TOUT EST DIT

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mardi 17 juin 2014

Et si l'UMP devenait enfin un parti de droite ?

Un parti n'existe pas seul, mais dans une double interaction: celle-ci est, d'une part, verticale dans le cadre des relations avec les électeurs et, d'autre part, horizontale vis-à-vis des autres formations constituant, avec lui, l'échiquier politique.
Devant la tripolarisation du système partisan qui se dessine, l'UMP est sans doute la force politique qui se retrouve dans la plus mauvaise posture, puisqu'elle est prise en étau entre la gauche (qui, bien que moribonde, essaie de la concurrencer par un discours social-libéral) et le FN (qui, sur sa droite, progresse en la repoussant sur sa gauche). L'UMP court donc le risque réel d'une implosion, en particulier si elle n'arrivait pas à qualifier son candidat au second tour de la prochaine présidentielle.
D'ici là, en admettant que l'UMP ne disparaisse pas pour des raisons judiciaires et / ou financières, elle est confrontée à au moins quatre délicats enjeux: identitaire, organisationnel, stratégique et idéologique. Ceux qui auront dans les mois à venir la direction de l'UMP auront à déterminer la position de ce parti dans ces quatre domaines.
1. L'enjeu identitaire
L'UMP est confrontée à la crise de confiance des électeurs vis-à-vis du personnel politique. La question de la dénomination du parti n'est certes pas sans intérêt, mais la résorption de la distorsion entre le peuple et les élites politiques sensées le représenter est un enjeu bien plus fondamental car une crise de la représentation peut dégénérer en une crise institutionnelle.
Abandonner une «marque» dont la crédibilité est détériorée, changer le nom du parti pour se débarrasser d'une image pour le moins écornée est sans doute utile. Mais, de la même manière qu'ils savent bien que les querelles de personnes traduisent plus souvent des luttes de carrière que des débats de fond, les citoyens ne seront pas dupes de la manœuvre si cette éventuelle transformation n'était pas accompagnée d'un renouvellement du personnel politique incarnant ce «nouveau» parti.
Or, il est assez douteux que, s'ils n'y sont pas contraints et tant qu'ils auront ne serait-ce qu'une lueur d'espoir, peu de ténors ne laissent la place à de nouvelles figures. Conjurer le désabusement des électeurs en tablant sur le rejet de la gauche ne sera peut-être pas suffisant (cela a fonctionné lors des dernières municipales mais pas aux européennes). En une phrase: changer le décors sans changer les acteurs et le texte, cela risque de ne pas faire revenir les spectateurs. Cela pourrait même en faire fuir d'autres.
2. L'enjeu organisationnel
L'UMP n'échappe pas à l'évolution (accélérée par le quinquennat) qui, depuis plusieurs décennies, frappe l'ensemble des partis politiques: ils sont devenus des écuries pour la présidentielle. A cela s'ajoute que la droite est, plus que la gauche, psychologiquement attachée à la figure du chef (de famille, d'entreprise du parti, de l'Etat). Dans sa refondation, l'UMP pourrait donc être tentée de se focaliser sur la recherche de l'homme providentiel, celui qui devrait lui assurer à la fois l'unité et la victoire. Or, pour dire les choses d'une manière familière, c'est peut-être mettre la charrue avant les bœufs. C'est parce qu'il existe d'abord un corps social ayant une identité qu'une tête émerge naturellement et peut en assurer la direction. Et non l'inverse.
Il est vrai que des primaires (dont l'organisation est théoriquement prévue) ne siéent pas à un ancien chef de l'Etat. Cependant, si l'UMP ne prend pas le temps (et le risque) de déterminer sa composition (ses forces internes d'un point de vue tant social qu'idéologique), elle pourra peut-être préserver, un temps, un semblant d'unité mais n'en constituera pas moins une auberge espagnole susceptible d'imploser dans le cas d'une forte crise existentielle. Puisque l'existence de courants a été institutionnalisée, pourquoi cela ne s'est-il pas traduit par un renouvellement du discours et des têtes d'affiche en respectant la représentativité des diverses tendances?
