TOUT EST DIT

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vendredi 3 juin 2011

L'immense courage des Syriens

Comme tous les vendredis, depuis le 15 mars, des milliers de Syriens vont descendre aujourd'hui dans les rues pour manifester leur hostilité au régime de Bachar al-Assad. En sortant de chez eux ce matin, ils ne savent pas s'ils reviendront ce soir. La plupart laissent leur téléphone portable à la maison, pour ne pas être repérés par la police. Ce n'est pas un réseau qui se soulève, c'est tout un peuple. Lucide. Les jeunes Syriens savent parfaitement les horreurs dont ce régime est capable. Leur courage n'en est que plus grand et plus émouvant.

Des horreurs, en quarante-huit ans d'état d'urgence, les Syriens n'en ont que trop vu. Derrière le quotidien d'une surveillance policière systématique, d'authentiques massacres ont été perpétrés. En février 1982, notamment, à Hama, dans l'ouest du pays. Un soulèvement y fut réprimé dans le sang, à coups de chars et d'artillerie. Aucun bilan précis n'existe, mais le chiffre de 15 000 morts est considéré unanimement comme une estimation basse.

Depuis les premiers soulèvements, le spectre d'Hama hante tous les esprits. Lorsque les habitants des villages situés entre la ville de Deraa et la frontière israélienne ont vu, fin avril, des chars arriver de Damas, ils ont, un instant, pensé qu'ils se dirigeaient vers le Golan, vers l'ennemi. Lorsqu'ils ont compris que le régime les avaient envoyés contre eux, pour rétablir l'ordre, le souvenir de Hama a immédiatement affleuré.

En dix semaines, plus de 1 100 manifestants auraient été tués et 10 000 arrêtés. Cela n'a pas stoppé le mouvement. À chaque manifestation, des tireurs d'élite placés sur les hauteurs tirent sans sommation. Prenant pour cible y compris des enfants. Les images du corps mutilé d'un adolescent de 13 ans, torturé fin avril près de Deraa, circulent depuis quelques jours sur Internet et ont été brandies hier lors de nouvelles manifestations meurtrières. Elles donnent la mesure de la répression en cours.

On disait Bachar plus libéral que son père Hafez. Jusqu'en janvier, de nombreux Syriens voulaient encore le croire. Les violences en cours démentent cet espoir. L'amnistie décrétée mardi, suivie hier de la libération de centaines de prisonniers politiques, arrive bien tard. Trop tard sans doute. Car plus personne ne croit à la volonté réformatrice du régime.

Depuis des décennies, la dynastie Assad invoque le facteur de stabilité pour justifier sa permanence. Stabilité intérieure, dans un pays composite et multiconfessionnel. L'après-Assad fait d'ailleurs peur aux minorités, notamment chrétienne, qui redoutent un scénario à l'irakienne. Stabilité régionale, la Syrie étant frontalière de l'Iran, de l'Irak, de la Turquie, du Liban, d'Israël.

Au nom de cette stabilité, Paris et Washington ont tout fait pour renouer avec Damas. En vain. Tristement inutile, la présence d'Assad au défilé du 14 juillet 2008 à Paris n'a pas gommé les réflexes tortionnaires de ses milices. On peut penser que les sanctions internationales n'auront pas plus d'effet. C'est des forces d'opposition, réunies actuellement en Turquie, qu'une alternative politique peut venir.

Car une intervention militaire, comme en Libye, est exclue. Ce serait ouvrir la boîte de Pandore. Elle est même impensable, compte tenu du véto russe. Les Syriens le savent et comptent sur leurs propres forces. Ils espèrent que l'armée va finir par craquer. Deux cents soldats auraient été abattus pour avoir refusé de tirer sur la foule. Le signe d'un régime aux abois.

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