mardi 1 mars 2011
Libye – Kadhafi : « Mon peuple m'adore »
Sur YouTube, une vidéo israélienne de Mouammar Kadhafi fait un tabac. Sur une musique d'un chanteur d'origine tunisienne et célèbre en Israël, le dirigeant libyen y est présenté s'agitant à côté d'une danseuse très peu vêtue sur des images d'un de ses discours enflammés de la semaine passée.
L'auteur de ce nouveau buzz, un musicien israélien d'origine tunisienne, a déclaré avoir reçu « énormément de soutien de gens du monde arabe qui ignoraient (son) identité et (qui lui) ont affirmé que ce mixage était devenu une sorte d'hymne de ralliement des contestaires ». Noy Aloshe et son groupe Hovevei Tzion est, en effet, déjà célèbre en Israël, notamment pour son tube très parlant : Rotsé Banot, (Je veux des filles).
Les manifestants libyens danseront-ils sur son clip dans les rues de Tripoli lorsque Kadhafi tombera ? C'est ce que lui aurait en tous cas affirmé un internaute.
On pourrait décider de laisser tomber, ne pas être otage de toutes les vulgarités. Mais quand un électeur sur cinq regarde vers ça, a-t-on le choix? Donc Marine Le Pen veut envoyer la flotte repousser les migrants clandestins hors de nos eaux territoriales. Elle l’a dit au Salon de l’agriculture, avec l’aplomb qui accompagne chacune de ses agressions. La Tunisie s’ébroue, la Libye brûle, des Africains ont faim, ils nous menacent! Gare à l’envahisseur loqueteux, qu’on l’arraisonne, qu’on l’envoie par le fond!
Au-delà du ridicule, ce sont des mots politiques et ils font sens. L’extrême droite a une histoire de traîtrise et de veulerie. Capitularde en 1940, sabordant la Royale en 1942 faute de l’avoir laissée combattre, putschiste en 1961, flattant Saddam Hussein en 1990… Mais revendiquant les valeurs militaires et navales pour couler ces Arabes ou ces Africains crève-la-misère, dont ne voulons pas. Il y a trente ans, Michel Rocard avait fait rire en proposant d’envoyer la flotte repêcher, dans la Baltique, les Polonais qui fuiraient le coup d’Etat de Jaruzeslki. Au moins Rocard avait la naïveté généreuse, quand Marine Le Pen invite au cynisme des brutes.
C’est un sentiment qui monte, ces temps-ci, sondage après sondage. Le FN n’invente rien et sa patronne manque d’imagination, se contentant de libérer le pire. L’héritière Le Pen abolit la décence et érode les scrupules. Elle transmute la laïcité en invite au racisme, malaxe la peur des autres, le dégoût de l’islam, et désormais l’illusion minable d’échapper aux brûlures du monde. Au moins nous sort-elle de l’hypocrisie : tout cela est en nous, dans nos conforts et nos oublis. La bataille navale lepéniste fait écho aux glapissements de l’Italie sur les migrants qui la submergent ; elle rappelle que la brute Kadhafi était le garde-chiourme de l’Europe, auxiliaire stipendié de la lutte contre l’immigration…
Cela existe. Notre logique. Le FN n’est pas hors la vie. On parle ces jours-ci d’un responsable CGT de Moselle suspendu par sa centrale pour cause de militantisme au FN. Le jeune homme, passé du NPA de Besancenot au frontisme au prétexte de la laïcité, intente un procès et se targue du soutien de sa base. Dans le même temps, les ultralibéraux de l’UMP font d’Eric Zemmour, condamné pour incitation à la discrimination, un parangon de la liberté d’expression, et la vedette d’un colloque, caractères gras sur l’invitation, vu à la télé… Zemmour fait de son verbe un pont entre l’UMP et le FN; il est politique et populaire, soutenu et suivi mais moins pour son intelligence que pour ses démagogies. Le fronto-cégétiste Fabien Engelmann n’est qu’un fils du peuple dévoyé parmi tant d’autres, et on imagine le désarroi de la CGT sur ce que révèle ce méchant camarade… Rien n’est idéal, ni l’épuration politique dans un syndicat, ni les procès qu’on intente aux journalistes. Mais il faut bien rappeler les principes, et qu’une vilenie reste, même amplement partagée ; et si les paroles sont libres, toutes ne se valent pas.
