Derrière la propagande médiatique, une autre image de l’Iran
Pour le public occidental, depuis plusieurs années, l’Iran est dénigré, et son gouvernement, au travers de son président, Mahmoud Ahmadinejad, est diabolisé systématiquement.
Le premier à pousser à son paroxysme cette rhétorique insultante à l’égard de l’Iran fut le gouvernement de Georges W. Bush bien connu pour son « respect des droits de l’homme et de la liberté d’expression » (1), pour » son combat contre la torture et les inégalités » (« Kidnappés par la CIA, les charters de la torture », par Trevor Paglen et A.C. Thompson, éditions Saint-Simon), pour « son éthique électorale » (hacking democracy) et pour « son attachement à la transparence et à la vérité » : «Faux prétextes» (2).
Par le slogan néoconservateur d’Axe du Mal (Axis of Evil), l’Iran fut « popularisé » dans nos séries télévisées, dans nos journaux écrits et parlés, comme un État voyou, ainsi étiqueté par le pays comptant le plus de prisonniers au monde, 2,3 millions (3) (davantage que la Chine).
Depuis cette date, cette image salie, d’un Iran terrifiant, est profondément ancrée, imprimée dans l’esprit de nombreux occidentaux.
Le contentieux entre les États-Unis et l’Iran remonte certainement à l’occupation de l’ambassade américaine à Téhéran, en 1979, entraînant la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Cela n’avait pas empêché par la suite Ronald Reagan de vendre des armes à l’Iran pour, avec l’argent obtenu, soutenir les Contras au Nicaragua (Irangate). Mais bon...
Avant cela, en renversant pour des raisons de nationalisation du pétrole iranien le docteur Mossadegh élu en 1953, Washington et la CIA ont permis, et soutenu, 40 ans de dictature par le Shah Phalavi, régime très peu compatible avec la liberté d’expression et les droits de l’homme, sans que cela n’entraîne, autant qu’aujourd’hui, un tollé de protestations et de provocations des philosophes, des politiciens et des médias occidentaux. Ceux-ci s’accommodaient donc davantage de la Savak et des terribles tortures de la police secrète du Shah (4), qu’ils ne supportent aujourd’hui les débordements des Gardiens de la Révolution.
Depuis, des élections annoncées comme truquées (sans preuves), des phrases mal traduites (5), un programme nucléaire présenté comme ayant des buts militaires, des répressions de manifestants et d’opposants qualifiées de bains de sang, un prétendu antisémitisme insupportable (6), sont venus renforcer l’image diabolique du gouvernement iranien au point qu’aujourd’hui, pour l’Occident, il incarne le Mal Absolu. Il n’est plus sur l’Axe du Mal du « paisible » Bush, il est le Mal.
Sont ressorties également de façon très opportune, les images d’un gouvernement intolérant opprimant son peuple, ses femmes, à coups de matraques, confondant politique et religion, et pour lequel l’emprisonnement et la torture remplaceraient le dialogue et le débat critique, si « chers » aux occidentaux.
Connaissez-vous le système iranien d’accès aux soins de santé ?
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, ce système a permis de réduire de 70% la mortalité infantile dans ce pays, l’Iran islamiste, en 30 ans (7). Le Dr Aaron Shirley, premier pédiatre noir du Mississipi en 1965, connaît bien, lui, le modèle iranien, et à 77 ans, il voudrait l’importer dans le delta du Mississipi, où le taux de mortalité infantile est le plus élevé des États-Unis (50% de plus que la moyenne nationale) et où l’espérance de vie est la plus faible du pays. Aaron a passé, avec deux collègues, dix jours en Iran en mai 2009.
En octobre 2009, ce sont quatre médecins iraniens, dont un membre du ministère de la Santé qui ont passé une semaine dans le Mississipi. Il y a une certaine morale dans cette histoire dont personne, sur les grandes chaînes de la télévision occidentale, ne parle. Celle d’un pédiatre noir, qui a subi des violences policières alors qu’il était militant des droits civiques et qui a contribué à la création du plus grand centre de santé communautaire de l’État, accueillant dans le Sud profond des Iraniens afin de s’inspirer de leur système d’accès aux soins de santé : quelle leçon à tous les philosophes, philanthropes et politiques qui aboient sur l’Iran et répandent leur fiel sur ce pays.
Malgré les dizaines de millions de dollars injectés par le gouvernement fédéral étatsunien, les soins médicaux primaires dans le delta du Mississipi sont restés peu performants. L’Iran compte 17 000 maisons de santé, des dispensaires ruraux qui emploient les agents de santé locaux.
Aujourd’hui, plus de 90 % des 23 millions d’Iraniens habitant en zone rurale ont accès aux services de santé grâce à ce système, selon les responsables, et cet accès est gratuit (8). Sans écho dans les médias occidentaux qui préfèrent ne parler de l’Iran que quand on peut en dire du mal, sans tapages, les États-Unis et l’Iran ont discrètement apporté leur soutien à l’initiative proposée dans le delta où des noirs vivent en majorité.
L’Institut national de santé (National Health Institute) américain a fait part de son approbation, comme le confirme un texte publié sur son site internet : « Le succès remarquable du concept iranien des maisons de santé […] apporte espoir et inspiration aux autorités du delta du Mississipi. » (9).
En visitant l’Iran, le docteur Aaron Shirley, le pédiatre noir à l’origine du projet, a déclaré, en riant : « Je me suis senti plus en sécurité en Iran que dans le Mississipi des années 1960. »
Les Iraniens qui sont venus en octobre 2009 ont eu, eux, un choc en constatant l’immense pauvreté de l’Amérique rurale en arrivant à Baptist Town, un dédale de rues boueuses, de terrains vagues à l’abandon et de cabanes coincées entre deux voies de chemin de fer et un bayou. Pas d’écoles, pas de cliniques, pas de centre communautaire.
Le Dr Shirley s’est rendu récemment au Congrès, à Washington, avec un confrère pour récolter des fonds afin d’ouvrir des maisons de santé à l’iranienne à Baptist Town, dans la périphérie de Greenwood et dans quatorze autres zones du delta du Mississipi. Le projet du Mississipi vise à former des aides-soignants, puis à les envoyer faire du porte-à-porte pour délivrer des soins de base, comme prendre la tension artérielle, faire des soins d’hygiène. Pour les soins plus avancés, les patients continueront d’être envoyés dans des cliniques et des hôpitaux, et pourront ensuite bénéficier d’un suivi à domicile, au départ des maisons de santé créées à proximité (10), en s’inspirant du système iranien.
Le modèle iranien pour sauver de la mort des enfants américains que les millions de dollars fédéraux n’arrivent pas à mettre à l’abri de la maladie et du dénuement, quelle ironie, vous ne trouvez pas ?
Alors que les États-Unis, qui dépensent des trillions (milliers de milliards) de dollars dans leurs guerres mondiales illégales, à l’extérieur, pour dominer et piller la planète, les médias et les grandes chaînes américaines ne savent parler que de l’Iran démoniaque et tyrannique.
N’en déplaise à Shimon Perez qui déclare que « l’Iran est un danger pour le monde » (11), il est également un modèle, pour les Etats-Unis eux-mêmes.
Durant ses visites au Congrès, le docteur Shirley devrait essayer d’obtenir une entrevue avec le président, et lui toucher un petit mot de tout ça.
Dans le delta du Mississipi, il est probable que les Étasuniens voient l’Iran autrement que dans le reste du monde occidental.
samedi 27 février 2010
Le système de santé en Iran : un modèle pour les États-Unis
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