Le domaine de Souzy-la-Briche, dans le sud de l’Essonne, est un écrin de 15 hectares. Le parc, somptueux, possède une chapelle du XIIe siècle au milieu d’un grand bassin. (MaxPPP)
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vendredi 14 février 2014
Ayrault adopte le château de Mazarine
Le Premier ministre, en toute discrétion, vient passer ses week-ends dans le château de Souzy-la-Briche (Essonne), l'ancienne résidence présidentielle… Des travaux y ont été effectués.
"Le Premier ministre utilise effectivement Souzy-la-Briche", admet Matignon. En octobre, en plein été indien, les époux Ayrault sont venus en toute discrétion goûter aux charmes de l'une des demeures les plus secrètes de la République. Le couple est venu à deux reprises dans le "château de Mazarine". "On ne les a même pas vus", s'étonne le maire du village, Francis Jard. "Il est vrai que depuis toujours les hôtes du château n'entrent pas par le portail principal mais par une entrée au fond du parc, loin de tout regard."
Le domaine de Souzy-la-Briche, dans le sud de l'Essonne, est un écrin de 15 hectares entouré de hauts murs, lui-même dans un vaste domaine de 300 hectares. Le parc, somptueux, possède une chapelle du XIIe siècle au milieu d'un grand bassin, un canal de 250 m de long… Les lieux n'ont été ouverts au public qu'une seule fois, en 1995. "En juin dernier, pour les 220 ans de la création de la commune, j'ai demandé au ministère de la Culture, qui gère officiellement les lieux, d'autoriser une visite pour les habitants du village. Mais cela nous a été refusé", déplore le maire, qui, depuis 1995, a toujours été "tenu à l'écart" des visiteurs officiels. À son grand regret…
Depuis quelques mois, là encore en toute discrétion, Matignon a fait effectuer des travaux pour remettre les lieux en état. Du mobilier national a été acheminé sur place, et 36.000 euros, selon les services du Premier ministre, ont été dépensés en "travaux d'entretien divers". Matignon admet aussi 20.000 euros de "dépenses de transmission" pour mettre la propriété aux normes de communication actuelles. Afin de compenser ces frais en période de disette budgétaire, un porte-parole de Jean-Marc Ayrault assure que "le château de Rambouillet ne sera plus utilisé par le Premier ministre, sauf événement exceptionnel", et affirme que "l'un dans l'autre, les dépenses de fonctionnement globales seront moins importantes que du temps de la Lanterne". Situé dans le parc du château de Versailles, l'ancien relais de chasse de la Lanterne, traditionnellement affecté aux Premiers ministres, est, depuis la présidence Sarkozy, réservé à l'Élysée. Héritant en "compensation" de Souzy-la-Briche, François Fillon n'y a fait le déplacement qu'une seule fois. Et n'y est jamais revenu. Depuis 2007, entretenu par jardiniers et gardiens, le château est resté vide. Le fantôme des lieux n'avait plus personne à tourmenter…
À Souzy, le spectre s'appelle Jean-Jacques Simon. Sa tombe, avec celle de son épouse Renée et de leur chien Poppy, est toujours dans la vieille chapelle, au milieu du lac. "C'était un personnage complexe et haut en couleur", explique Francis Jard. Capitaine pendant la guerre de 14, héros au front, Jean-Jacques Simon était banquier ; son épouse avait une maison de couture sur les Champs-Élysées. Élu maire de Souzy-la-Briche avant la Seconde Guerre mondiale, il est, comme les autres maires juifs de France, "destitué" par Vichy. "Il s'est caché à Souzy pendant quatre ans. À la Libération, il s'est représenté aux municipales mais n'a pas été élu et en a gardé une profonde rancœur envers les habitants du village", raconte son successeur.
Sans enfants, les Simon décident de léguer leur domaine "au personnage le plus important de France". "Jean-Jacques Simon n'était pas tout à fait sûr que la France garde un président de la République", se souvient Francis Jard. "Il m'avait expliqué que dans le legs il était donc volontairement resté flou. Son obsession était que leur propriété reste intacte, déshéritant ainsi cousins ou neveux."
À son décès, à la fin des années 1970, la présidence de la République hérite donc d'un nouveau domaine. Giscard y est venu une seule fois. La nouvelle vie de Souzy-la-Briche commence en 1981… avec Mazarine et sa mère, Anne Pingeot. François Mitterrand va alors faire des lieux le havre discret de sa famille cachée. "M. Simon, qui était plutôt rigide, a dû se retourner dans sa tombe", sourit le maire. La jeune fille du président sympathise avec quelques enfants du pays. "Ici, tout le monde était au courant mais personne n'a jamais rien dit", assure l'élu. En 1994, c'est aussi à Souzy que l'étalon offert par le président du Turkménistan, blessé pendant le voyage, est soigné avec les deux autres chevaux de Mazarine. "Le cheval a vieilli mais il est toujours là."
Sous le premier septennat de Jacques Chirac, le "château de Mazarine" est longtemps resté endormi. Selon nos sources, plusieurs dignitaires en convalescence, notamment africains, y sont secrètement hébergés. Des habitants se souviennent de "ballets d'hélicoptères en partance pour des hôpitaux de la région parisienne". Pendant le quinquennat suivant, ce sont encore des filles de président qui redonnent vie aux lieux. Claude et Laurence Chirac s'y succèdent. "Il y a eu une période avec pas mal d'allées et venues", raconte Francis Jard. Jusqu'à ce que François Fillon, déjà propriétaire d'un château dans la Sarthe, ne condamne de nouveau Souzy à quatre ans d'absence. "L'État a voulu vendre mais s'est rendu compte que, compte tenu du legs, c'était impossible. D'éventuels héritiers des Simon auraient pu prétendre récupérer les 300 hectares", estime le maire. Jean-Marc Ayrault et son épouse, Brigitte, ont donc décidé d'en profiter. Eux aussi ont… deux filles. À Souzy, personne ne doute qu'elles tomberont vite amoureuses du domaine de Mazarine.
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