Elle explore le plaisir féminin
Échographies du clitoris, cartographie du point G.,... Odile Buisson, gynécologue, veut dévoiler les mécanismes de l'orgasme. Et plaide pour une véritable médecine sexuelle féminine.
Médecin depuis trente ans, Odile Buisson a réalisé en 2009 les premières échographies du clitoris et montré que le "bouton est en fait un vaste organe constitué d’une double arche, dont le sommet enserre le vagin". L’année suivante, nouvelle prouesse publiée dans la revue de référence de sa discipline : elle échographie un couple (des copains soignants) en plein coït. "La pénétration et les mouvements de va-et-vient stimulent le clitoris interne. Quand les femmes assurent avoir des sensations particulières sur la partie antérieure du vagin, qu’on appelle le point G, elles ne rêvent pas."
"La recherche est tellement androcentrée"
Ces jours-ci, Odile Buisson délaisse ses explorations anatomiques pour faire la promotion de son essai, Qui a peur du point G? Le plaisir féminin, une angoisse masculine (Ed. Jean-Claude Gawsewitch). Au cœur de cet ouvrage, un triste constat: "Contrairement aux Etats-Unis, à la Grande-Bretagne ou à l’Italie, la médecine sexuelle féminine n’existe pas en France." L’auteure, elle-même, s’est ouverte à la discipline sur le tard et par hasard. Dans son cabinet, en région parisienne, la gynécologue obstétricienne pratique des examens de routine: échographies fœtales et gynécologiques. "Je voyais des utérus, des ovaires, mais je ne faisais pas attention aux clitoris. J’étais victime d’une sorte d’excision psychique." Jusqu’au jour où l’urologue Pierre Foldès, pionnier de la chirurgie réparatrice des mutilations sexuelles, coauteur des publications scientifiques d’Odile Buisson et de son livre, lui suggère de se lancer dans l’échographie du clitoris. Un tandem professionnel d’explorateurs en marge de l’institution est né. "On passe pour des révolutionnaires alors qu’on essaie de comprendre le plaisir féminin! La recherche est tellement androcentrée…", se désole Pierre Foldès.La récente controverse sur l’existence du point G, niée par une étude britannique, a déclenché l’écriture du bouquin. « J’ai réalisé qu’il était urgent de batailler pour que le plaisir féminin soit considéré comme un objet de recherche." Odile Buisson relate les moqueries de certains de ses collègues qui doutent de l’utilité de son travail. "Arrête avec ton point gogo, s’est-elle entendu dire récemment. Je peux te donner un orgasme en mettant ma langue dans ton oreille!" L’orgasme féminin, ultime tabou? "La sexualité est lestée de tous les préjugés et ce n’est pas un champ médical très exploré. Mais on connaît mieux les mécanismes de l’érection que celui de la jouissance féminine parce qu’on s’y intéresse plus", confirme Emmanuele Jannini, chercheur italien renommé. L’urologue lillois Jacques Buvat, président de la Société francophone de médecine sexuelle, rappelle que la discipline a longtemps été considérée comme "une médecine de rigolos": "L’arrivée du Viagra a stimulé la recherche. Le retard féminin s’explique aussi par le fait que les problèmes d’érection sont liés à la fonction de reproduction alors que les dysfonctions féminines ne l’affectent pas."
"Un enjeu de santé publique"
Tout au long du livre, Odile Buisson plaide pour que la sexualité humaine soit envisagée dans sa globalité, au sein d’unités hospitalières et de recherche mixtes: "Il faut que les médecins (gynécos, urologues, neurologues, psychiatres) et les sexologues (plus souvent psychologues que médecins) travaillent main dans la main." D’abord sceptique sur l’existence du point G, le professeur de gynécologie Israël Nisand confesse aujourd’hui son ignorance de l’anatomie et du plaisir féminins, ce "continent noir de la médecine". Le praticien féministe, qui a œuvré pour la reconnaissance du déni de grossesse et fait de l’éducation sexuelle auprès des lycéens, voit dans le développement de la médecine sexuelle féminine "un enjeu de santé publique": "En étudiant la fonction du clitoris pendant l’orgasme, on pourrait mieux comprendre la dysfonction orgastique qui ruine la vie de nombreux couples et de nombreuses femmes."Des femmes déprimées quand leur libido flanche à l’âge de la ménopause, Odile Buisson en croise chaque semaine en consultation. Elle leur donne quelques conseils de médecin féministe pour booster leur ego en rêvant du jour où une petite pilule rose les aidera à traverser un cap parfois difficile. "Le Viagra féminin, ce n’est pas forcément le Graal. Mais il n’y a pas de raison a priori d’en priver les femmes."
