TOUT EST DIT

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lundi 21 novembre 2011

L’horreur et la dignité

J’ai une fille âgée de 14 ans et un garçon de 17. Comme tout parent d’adolescents, j’ai été doublement bouleversé par le meurtre d’Agnès. L’éditorialiste pourtant habitué à regarder les horreurs servies quotidiennement par l’actualité ne peut, cette fois, s’empêcher de s’identifier au père de la jeune victime du Chambon-sur-Lignon. Impossible de tenir ce fait divers-là à la distance nécessaire. Impossible de repousser ce cauchemar à l’extérieur de son imagination. Il est trop présent. L’idée de perdre un enfant, et dans de telles conditions, provoque une terreur absolue. Comment, alors, analyser rationnellement une situation qui agresse physiquement la raison ?

Comme des centaines de milliers de Français, j’ai essayé d’imaginer quelle pourrait être ma réaction si l’un de ces mauvais hasards de l’existence venait à m’imposer une telle horreur. Les principes de non-violence de toute une vie seraient probablement submergés par le désespoir et le sentiment d’injustice. Qui n’aurait envie de venger, de ses propres mains, la chair de sa chair ? Comment, a priori, avoir la moindre pitié pour l’auteur d’un acte aussi barbare ?

Les circonstances de la tragédie ont tout pour déchaîner la colère : comment admettre qu’un garçon ayant déjà violé une camarade puisse être placé dans un internat mixte ? Tous les ingrédients sont donc réunis pour condamner une justice qui serait laxiste jusqu’à l’inconscience et un certain nombre de responsables politiques ne s’en sont pas privés récupérant le drame sans état d’âme. Sans surprise, Marine Le Pen a exhumé le rétablissement — qu’elle sait impossible — de la peine de mort et le drame a pris une ampleur de polémique nationale qui atteindra Matignon.

L’émotion, pourtant, ne justifie rien. On ne répare pas un acte monstrueux par un acte monstrueux. On ne répond pas à la pulsion d’un crime abominable en libérant une pulsion de représailles aveugles qui emporte tout. Car le risque, désormais, c’est l’amalgame. Si le suivi des délinquants sexuels ne saurait être laissé aux aléas d’une réintégration forcément risquée, si le viol et la mort d’Agnès sont sans doute imputables à une faute d’appréciation manifeste (en attendant d’en savoir davantage sur le dossier), la tragédie ne saurait condamner en bloc le combat quotidien pour la réinsertion des mineurs délinquants, qui reste une idée juste : n’est-elle pas la dignité d’une société civilisée face à l’horreur ?

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