ce crime a été commis en France par la France (…). La reconnaissance de cette faute a été énoncée pour la première fois, avec lucidité et courage par le président Jacques Chirac, le 16 juillet 1995. » Et d’ajouter : « La vérité, c’est aussi que le crime du Vél d’Hiv fût commis contre la France, ses valeurs, ses principes. »
Le Figaro de lundi se félicitait : « Hollande rompt avec Mitterrand. En reconnaissant la responsabilité de la France le chef de l’Etat s’inscrit dans la lignée de Chirac. » Celle de l’inféodation à l’idéologie régnante bien plus qu’à la vérité historique. Fût-ce au prix de l’humiliation et de l’abaissement de la France. Dimanche François Hollande a signé (ou confirmé) une « ténébreuse alliance » de plus entre l’UMP et le PS. La veille il avait d’ailleurs rendu une visite publique « très amicale » à Jacques Chirac en son château de Bity. (Histoire de gommer un peu le quinquennat de Nicolas Sarkozy ?). Chirac qui, ainsi que sa fille Claude, avaient tous deux choisi, lors de la dernière élection présidentielle, de voter Hollande… L’UMPS plus que jamais unie par le ciment des petites et grandes trahisons.
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