Rocard soulagé par la sortie d'Hortefeux du gouvernement
Sur le plateau de l'émission Ça vous regarde sur LCP, en partenariat avec leJDD.fr, l'ancien Premier ministre Michel Rocard s'en est pris à Brice Hortefeux, qui avait, selon lui, "l'insulte facile". Pour le socialiste, le départ de l'ex-ministre de l'Intérieur est l'élément le plus "important" du remaniement.
Comment Palomares a survécu à la bombe
ls fuient aussi la presse, à cause de l’image terrible qu’elle a donnée de leur ville. Quant à la délégation américaine venue en visite le 21 février pour mesurer l’innocuité de la zone, ils ne lui ont demandé qu’une chose : qu’elle emporte une fois pour toutes la terre contaminée. Rien d’autre ne les intéresse. Quand ce sera fait, la municipalité entend construire un parc à thème sur l’histoire des technologies, de l’âge de bronze à l’ère atomique.
Une bombe lâchée lors d'une collision entre deux avions
"Palomares est stigmatisée, socialement et économiquement", déplorait le maire du village, Juan José Pérez, lors de la présentation du projet de Parc des civilisations et des technologies méditerranéennes. Le complexe, entre musée et parc de loisirs, s’élèvera à l’endroit où, le 17 janvier 1966, est tombée l’une des quatre bombes lâchées lors de la collision en plein vol, dans le ciel de Palomares, entre un énorme bombardier B-52 et un ravitailleur sur le point de l’approvisionner en combustible.Bordés par des champs au nord et au sud, un lotissement à l’ouest et le cimetière du village à l’est, ces quelque 40 hectares entourés de clôtures sont fermés au public, comme le signalent plusieurs panneaux du Centre de recherches sur l’énergie, l’environnement et la technologie (Ciemat). "En dehors de la zone, le compteur Geiger ne signale aucune radiation, explique Igor Parra, représentant local de l’organisation Ecologistas en Acción. A l’intérieur en revanche, il crachote à certains endroits," poursuit-il, accompagné du maire de Palomares et du paléontologue Eudald Carbonell, lauréat du prix Prince des Asturies [Príncipe de Asturias] pour la recherche.
Ce dernier, co-directeur de la fondation Atapuerca [du nom de l’important site préhistorique de la province de Burgos], pourrait être le premier président du parc à venir. "Le projet n’en est encore qu’au stade de l’idée, précise-t-il. Je suis spécialiste des technologies préhistoriques, mais l’évolution des civilisations à travers les technologies m’intéresse beaucoup."
Une réputation tombée plus bas que terre
La région de Palomares se trouve au beau milieu du territoire de la culture d’El Argar qui était, il y a 4 000 ans, la civilisation urbaine la plus avancée d’Europe. La période couverte par le parc commencerait avec cette civilisation, pour aller jusqu’à l’ère nucléaire. Le hic, c’est qu’avant de construire quoi que ce soit, il faut décontaminer. Les Américains souhaitent dépolluer la terre, et les Espagnols qu’ils les en débarrassent. "L’évacuation des matériaux est de la responsabilité du gouvernement des Etats-Unis, mais aussi de l’Espagne", estime Eudald Carbonell, pour qui c’est là le seul moyen de compenser les dommages infligés à ce territoire. Une alternative est à l’étude : soit la dépollution sur place, avec l’important déploiement logistique que cela implique, soit l’envoi de la terre aux Etats-Unis pour décontamination."La venue de la délégation est une bonne nouvelle, mais les Américains vont-ils bien emporter tout ce qu’ils doivent emporter ?, s’interroge Igor Parra. L'heure des réparations a sonné." Après la chute des quatre bombes, les Américains n’avaient emporté qu’"un sixième du problème, environ 1 500 mètres cubes de terre", précise le militant écologiste résident de la commune; aujourd’hui, c’est plus de 6 000 mètres cubes qui doivent être transportés. "La solution pour Palomares n’est pas une question de budget, c’est un exercice de justice historique, et cela n’a pas de prix", insiste-t-il.
