TOUT EST DIT

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jeudi 8 septembre 2011

Sortir par le haut

Dans le curieux laboratoire à ciel ouvert qu'est devenue la zone euro, la crainte du pire prospère de jour en jour. Comme si la crise grecque avait, depuis bientôt deux ans, déclenché une réaction en chaîne que nul ne parvient à contrôler. Crainte d'un blocage allemand, finlandais ou slovaque, conjurée hier partiellement avec le feu vert donné par la Cour de Karlsruhe. Crainte d'une surexposition des banques européennes, et françaises en particulier, en cas de faillite de la Grèce. Crainte de voir la rigueur généralisée, dictée par la crise de la dette, oblitérer la croissance qui reste pourtant la seule réelle porte de sortie d'une telle ornière.

Hier matin, c'est vers l'Allemagne que tous les regards étaient tournés. La cour constitutionnelle devait rendre un avis décisif sur la participation allemande au plan d'aide à Athènes. Le pire, un rejet en constitutionnalité, a été évité. Mais l'avis de la Cour est assorti de conditions qui ne vont pas contribuer à huiler les rouages de la laborieuse machine européenne. Ainsi, l'arrêt de Karlsruhe renforce le pouvoir de contrôle du Bundestag et fragilise la Chancelière. Il conforte les opposants, majoritaires en Allemagne, à la mutualisation de la dette grecque par la création d'obligations européennes, laissant augurer de futurs recours juridiques.

Si on ajoute à cette spécificité allemande les récentes décisions de la Finlande (qui exige des garanties supplémentaires avant d'engager ses deniers) et de la Slovaquie (qui ne ratifiera pas avant décembre), la capacité décisionnaire de la zone euro s'en trouve pénalisée.

L'incroyable asymétrie entre le temps des marchés et le temps politique est d'ailleurs de plus en plus criante. Notamment dans le cas de la zone euro, dont les processus de décision requièrent le feu vert de dix-sept parlements, alors que le maquis grec est en flamme. C'est là une des illustrations les plus évidentes de l'impuissance du champ politique à maîtriser une finance sans brides et sans délais.

Mais ce fossé favorable aux spéculateurs est-il si nouveau ? Si central ? Ne faut-il pas voir dans les difficultés de la monnaie unique, non seulement une erreur de conception initiale avec l'absence d'une gouvernance économique (à laquelle Paris et Berlin tentent de remédier), mais aussi une impuissance politique « tout court »?

La Chancelière ? Sa fraîche réélection à l'automne 2009 ne l'a pas empêchée de se montrer frileuse, et de perdre pourtant tous les scrutins intermédiaires. Le président français ? La campagne est déjà lancée, peu propice aux décisions difficiles et de moyen terme. Berlusconi ? Fini, ligoté par ses amis comme par ses ennemis. Zapatero ? Sur le pas de la petite porte, vers la sortie. La Belgique ? Institutionnellement en réanimation. L'Europe manque de guides, de cap.

Avant l'euro, les politiques laissaient, parfois, flotter leur monnaie. Aujourd'hui, c'est une monnaie forte qui fait flotter les politiques. Dangereusement. Nul ne l'ignore, à Berlin comme à Paris, où des pas significatifs ont été faits depuis un an. Le ton a changé. Le gouvernement économique de l'euro n'est plus un gros mot. On a entendu, cette semaine, un ministre allemand parler des « États-Unis d'Europe ». Même la révision du traité de Lisbonne n'est plus un tabou, déclarait hier Angela Merkel. Dans l'aventure européenne, et la passe difficile qu'elle traverse, il n'y a qu'une sortie. Par le haut. Toutes les autres ramènent au repli national et à son potentiel belliqueux.

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