TOUT EST DIT

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jeudi 7 avril 2011

Sans issue

Le plus étonnant, le plus inquiétant, c’est le mystère. Comment un homme abandonné dans sa résidence par la quasi-totalité de sa garde politique rapprochée est-il parvenu à résister aux assaillants? Hier matin, pourtant, on ne donnait pas cher de sa peau. C’était la fin finale. Tous les observateurs étaient persuadés que Laurent Gbagbo ne survivrait pas politiquement - et peut-être physiquement - à l’assaut lancé par les forces d’Alassane Ouattara.

Les précédents de l’Histoire laissaient peu de doute sur la rapidité de la victoire des assaillants. Au Burkina voisin, en 1987, le président Thomas Sankara n’avait pas tenu longtemps - à peine quelques heures - quand les hommes de son ancien compagnon de révolution, Blaise Compaoré, avaient décidé de le déloger du pouvoir. On avait retrouvé le jeune, mince et fantasque dirigeant suicidé... Après l’échec des tractations pour le contraindre à l’exil, un destin semblable semblait promis au président sortant ivoirien. La France, certes, avait appelé à lui laisser la vie sauve, mais faute de participer à l’attaque de la demeure, elle a perdu, du même coup, la possibilité de garantir sa promesse. Les hasards du corps à corps, et les aléas d’une résistance acharnée peuvent réserver tant de surprises mortelles n’est-ce pas?

Les images employées par le président élu renvoient à elles seules le degré de férocité - tout à fait réciproque d’ailleurs - qu’il porte à son prédécesseur. Il fallait «le sortir de son trou». Comme on dirait un rat acculé dans un réduit. Et vivant! Une capture, quoi. Sans doute pour mieux l’humilier devant les caméras du monde entier. Si Gbagbo avait gagné, il aurait sans doute infligé une épreuve semblable au vaincu, mais l’idée d’accepter que lui-même doive baisser la garde était impensable: elle l’aurait ramené à l’état de soumission auquel un ancien Premier ministre d’Houphouët-Boigny, un certain... Alassane Outtara, l’avait plongé, jadis, en l’emprisonnant. Jamais! Dans sa tribu bété, un chef meurt les armes à la main...

L’erreur des Occidentaux, et de la France en particulier, c’est de ne pas avoir trouvé, en cinq mois, une porte de sortie honorable au président sortant ivoirien. L’exil, en Afrique du Sud ou ailleurs, qui semble indispensable pour empêcher la cristallisation des rancœurs autour du président déchu, ne peut être suffisant. Il fallait une reconnaissance, une fonction internationale, quelque chose de brillant pour cet homme sensible au prestige. Faute de quoi, il y avait fort peu de chances qu’il parte de lui-même de son palais...

Ce serait faire trop d’honneur à une personnalité peu recommandable qui a sans doute beaucoup de morts et de violence politique sur la conscience? Sûrement, mais une démocratie nouvelle ne se construit pas sans faire un minimum de place au régime «d’avant». C’est le prix de la pacification ivoirienne.

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