Chez les villageois, la méfiance règne. Dans un bar, plusieurs habitants regardent au journal télévisé un reportage sur la construction du parc et la visite de la délégation américaine. "Qu’ils viennent donc chercher cette terre, elle a fait suffisamment de mal", s’agace Andrés, le fils du propriétaire de la cafétéria 102 Tapas. Le mal dont il parle, ce n’est pas l’irradiation au plutonium. Non, Andrés parle de la réputation de la région, tombée plus bas que terre. "Je suis d’ici, comme toute ma famille, et nous sommes tous en bonne santé. Mes grands-parents sont morts à 90 ans, de vieillesse", raconte-t-il. Ce sont les anciens qui sont le plus excédés. Le maire Juan José Pérez l’avait dit, le matin : "On a les médias ici tous les jours, venus de tous les pays. Les habitants en ont ras-le-bol."
Irlande et Grèce, destins parallèles
Révolution par les urnes à Dublin, grèves à Athènes : les deux pays les plus fragiles en Europe réagissent différemment aux mesures drastiques prises dans le cadre des plans de sauvetage. Mais leur avenir est lié s'ils veulent trouver une issue à la crise et avoir une influence dans la zone euro, écrit un économiste.
La semaine dernière, les citoyens grecs et irlandais, dont les pays sont les premières victimes de la crise de la dette publique qui agite la zone euro depuis maintenant un an, ont exprimé leur frustration de deux manières très différentes.
Tandis que les électeurs irlandais votaient à Dublin, Cork et Limerick, les citoyens grecs épanchaient leur colère à Athènes, Thessalonique et Patras, dans le cadre d'un mouvement social d'une semaine dont le point d'orgue a été une grève générale de 24 heures mercredi [23 février]. Tandis que les gens exerçaient leur droit de vote dans un pays, les citoyens exerçaient leur droit de manifester dans un autre.
À Dublin, un nouveau gouvernement s'apprête à prendre ses fonctions. Les résultats des élections législatives de vendredi n'auraient pas pu être plus tranchés. Plus de 70% du corps électoral a voté et le résultat de ce vote a été l'éviction de la coalition en place. C'est la première défaite d'un gouvernement de la zone euro depuis le début de la crise de la dette publique. Ce changement de pouvoir au Dáil, le parlement de Dublin, est un bouleversement comme la politique irlandaise n'en avait pas connu depuis 1932. Ce n'est rien moins qu'une révolution par les urnes.
Des populations dans des rouages économiques qui les dépassent
En Grèce, en revanche, la plupart des citoyens ont vaqué à leurs occupations, essayant de rejoindre leur lieu de travail malgré les perturbations provoquées par les nombreuses grèves qui ont frappé les services publics et les transports.Ces derniers mois, le nombre de participants aux manifestations n'a cessé de reculer dans les rues d'Athènes. En revanche, on observe toujours les mêmes violences, perpétrées par une minorité qui cherche à détourner ces grands rassemblements.
En Grèce comme en Irlande, les manifestations traduisent chez la plupart des citoyens l'exaspération liée aux importantes coupes dans les salaires, les allocations et les retraites – en particulier dans le secteur public.
Cette colère légitime se base sur deux sentiments auxquels le gouvernement de Georges Papandréou à Athènes et la nouvelle coalition à Dublin sont confrontés. Dans les deux pays, une grande partie de la population a l'impression grandissante d'être prise dans les rouages de forces économiques et financières qui la dépasse.
Aucun des deux pays ne veut donner l'impression d'attendre sans bouger les ordres de l'Union européenne et du FMI. Dans ces circonstances, il ne faudrait pas sous-estimer la culture de résistance au changement, bien vivace dans les deux pays.
