TOUT EST DIT

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lundi 28 juillet 2014

L’individu face à ses choix (1) : L’individu perdu dans un univers complexe

Il semble communément admis aujourd’hui que la somme des décisions individuelles ne peut atteindre l’optimum collectif. À la main invisible d’Adam Smith, selon laquelle la somme des intérêts particuliers constitue l’intérêt général, Keynes a répondu par sa métaphore de la pièce de théâtre : si un spectateur se lève pour mieux voir la scène, ceux assis derrière lui doivent aussi se lever, et toute la salle finit debout sans que personne ne jouisse d’une meilleure vue.
Depuis, le dilemme du prisonnier et la théorie des jeux ont encore compliqué la vie de l’individu : les décisions ne sont pas bonnes ou mauvaises, mais le sont selon le comportement des autres. Cette théorie est très bien illustrée par le jeu anglais du « Split or Steal » où deux candidats s’affrontent en phase finale avec le choix de partager ou voler.
  • S’ils choisissent tous les deux de partager, ils partagent les gains.
  • Si l’un vole et que l’autre partage, le voleur prend tout.
  • Si les deux volent, personne ne touche rien.
Un candidat a trouvé la bonne stratégie : en annonçant fermement à son adversaire qu’il allait voler et que son choix était irrévocable, il l’a conduit à partager pour ne pas sacrifier le gain collectif ; il a en réalité choisi de partager, à la surprise (heureuse) de son adversaire.
Malheureusement, la théorie originale n’offre pas aux participants du dilemme du prisonnier de communiquer. Et communiquer ne rend pas les choses plus simples à l’heure de l’information instantanée mais asymétrique et imparfaite dont la maîtrise est si cruciale ; le monde est trop complexe pour l’individu, et le politicien vient heureusement à son secours (car pour lui, le monde est d’une simplicité consternante).
Imaginons par exemple que Bison Futé déclare vendredi vert et samedi rouge sur les routes de France, et que la grande majorité des vacanciers suive son conseil de préférer pour la route du retour le vendredi au samedi. Samedi devient vert, vendredi rouge, et tous ceux qui ont écourté leurs vacances pour éviter de pénibles embouteillages sont victimes de leur prévoyance. Vraiment, l’individu n’a pas la tâche facile.
Et c’est pourquoi nous aurions besoin d’une réglementation, assurée par une autorité impartiale et désintéressée en toutes circonstances (comme on peut le constater chaque jour, par exemple dans le combat des taxis contre les VTC) pour permettre aux individus de prendre des décisions qui ne nuiront pas trop au bien-être général. Pour cela, les traditionnels carotte et bâton sont bien entendu de mise ; en punissant les mauvais comportements et en encourageant les bons, on parviendra à orienter le choix de l’individu vers la meilleure issue collective.
Mais il se trouve que la régulation connait elle aussi ses écueils. Le bonus/malus écologique à l’achat de voitures a, par exemple, favorisé en France l’achat de voitures étrangères moins polluantes ; les objectifs environnementaux du gouvernement n’étaient pas compatibles avec ses objectifs économiques et sociaux. Mince alors.
Il existe, bien sûr, des parades. Comme dans l’exemple évoqué plus haut, où un candidat a influencé son adversaire en ne lui voulant en réalité que du bien, la crédibilité importe énormément. En étant crédible dans son rôle d’égoïste à courte vue, il a pu obtenir gain de cause et se montrer généreux sans prendre le risque que son adversaire utilise sa générosité pour le voler.
Il n’a pas vraiment inventé cette stratégie ; on la retrouve, par exemple, dans la grande distribution. Pour éviter une guerre des prix, certaines enseignes promettent à leurs clients de leur rembourser deux ou trois fois la différence s’ils trouvent moins cher ailleurs. Tous leurs concurrents savent qu’en cas de guerre des prix, ces enseignes iront jusqu’au bout ; elles s’y sont engagées non par la menace, mais par une offre spécifique à leurs clients. Une annonce crédible.
Il est évidemment difficile d’être crédible quand on est un homme politique en France. On peut promettre monts et merveilles aux entrepreneurs pour que l’économie reparte ; ils savent bien que les engagements pris sont rarement tenus. Quand François Hollande demande aux Français de reprendre confiance, les Français comprennent bien que la situation ne s’y prête pas vraiment. Les politiciens pourraient changer la donne s’ils faisaient preuve de transparence, et ce serait bien la moindre des choses de la part d’hommes et femmes censés être au service des citoyens, mais ils ont apparemment d’autres priorités.
Et, si les hommes politiques ont toutes les difficultés à prendre les bonnes décisions, ce n’est pas seulement parce qu’ils sont bornés et incompétents ; ils sont aussi à la poursuite d’objectifs qu’ils rendent incompatibles entre eux, faute de comprendre l’économie.
Mais alors, comment faire en sorte que les individus prennent individuellement et collectivement les bonnes décisions ? La réponse dans la deuxième partie.
Si la somme des décisions individuelles ne peut atteindre l’optimum collectif, faut-il pour autant s’en remettre aux hommes politiques ?

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