Les marchés ont totalement ignoré le discours de politique générale du nouveau Premier ministre. Ils sont beaucoup plus préoccupés de savoir si la Banque centrale européenne va se décider à faire du QE (quantitative easing, assouplissement quantitatif), quand et comment, que du discours de politique économique de la France, qui s’inscrit dans la lignée des deux premières années de la mandature. La bonne nouvelle est que la France n’est pas un sujet ; la mauvaise est qu’elle ne fait pas rêver.
Les marchés ont ignoré ce discours parce qu’il s’inscrit dans une longue lignée d’annonces du même genre, séduisantes en théorie, décevantes en pratique. Le pacte de compétitivité s’est résumé a une petite baisse des coûts du travail, bien trop faible pour combler en tendance l’écart des coûts du travail avec l’Allemagne ou les pays du sud. Le pacte de responsabilité annoncé en janvier se traduira par une autre baisse, mais encore plus faible. Les grands mouvements de baisse de l’impôt sur les sociétés sont prévus après la mandature en cours, tout comme l’abandon de la clause de compétence généralisée, courageuse et importante, mais prévue pour 2021. Quant aux 50 milliards d’euros de dépenses publiques économisées, auxquels il faut ajouter plus de 10 milliards d’euros de nouvelles baisses d’impôt, les détails sont toujours maigres.
Bref, les marchés n’ont pas été impressionnés, ni en bien ni en mal : injuste ? Peut-être, mais cela reflète le manque de crédibilité de la France en comparaison des quatre grands pays de l’Union européenne quand il s’agit de réformes. Ce n’est pas la capacité de la France à produire des richesses qui est mise en cause, c’est sa capacité à évoluer. La confiance dans la richesse productive du pays est reflétée par la note souveraine, mais les doutes par le tassement des investissements directs. On reproche à la France de ne pas évoluer en comparaison des autres pays européens. Le Royaume-Uni a renoué avec 3 % de croissance en dépit de l’austérité. L’Espagne a reformé son marché du travail, sa compétitivité, et semble sortir de la crise tirée par des exportations dynamiques. Le discours de l’Italien Matteo Renzi, lancé vigoureusement sur le respect de l’objectif de finances publiques, assorti de quelques réformes structurelles, et avec une réforme électorale importante à la clé, a semblé beaucoup plus volontariste.
Mais qu’attendent donc les marchés ? Des preuves que la France évolue. Plutôt qu’un plan dont le premier objectif serait d’arriver à faire taire les complaintes bruxelloises, ils espèrent un plan d’ajustement budgétaire qui viserait à corriger les travers de notre système social, son inefficacité. Les transferts sont plus coûteux en France qu’ailleurs en proportion des montants redistribués, les multiples niveaux de gouvernance locale laissent dériver les dépenses publiques. Les investisseurs attendent aussi une réforme du marché du travail qui viserait à accroître l’employabilité plutôt qu’à protéger à l’extrême ceux qui ont déjà un emploi ; du leadership en Europe plutôt que « basher » la Banque centrale européenne. En bref, un mot d’ordre : moderniser.
Laurence Boone est membre du Cercle des économistes et directrices des études économiques pour l’Europe à Bank of America Merrill Lynch.