En Grèce, la libéralisation par le biais de réformes législatives des "métiers protégés" (qui comprennent une myriade de professions, dont les pharmaciens, les routiers et les avocats) rencontre toujours une forte opposition, y compris de la part de députés de toutes tendances politiques, parmi lesquels de nombreux avocats, notaires et autres représentants de ces professions libérales.
Deux pays, un même cheval de bataille
En Irlande, la seule question qui mette d'accord les membres du gouvernement sortant et les partis d'opposition victorieux est la défense du taux d'imposition des sociétés, favorable aux entreprises. La grande coalition de Dublin luttera "bec et ongles" pour préserver le taux de 12,5%, sans négociation possible, face aux vautours de Berlin, Paris et Bruxelles, qui aimeraient un relèvement de cet impôt inférieur de moitié à la moyenne de l'Union européenne.Dans le cas de la Grèce, la résistance au changement et l'édulcoration des tentatives législatives de libéralisation des "métiers protégés" sont des moyens de soustraire ces secteurs à la concurrence, d'empêcher l'innovation de gagner du terrain et de préserver les intérêts particuliers de minorités organisées.
En revanche, aussi controversé soit-il aux yeux des autres pays européens, le régime d'imposition des sociétés irlandais a permis au, cours de la dernière décennie, d'attirer les investissements d'entreprises telles que Google, Microsoft, Dell, le groupe pharmaceutique Pfizer et des sociétés du secteur financier venues d'aussi loin que Hong Kong.
Les deux pays tentent désormais de relever les défis titanesques que sont la relance de la consommation et la mise en œuvre de mesures d'austérité en axant la reprise économique sur les exportations.
Dans ce contexte, il n'est pas forcément indispensable pour l'Irlande de sauver son taux actuel d'imposition des entreprises. La controverse déclenchée par ses concurrents au sein de l'UE a révélé que ce n'est pas le taux irlandais qui pose problème, mais plutôt l'absence d'assiette fiscale commune et convergente sur le continent européen. En réalité, le débat sur le taux irlandais a fourni l'occasion de discuter plus largement du type de régime fiscal que souhaitent à l'avenir l'UE à 27 et les 17 membres de la zone euro.
Le gouvernement Papandreou à Athènes et le gouvernement de coalition élu à Dublin vont devoir se battre pour faire accepter des programmes d'austérité sévères. Ils doivent également veiller à leur légitimité à long terme, alors même que ces mesures sont perçues comme injustes par une bonne partie de l'opinion en Irlande comme en Grèce.
L'aide financière de l'UE : une pomme de discorde majeure
Mais l'Irlande a peut-être aujourd'hui un avantage qui sera surveillé de près par la Grèce. Lorsque le nouveau gouvernement prendra ses fonctions et tentera de renégocier les modalités du plan de sauvetage de l'UE et du FMI, il découvrira l'influence dont il dispose et la souplesse dont les deux institutions de financement sont prêtes à faire preuve.L'aide financière fournie par l'Union européenne, en particulier, est une pomme de discorde majeure à Dublin. Les prêts sont assortis d'un taux d'intérêt de 5,83% nettement supérieur à celui que la Grèce, qui se trouve dans la même situation, doit actuellement payer.
À cet égard, les deux pays ont le même cheval de bataille. Tous deux veulent un assouplissement de l'accord financier proposé, que beaucoup considèrent davantage comme un fardeau que comme un plan de sauvetage. Les risques sont élevés, y compris l'insolvabilité pour l'un ou le défaut de paiement pour les deux.
Il est difficile de prédire comment la situation va évoluer à Dublin et à Athènes. Les deux pays seront au centre de l'attention lorsqu'ils échafauderont leurs programmes de réformes et chercheront des solutions globales à la crise actuelle de la zone euro. La grande différence entre la Grèce et l'Irlande d'un côté et les autres membres de la zone euro de l'autre est que les Grecs et les Irlandais ressentent les effets de ce qui leur arrive. Leurs semblables au Portugal, en Italie, en Espagne et ailleurs en Europe pourraient découvrir ce sentiment plus tôt que prévu.