Si le phénomène majoritaire (qui veut qu'un président de la République nouvellement élu obtienne une majorité à l'Assemblée nationale) fonctionne encore, la fidélité électorale envers les partis s'émousse: le vote déterminé se rétracte et le vote flottant (en fonction de l'offre électorale et des circonstances) progresse. Par conséquent, un parti qui focaliserait son fonctionnement uniquement sur la présidentielle en se désintéressant des autres enjeux politiques prendrait le risque de ne plus apparaître au service du bien commun et donc de voir nombre de ses électeurs se détourner de lui.
3. L'enjeu stratégique
En admettant que la tripolarisation perdure (si le vote FN peut traduire une protestation il est de plus en plus d'adhésion) et donc qu'elle affecte le phénomène majoritaire, il est possible qu'aucune majorité à droite ou à gauche ne puisse être dégagée. C'est dans ce contexte que doivent être analysées les options de positionnement et d'alliance qui s'offrent à l'UMP.
Grosso modo, les sympathisants de l'UMP se partagent en deux camps d'égale importance: il y a ceux qui souhaitent des accords avec le FN et ceux qui les rejettent. Si la première option a le bénéfice de la clarté, l'étendue de la seconde n'est pas toujours explicitement exposée. Car dans le cadre de l'alliance au centre se pose la question se savoir où celui-ci s'arrête-t-il? Un rapprochement avec un centre qui «fantasme» sur le fait de jouer le rôle pivot dans une grande coalition à l'allemande, à cheval sur la gauche et la droite, sera-t-il plus facilement accepté par les électeurs de l'UMP qu'une entente avec le FN? Rien n'est moins sûr. Car la défaite de Nicolas Sarkozy, en 2012, a été le résultat de la démobilisation de son électorat de 2007 heurté par l'ouverture à gauche et une politique dont l'identité de droite, contrairement à la campagne électorale, avait disparu.
4. L'enjeu idéologique
Il sera donc inévitable pour l'UMP, sinon de faire son examen de conscience, du moins de se pencher attentivement sur les questions idéologiques. Il est certain que l'UMP se trouve, là encore, dans une position délicate car, sur de nombreux sujets (construction européenne, évolution des mœurs, identité nationale), la ligne de fracture passe, de manière sinueuse, plus au sein de la droite (au sens électoral du terme) qu'entre celle-ci et la gauche.
Trois insécurités frappent la société: une insécurité physique et matérielle, une insécurité économique et sociale et, enfin, une insécurité culturelle. Or, sur ces trois sujets, l'abandon de ce qu'il est convenu d'appeler la «ligne Buisson» semble risqué (les élections européennes l'ont d'ailleurs démontré). En effet, les facteurs sociologiques semblent plaider pour un discours de droite sans complexe: les enquêtes de victimation ont montré qu'il y a trois fois plus d'infractions commises que de délits et crimes enregistrés par les services de police ; 60 % des Français constituent la France périphérique qui pâtit de la mondialisation ; les 3 / 4 des Français estiment que ce sont les étrangers qui doivent d'adapter à la culture française et non l'inverse.
Le positionnement de l'UMP devra donc prendre en compte à la fois les choix doctrinaux et la réalité sociale, déterminer si les idées qu'elle développe sont, ou non, en prise avec la réalité sociologique. Ce parti est confronté à la pression du «mouvement dextrogyre» qui le met devant une alternative: droitiser son programme pour se maintenir sur son créneau électoral traditionnel ou glisser sur sa gauche (et libérer de l'espace politique à droite) si elle entend maintenir son discours dont les idées sont, en partie au moins, issues de la gauche et communes avec elle. L'UMP est à la croisée des chemins: sa refondation fera-t-elle d'elle un parti de droite?

FAUT PAS RÊVER !!

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