TOUT EST DIT

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mercredi 6 juillet 2011

Les agences de notation peuvent-elles saboter le sauvetage de la Grèce?

S&P n'a pas attendu la finalisation du deuxième plan d'aide pour décréter qu'un rollover de la dette grecque placerait le pays en situation de défaut. Or son avis et celui de ses concurrentes semble compter beaucoup pour la BCE. Faut-il s'en inquiéter?

  Elles étaient soi-disant discréditées. Elles, ce sont les agences de notation qui avaient attribué la note maximale à des banques que le contribuable avait dû finalement sauver de la faillite. Or elles semblent n'avoir jamais eu autant de pouvoir qu'aujourd'hui. Standard and Poor's a en effet décrété lundi qu'un rollover de la dette grecque, tel que proposé par la France, serait considéré comme un restructuration et la conduirait à placer la note de la Grèce dans la catégorie "défaut sélectif". C'est non seulement un camouflet pour la France, mais met tout simplement en danger le deuxième plan de sauvetage de la Grèce. L'euro a d'ailleurs aussitôt replongé alors qu'il venait d'atteindre son plus haut niveau face au dollar depuis le 9 juin.
La zone euro n'a désormais plus qu'à prier pour que les autres agences n'imitent pas S&P. Car non seulement les investisseurs n'oseraient plus acheter des obligations européennes, mais surtout la BCE n'accepterait plus les obligations de l'Etat grec comme contrepartie pour ses opérations de refinancement. Jean-Claude Trichet avait lancé un avertissement très clair en mai à ce sujet en évoquant par avance le cas où les agences considéreraient que le rollover constituait bien un défaut de paiement. Et qu'importe si l'Isda, l'association professionnelle chapeautant le marché des CDS, ait une opinion différente. Celle-ci estime en effet qu'un rollover ne représenterait pas un événement de crédit et n'entraînerait donc pas le paiement des CDS, un enchaînement au coeur de la crise financière de 2008. Reste à savoir pourquoi le patron de la BCE accorde autant d'importance à l'avis des agences de notation au point de leur confier quasiment les clés de l'avenir de la Grèce.
La BCE fait-elle du chantage?Sa menace n'est pas à prendre à la légère. Le secteur bancaire grec survit en effet uniquement grâce à la BCE, qui lui a déjà prêté 98 milliards d'euros. Autant dire que l'arrêt de cette perfusion conduirait en l'espace de quelques heures à l'effondrement des banques grecques avant de provoquer des réactions en chaîne aussi bien dans les banques européennes (à commencer par les Françaises) que dans les Etats fragiles de la zone euro. C'est d'ailleurs en agitant cette menace que la BCE a réussi à tuer dans l'oeuf l'idée du ministre des finances allemand Wolfgang Schaüble de réechelonner la dette grecque.
Comment éviter un remake de la faillite de Lehman Brothers ? Il existe en fait plusieurs portes de sortie. D'abord, on peut espérer qu'au moins une des autres agences, à savoir Moody's, Fitch mais aussi la plus petite DBRS canadienne, n'imite pas S&P. Selon le Financial Times, Jean-Claude Trichet a admis que dans ce cas il continuerait d'accepter les obligations grecques en collatéral. Mais ce n'est pas gagné. Si Moody's attend que le plan de sauvetage soit finalisé pour rendre public son avis, les notes de méthodologie publiées ces dernières semaines, aussi bien par Fitch que Moody's, laissent entendre qu'elles ont une définition extrêmement étroite de ce que serait une "participation volontaire des créanciers privés". Pour elles, le fait que l'opération soit montée pour éviter la faillite de la Grèce pourrait justifier, à lui seul, le qualificatif de défaut.
Pour autant, même si elles plaçaient toutes la note de la Grèce dans la catégorie du défaut, ce ne serait pas forcément la catastrophe systémique. Fitch et S&P ont en effet précisé que le statut de "défaut" pourrait être partiel et temporaire. La mauvaise note pourrait être assignée le temps du rollover, et être relevée après. Fitch a par ailleurs ajouté que même si la note de l'Etat grec correspondait au défaut, la note des obligations elles-mêmes échapperait à ce statut.
Mais le plus probable, "c'est que les investisseurs privés retravaillent la solution du rollover jusqu'à ce qu'elle convienne aux agences de notation, c'est-à-dire qu'elle apparaisse comme vraiment volontaire et pas imposée", explique Cyril Régnat, stratégiste chez Natixis. Le plan proposé par la France offre de réinvestir 70% des sommes remboursées par la Grèce au titre des obligations arrivant à échéance. Sur ces 70%, la moitié serait placée dans de nouveaux titres grecs à 30 ans, les 20% restants étant conservés à titre de garantie dans un fonds spécial. "On peut imaginer par exemple qu'ils proposent de raccourcir la maturité des nouveaux titres. Car la maturité à 30 ans risque de trop s'apparenter à un freinage des remboursements", poursuit le stratégiste.
C'est ainsi que la BCE continue de se servir de la pression des agences de notation et des marchés pour influencer les conditions du plan de sauvetage. Toutefois, rien ne l'empêche, à tout moment, de changer les règles. On l'a déjà vu faire quand elle a décidé d'accepter de racheter des obligations d'Etat, ou encore d' abaisser les critères d'éligibilité en acceptant en collatéral des actifs dont la note était inférieure au A-.

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