Depuis le début du quinquennat, il cherche sa case sur un échiquier sans cesse bousculé. Fallait-il donc qu’il expie ? Dans l’imprévisible jeu du pouvoir où il n’est, depuis 2007, qu’un pion subalterne, le Premier ministre doit régulièrement réinventer une fonction, la sienne, dont il avait imprudemment prophétisé la disparition, avant de la ressusciter.
Après l’effacement consenti des années de l’hyperprésidence puis la revanche combative de l’automne 2010 pour rester à Matignon, voilà à nouveau François Fillon relégué dans un second rôle. Cette fois, en effet, c’est presque en spectateur qu’il a assisté à l’épisode de ce remaniement alors qu’il avait été un acteur prépondérant du précédent. En faisant cohabiter un Premier ministre avec un vice-président virtuel intronisé par les médias, la V e République sarkozienne, décidément, n’en finit plus de se contorsionner pour trouver son équilibre.
Hier matin, sur RTL, c’est avec une distance déférente, à la fois déliée et prudente, que le chef du gouvernement a commenté la constitution de «sa» nouvelle équipe. Encadré par trois poids lourds sur quatre, placés aux postes régaliens, le voilà paré pour une rocardisation annoncée. Que lui reste-t-il comme espace politique entre un chef de l’État qui pratique une gestion très personnelle de la présidence, un chef de la diplomatie qui ne souffre aucune tutelle, et un ancien n° 2 du régime, installé place Beauvau, qui ne sera pas du genre à rendre des comptes sur son action au ministère de l’Intérieur ? Hier soir, M. Fillon a bien sifflé la fin de la récréation, à la mode barriste, en moquant l’agitation du bocal microcosmique mais cette posture sera-t-elle suffisante pour masquer son affaiblissement, voire une certaine relégation qui ne fait pas pleurer le Président ? Les sondages qui vont decrescendo et le double handicap de ses vacances égyptiennes et de ses vols en avion pour ses week-ends sarthois ont, semble-t-il, fait leur œuvre sur sa popularité, dont il ne s’est pas servi à temps pour marquer un avantage définitif.
On verra aujourd’hui, à l’occasion de la rentrée parlementaire et de la séance des questions au gouvernement, comment le Premier ministre tentera de reprendre la main sur son terrain, l’hémicycle du Palais Bourbon, où il joue à domicile devant le public acquis des députés UMP. Mais avant que le coq chante, il a déjà subtilement renié toute vassalité. Trois fois. En défendant l’honneur de Michèle Alliot-Marie, en refusant un débat sur l’islam qui stigmatiserait les musulmans et en souhaitant que la peur des flux migratoires ne soit pas l’alpha et l’omega de la nouvelle politique méditerranéenne de Nicolas Sarkozy. A l’oreille, ce sont plus que des nuances. Des bémols qui donnent à la musique de l’exécutif un son original moins accordé que sur les partitions officielles.
Internet est-il de gauche ?
Le média Internet a-t-il une couleur politique ? Si l'on se penche sur la floraison, ces dernières années, des "pure players" de l'information générale en ligne en France, la réponse ne fait aucun doute. De Mediapart à Rue89 ou Bakchich, le positionnement est clairement de gauche. Le lancement cette semaine d'Atlantico, site marqué à droite, serait ainsi une simple exception confirmant une règle immuable.
Aux Etats-Unis, le puissant Huffington Post, racheté le mois dernier à grand bruit et grands frais par AOL, et dont Atlantico dit lui-même vouloir s'inspirer, n'est-il pas classé dans le camp démocrate ? Si l'on regarde au-delà, la réalité du média Internet est plus complexe. Notamment à la lumière des révolutions de ce début 2011 dans les pays arabes. Internet y est avant tout un outil d'information anticonservateur, anticonformiste, anti-ordre établi. Les vieux médias imprimés, et les déjà vieilles radios ou télévisions, ne sont pas par nature conservateurs, conformistes et serviles. Mais la censure peut aisément les contrôler !
Si dans les pays de dictature le cyberespace ouvre une fenêtre sur la liberté, qu'apporte-t-il dans les pays où la liberté d'expression existe déjà ? Un nouveau vecteur d'information, dont les deux atouts principaux sont la réactivité et l'interactivité. Des atouts qui ne sont ni de gauche ni de droite. Mais qui donnent la parole à monsieur et madame Tout-le-monde et qui permettent, parfois, de contourner des formes d'autocensure. Mais la démocratie directe n'est pas nécessairement anticonservatrice. Elle peut aussi bien être poujadiste, comme victime de l'aveuglement collectif propre à la psychologie des foules. Bref, Internet est ce qu'on en fait.
