TOUT EST DIT

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mercredi 2 mai 2012

Comment la gauche a fait accroire qu'elle est le camp de la morale

Dans un pamphlet qu'Atlantico publie en feuilleton et alors que François Hollande fait figure de favori des sondages, Roland Hureaux a souhaité faire le point sur les grandes lignes des politiques passées et à venir des socialistes. 16ème épisode : La gauche et la moralité.
La gauche joue volontiers les Père la Morale. Pour l’immense majorité des gens de gauche, il est évident que leur camp est le plus moral. Cette conviction alimente l’intolérance que l’on connaît.
Certaines turpitudes de la droite étalées au grand jour : les affaires des sous-marins du Pakistan et d’Arabie saoudite, séquelles du combat fratricide Chirac-Balladur de 1995, semblent conforter ces préjugés.
D’autres, plus récentes, sont venues à la surface telle l’affaire Woerth-Bettencourt. Le comportement du président Sarkozy, qui voudrait que la vie politique française perde ses complexes par rapport à l’argent, sa familiarité ostensible avec quelques grandes fortunes, à la manière des présidents américains, font mauvais effet.
Personne n’a cependant dit que François Mitterrand était beaucoup plus proche des Bettencourt que ne le fut jamais Nicolas Sarkozy. L’éducation à l’ancienne du président socialiste le rendait plus discret dans ses relations avec les grandes fortunes, avec lesquelles, bien avant 1981, il avait noué, une à une, des liens étroits.
Mais le plus grave n’est pas là : le bruit fait autour d’affaires récentes tendrait à faire oublier que c’est d’abord sous le règne de Mitterrand que la grande corruption s’est répandue au plus haut niveau de l’État.
Plus sa vie privée s’éclaire, plus nous savons aujourd’hui que Charles de Gaulle se situait très au-dessus de toutes ces tentations. Rien ne laisse supposer que Georges Pompidou aux relations mondaines étendues, ait mélangé les genres. Ce que l’on a reproché à Valéry Giscard d’Estaing, avoir accepté quelques diamants offerts par Bokassa, empereur d’opérette de Centrafrique, apparaît avec le recul bien futile si on le compare à des affaires où se sont trouvés impliqués certains de ses successeurs.
Nous ne pouvons qu'évoquer les titres des nombreux scandales ayant éclaté au temps de Mitterrand, qu'ils concernent les affaires intérieurs ou les affaires internationales.
Affaires intérieures : Urba, Péchiney-Triangle, Irlandais de Vincennes, Elf, Société générale.
Affaires internationales : le plus grave scandale des trente dernières années est assurément celui des frégates de Taïwan. Les montants financiers en cause sont supérieurs à ceux des autres affaires qui ont été mentionnées. Rappelons en les éléments : pour vendre des frégates à Taiwan, la France a dû verser des commissions aux autorités de Taipeh, mais aussi, pour garantir leur neutralité, à celles de Pékin. Une partie de ces commissions qui s’élèveraient au total à 520 millions de dollars ont été reversées à des Français, hommes politiques ou autres, sous la forme scabreuse de « rétro-commissions ». L’affaire se corse quand on sait que, à la suite d’une condamnation par un tribunal taïwanais, le contribuable français devra reverser une partie de ces commissions au gouvernement de Taipeh. Cette énorme affaire s’est nouée à l’Élysée sous le second septennat de Mitterrand. Absolument rien n’a filtré en justice, toute investigation ayant été bloquée par le "secret défense". Confidence d’un ancien ministre de la Défense : environ quinze personnes auraient été assassinées parce qu’elles en savaient
D’autres affaires ont éclaboussé les deux septennats de Mitterrand. Ainsi son amitié avec Bousquet, principal organisateur de la déportation des juifs de France[1] . Et surtout les systèmes d’écoutes installés à l’Élysée qui ont touché plusieurs centaines de personnes. Le paradoxe est que ces dérives policières du régime sont le fait d’un homme qui avait au début de la Ve République endossé l’habit du républicain intransigeant résistant à des méthodes dictatoriales, dénoncé le "coup d’état permanant", alors même qu’on sait aujourd’hui le général de Gaulle ne s’était, lui, jamais abaissé à de pareilles pratiques.
La moralité publique n’est pas seulement affaire d’argent.
Il n’est certes pas de bon ton aujourd’hui de remettre en cause ce qu’il est convenu les acquis de la libération sexuelle : avortement et divorce facilités, reconnaissance légale de l’homosexualité au travers du Pacs. Tout cela ne fait pas partie des acquis sociaux, mais de ce qu’il faudrait appeler les acquis sexuels.
Même si les mœurs des hommes politiques ne sont sans doute pas, quant au fond, différentes entre la droite et la gauche, la gauche a, plus que d’autres, porté haut les valeurs de l’émancipation sexuelle. Les vices des hommes de droite demeurent une affaire privée, plus ou moins honteuse, ils sont pour la gauche post-soixante-huitarde, un parti pris philosophique. Le progrès est de "jouir sans entrave" : « il est interdit d’interdire ! »
Il est vrai que l’acceptation des logiques de la mondialisation et de l’Europe par le parti socialiste ne lui laisse guère de marge de manœuvre en matière proprement sociale. Il y a un lien intrinsèque, nous y reviendrons, entre l’ouverture généralisée des frontières et la montée des inégalités. Sans écluse, plus de projet social possible, comme l’a bien vu Arnaud Montebourg, partisan de la "démondialistion". On a évoqué les conséquences calamiteuses de la dernière tentative de réaliser sur le seul territoire français une avancée sociale : les 35 heures ; aujourd’hui aucune réforme de ce genre n’est plus possible. De ce fait, les principales "avancées" que propose aujourd’hui la gauche touchent les mœurs, spécialement les questions ayant trait au sexe : en 1998, la loi Neiertz abolit le volet social de la loi Veil pour faciliter l’avortement tenu pour un signe d’émancipation et non pas drame, le Pacs est institué en 1999. Principal point du programme de François Hollande : l’instauration d’un véritable mariage homosexuel. Comme le dit crûment un vieux militant communiste, le socialisme, ce n’est plus, comme autrefois, la revendication des ventres creux, le socialisme du ventre, c’est le socialisme du cul ! Il ne croyait pas si bien dire.
C’est tout cela qui rend l’affaire Strauss-Kahn  particulièrement emblématique. Loin d’être un accident de parcours, comme on tend à nous le faire accroire, elle constitue la pointe extrême, si l’on peut dire, d’une certaine évolution de la gauche française.
Dans l’univers libéral libertaire qui est désormais celui de ce que nous appellerons la haute gauche (comme on parlait autrefois de la haute bourgeoisie), incluant les "milliardaires de gauche" qui s’offrent Le Monde ou Libé, Strauss-Kahn est apparu comme l’emblème d’un certain accomplissement : riche, brillant, viril et, plus que d’autres, émancipé au de tous les "tabous judéo-chrétiens" qui pouvaient empêcher de jouir un homme de son calibre. La manière lamentable dont l’histoire s’est terminée a montré où conduisait ce genre de logique. Par-delà l’impact proprement politique, elle a été, pour les héritiers de mai soixante-huit, un véritable choc culturel. On ne saurait comprendre sans cela son immense retentissement.
Ceux qui croient encore que le parti socialiste est le parti de la morale ne devraient pas l’oublier.
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[1] Auprès de Bousquet, Papon, dont le procès fut médiatisé, ne fut qu’un comparse de troisième rang.


trop sur cette affaire sans que rien n’en soit jamais venu à la surface !


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