TOUT EST DIT

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vendredi 31 décembre 2010

L'année où l'Etat descendit du ciel

En Europe, le soleil n'a pas tourné rond cette année 2010. Il s'est levé au sud, sur une crise grecque de la dette publique. Il est monté jusqu'au zénith à l'ouest, avec la crise irlandaise de la dette bancaire. Il se couche à l'est, à la veille de l'entrée de l'Estonie dans l'union monétaire. Une entrée souvent interprétée comme un signe d'espoir dans l'avenir de la zone euro, et pourtant potentiellement porteuse d'une nouvelle crise -car si le petit Etat balte a une dette publique minuscule et une inflation contenue, il a aussi une énorme dette privée, comme l'Irlande, et un problème majeur de compétitivité, comme la Grèce.

Et quand le soleil ne tourne plus rond, difficile de retrouver le nord. Du coup, les gouvernants déboussolés des pays de l'Union européenne ont couru après les événements pour venir en aide aux Etats en détresse, bricolant par ici un fonds avec trop peu de fonds, imprimant par là quelques billets, évoquant un peu partout la nécessité de mieux coordonner les politiques menées sans se donner jusqu'à présent les moyens d'y parvenir… Les Pangloss espèrent que ces transes pousseront enfin les Vingt-Sept à repartir de l'avant, après deux décennies sans nouveau projet mobilisateur. Les Cassandre prévoient, évidemment, le déboulonnage des institutions communautaires. Mais l'essentiel de cette année 2010 est ailleurs. C'est la remise en question de l'Etat lui-même. Lors de la précédente crise majeure de l'économie mondiale, celle des années 1930, l'économiste anglais John Maynard Keynes avait théorisé son rôle de garant ultime. Dans la crise de 2008, les Etats ont partout joué ce rôle. Ils ont évité le chaos financier. En 2009, ils ont limité la casse économique. Mais la charge était trop lourde. Ils ont nationalisé des pertes qui dépassaient leurs capacités. En 2010, leur faiblesse est apparue au grand jour. En Grèce et en Irlande bien sûr, mais aussi ailleurs.

Il coûte aujourd'hui plus cher de s'assurer contre le risque de défaut des Etats-Unis que contre celui d'IBM ou de Black & Decker. Les agences de notation ont commencé à prévenir qu'elles pourraient faire un jour sauter le précieux AAA attribué aux obligations publiques françaises, américaines ou allemandes. Certes, les investisseurs continuent pour l'instant d'acheter massivement ces obligations, car ils sont à la fois tétanisés par les risques des autres placements et contraints par les nouvelles réglementations financières. Mais cette protection ne sera pas éternelle. En 2010, l'Etat est redevenu un emprunteur comme les autres. Après avoir été éjecté de son piédestal idéologique dans les années 1970 puis politique dans les années 1980, il a chuté de son piédestal financier. Dans l'économie du XXI e siècle, il n'est pas de sauveur suprême.

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