Il n’est pas si facile d’être populaire, et cela se paie parfois bien cher. Annie Girardot, aujourd’hui couverte d’hommages posthumes, l’avait éprouvé douloureusement. Nous avons tous revu hier cet instant où elle pleurait de bonheur sur son César, et de détresse sur des années et des années d’oubli. C’est qu’elle avait eu l’audace ou l’inconscience de prétendre jouer à la fois chez Visconti et Zidi, avec Carné et Audiard. C’était trop pour beaucoup, qui aiment les catégories simples - surtout en France, pays de castes, où l’on est supposé être de l’élite ou du peuple, contre l’un ou contre l’autre, mais jamais des deux à la fois. Annie Girardot était ainsi, exigeante sans exclusive, généreuse sans mépris. Les gens l’appelaient Annie et la respectaient, elle était unique et faisait ses courses comme tout le monde. Populaire, tout simplement populaire.
Le 11 février, au soir de la chute d'Hosni Moubarak, le président américain saluait « la force morale de la non-violence qui a, une fois de plus, incliné l'arc de l'Histoire vers la justice ». Ce discours renvoyait à un autre, celui du 4 juin 2009 où, au Caire, Barack Obama s'était adressé au monde islamique. Il promettait « un nouveau commencement » des relations qui ne se limiteraient plus à la simple « lutte contre le terrorisme ». Cette promesse a commencé à être réalisée, grâce aux Tunisiens et Égyptiens qui ont refusé les atteintes dictatoriales à leur dignité.
Comment comprendre cette amorce d'une nouvelle politique étrangère américaine ?
Le jeune président qui avait pris la parole au Caire, quatre mois après son installation, n'avait guère d'expérience en politique étrangère. Pourtant, il en savait des choses importantes, dont il avait parlé dans son autobiographie, Les rêves de mon père (1995), et auxquelles il est revenu dans L'audace d'espérer (2006). Il évoque sa jeunesse en Indonésie pour critiquer le cynisme qui se servait de la Guerre froide pour justifier le soutien aux tyrans corrompus et la naïveté de ceux qui, après la chute du Mur, en 1989, ignoraient le ressentiment suscité par la culture américaine. Et refusaient de voir que la démocratisation pouvait faire place aux conflits ethniques et religieux.
Si Barack Obama a été élu, c'est en partie en raison d'un fort rejet de la politique étrangère messianique du gouvernement Bush. Dès lors, on s'est rabattu sur la realpolitik. Celle-ci fut conduite par des experts qui avaient fait leurs preuves du temps de la présidence de Bill Clinton, dont Hillary Clinton, nommée secrétaire d'État. Prirent part aussi aux décisions plusieurs généraux et « tsars » responsables par régions : Israël-Palestine, Afghanistan-Pakistan, etc.
Entre 2009 et 2011, la politique étrangère d'Obama a été en proie à de longues hésitations. Ensuite, ce fut l'augmentation des forces en Afghanistan, puis l'échec des négociations au Proche-Orient, dû au refus israélien d'arrêter la colonisation des territoires occupés.
Arrivent la Tunisie, puis l'Égypte. Après une brève interrogation, le Président s'affirme ; des décisions sont prises. Hillary Clinton a martelé hier : « Il est temps pour Kadhafi de partir, maintenant, sans autre violence ou retard. » Est-ce vraiment une nouvelle donne ?
Il ne faut pas oublier que l'expérience la plus importante d'Obama a été celle d'un militant, d'un organisateur qui cherche à réunir des gens pour agir ensemble pour effectuer un changement qui vient de la base. Une telle orientation ne se conjugue pas très bien avec la politique étrangère, qui passe par le sommet.
Il n'est pas surprenant que le réveil d'un sentiment de dignité bafouée au Maghreb ait fait vibrer une corde chez Barack Obama. Bien sûr, il reste prudent, il sait que les choses peuvent mal tourner en Libye, où Khadafi se battra jusqu'à la fin, violente. Il sait aussi que la démocratie n'est jamais acquise une fois pour toutes. Néanmoins, un tournant est pris.
