TOUT EST DIT

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dimanche 24 avril 2011

Âme légère et actualité lourde

Que l’on soit chrétien ou non, qu’on croie au ciel ou qu’on n’y croie pas, Pâques est l’une des plus belles fêtes de l’année. Une fête optimiste. Une fête lumineuse, religieuse et profane, où l’âme, tout à coup insolente et légère tourne le dos à l’hiver et se met à jouer avec le soleil. Cette année, le printemps est son complice, séducteur irrésistible avec ses petits airs d’été, qui l’emmène dans le soir chaud jusque sous les étoiles pour lui chuchoter à l’oreille des mots d’espoir.

L’anniversaire de la résurrection du Christ est aussi un symbole universel de renouveau. Dans un pays laïque qui a calé les jours fériés de son calendrier civil sur les temps forts des évangiles, les piliers d’une foi peuvent aussi soutenir les élans les plus prosaïques. Ce n’est pas le moindre des atouts de notre vivre ensemble, qui s’enrichit à l’infini de la diversité de nos valeurs et de nos convictions. Une éternelle leçon de renaissance ?

Dans nos rêves les plus fous, on rêverait que l’actualité puisse offrir elle aussi une telle parenthèse d’espérance. Cruelle, elle réduit cette utopie simple et délibérément enfantine à l’état de chimère, nous ramenant du même coup à la conscience de nos privilèges de citoyens libres jouissant de ce trésor inestimable : la paix. La répression féroce en Syrie et le calvaire de Misrata, en Libye, sont autant de tragédies qui nous rappellent que la démocratie reste un luxe dont nous profitons à domicile quand elle n’est qu’un horizon, tout au bout d’un très long chemin, pour la plupart des peuples.

La terre elle-même, qui tremble aux Îles Salomon après avoir ébranlé le Japon, ne se prive pas de souligner notre fragilité collective et au-delà, nos devoirs de solidarité. Quand internet fait irrésistiblement de nous des citoyens du monde, l’empathie ne suffira pas à panser à distance les plaies des injustices de la vie, ni à corriger les hasards de la naissance et de la géographie.

Et c’est ce moment de grande incertitude que la France choisit pour envisager de suspendre – fût-ce provisoirement – les accords de Schengen. S’il se résignait à bombarder l’un des plus beaux et des plus courageux acquis de la construction européenne – la libre circulation des personnes – c’est un message de peur du monde tel qu’il va, et de méfiance à l’égard de l’Europe que Paris enverrait. Pendant que la Tunisie affaiblie ouvre ses portes aux réfugiés libyens, notre pays serait-il, lui, si gravement menacé par un risque mortel pour envisager une mesure aussi radicale ? En le retranchant dans une citadelle qui serait assiégée par l’immigration, l’Élysée ne combat-il pas plutôt le péril Le Pen en lui subtilisant sa bannière antieuropéenne plutôt que de s’armer de courage ? Non, on ne peut le croire. Ce serait désolant en ce jour qui exalte l’idée de partage. Car si «la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde», comme l’affirma Michel Rocard dans une formule régulièrement tronquée, «elle doit en prendre fidèlement sa part».

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