TOUT EST DIT

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vendredi 24 juin 2011

Le piège du «prime»

Presque trente ans après, et une génération plus tard, c’est reparti pour un tour. La télévision exploite le filon Le Pen. Après le père, la fille. Une famille de bons acteurs. Une famille de bons clients. Parfaits pour les inaugurations d’émission et les combats de coqs. Franchement, les empoignades aussi prévisibles que convenues «des paroles et des actes» sur France 2 hier soir ont-ils apporté quoi que ce soit au débat?

Une fois de plus, pour tout concept, on a placé au centre de l’arène la présidente du Front national pour voir comment elle allait résister aux banderilles de ses contradicteurs. Entre agressivité, questionnement tranquille et mises en cause sur pièces, les stratégies d’attaque ont toutes échoué les unes après les autres. Comment le système médiatique peut-il encore espérer déstabiliser la famille Le Pen sur un plateau? Au final le (la) vainqueur est immanquablement la cible désignée. And the winner is... «Marine».

C’est ainsi qu’hier soir, elle a triomphé de ses assaillants successifs, facilement, calmement, sans jamais sembler en danger. Elle a survécu au jeu de massacre programmé et en est ressortie plus forte, évidemment. Puisqu’on lui offrait cette exposition exceptionnelle, elle a su s’en emparer et montrer à la France entière qu’elle était taillée pour une campagne présidentielle où la brutalité et le professionnalisme devant la caméra feront la différence. Et dire que certains journalistes, forts de sondages dans lesquels la candidate ne progresse plus, ont cru la déstabiliser en moquant la banalisation de ses idées anti-européennes et anti-mondialisation! Mais la banalisation, c’est précisément la grande victoire du FN. Elle est en marche et elle a accompli un pas supplémentaire en prime time.

Ces émissions sont des pièges. Elles donnent inévitablement l’avantage à l’autopromo de l’invité(e) pourvu qu’il (elle) domine l’exercice. Une heure quarante-cinq de plaisir pour la chaîne qui engrange les parts de marché - approchez, approchez, mesdames et messieurs, il va y avoir du sang et de la castagne - et des semaines de dividendes pour les concepts intolérables déclinés façon soft avec un aplomb incroyable. Car le plus désolant, c’est que ce cirque offre autant de primes à la mauvaise foi, au culot, aux contre-vérités assénées sans complexe. La règle du jeu de la télé n’a plus que faire de la correction ni de la raison. Elle n’a plus le temps pour les arguments. Seul un cow-boy du petit écran sans trop de scrupules comme Bernard Tapie a réussi, jadis, à prendre le dessus dans l’inévitable rodéo-spectacle lepéniste.

Au bout de ces 105 minutes désespérantes, aucun électeur de Marine Le Pen n’aura changé d’intention de vote. Quelle chimère d’avoir imaginé qu’elles pourraient avoir ce pouvoir! Elles se sont finalement soldées par un match nul. Vraiment, vraiment nul.

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