La traduction française du deuxième livre d'Obama éclaire peut-être la nouvelle attitude à la Maison-Blanche, en transformant le substantif « espoir » en un verbe : « espérer ». C'est-à-dire mettre enfin en pratique son désir d'une vie digne... Celle dont rêvaient son père et ses amis de jeunesse indonésiens.
Dick Howard est professeur émérite à Stony Brook University, New York, auteur d'Aux origines de la pensée politique américaine (Pluriel).
Sarkozy-Juppé : de l'agacement aux intérêts mutuels
Si les mariages de raison tiennent mieux que les mariages de passion, l'alliance entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé a de beaux jours devant elle. Et sera peut-être l'un des outils d'un rebond présidentiel. Conclue en novembre, renforcée dimanche, elle révèle un intérêt réciproque qui a fini par l'emporter au terme d'une histoire aussi longue que compliquée. Où l'agacement mutuel semblait être le seul indice de leurs relations.
Le président de la République avait besoin de la solidité du maire de Bordeaux pour retrouver une crédibilité noyée dans le maelström des mauvais sondages. L'ancien Premier ministre avait besoin de l'offre ministérielle de son cadet pour échapper au désoeuvrement d'une retraite paisible mais mortifère. Juppé a été payé comptant : voilà bien longtemps qu'il n'avait pas entendu autant d'éloges ; Sarkozy a un an pour engranger les bénéfices politiques de sa main tendue. Finalement, les deux frères ennemis en chiraquisme - le fils préféré et le fils rebelle -se servent l'un à l'autre de bouée de sauvetage.
Dans cet attelage inattendu il y a quelques mois encore, la lucidité est gage de solidité. Les deux hommes ont beau être de grands affectifs, chacun à sa manière, ils ont tous les deux appris de Jacques Chirac que la survie politique primait sur l'amour-propre.
Au moins n'ont-ils jamais fait semblant. Au mois d'août, sollicité pour revenir au gouvernement, Alain Juppé feint d'hésiter devant Nicolas Sarkozy à « monter sur le "Titanic" ». Comment lui dire avec plus d'insolence : « Cette fois, c'est toi qui as besoin de moi » ? Fier de son bon mot, il le répète à des journalistes, devant qui il ne cache pas son opposition au tournant sécuritaire que le président a pris une nouvelle fois avec son discours de Grenoble.
Autrement dit, il fait avec Sarkozy ce qui l'avait tant agacé chez lui : rapporter à l'extérieur ses entretiens privés. C'est peu dire que ces « conditions » publiquement énoncées par son prédécesseur à la tête de l'UMP ont énervé le chef de l'Etat. « Juppé, c'est bien lui qui avait réussi à la fois à reculer sur les réformes et à mettre 2 millions de personnes dans la rue », maugréait-il, fort de son succès sur les retraites. « Il incarne cette droite que les Français détestent. » Une confidence faite moins de quinze jours avant d'en faire le numéro 2 de son gouvernement. « Evidemment, il raconte n'importe quoi », rétorqua Juppé avec un même agacement qui ne l'a, malgré tout, pas dissuadé de monter sur le « Titanic »...
Après tout, ce mode de relation n'est pas nouveau entre eux. Mars 2002, en pleine campagne pour la réélection de Jacques Chirac, les deux hommes pensent à leur avenir. Ils déjeunent en tête à tête. Le lendemain, « Le Figaro » rapporte un deal : Juppé soutiendra la candidature de Sarkozy à Matignon ; le second aidera le premier à prendre la présidence de l'UMP qui se prépare. Stupeur en Chiraquie, où la mise en orbite de Jean-Pierre Raffarin est déjà programmée. Le maire de Bordeaux enrage : « Ce type est vraiment impossible. On ne peut rien lui dire sans que ça se retrouve dans la presse. » Sarkozy accuse Juppé de lui avoir menti. Juppé reproche à Sarkozy de l'avoir trahi.
30 janvier 2004. Le ministre de l'Intérieur est en déplacement en Corse quand il apprend la condamnation de l'ancien secrétaire général du RPR à dix-huit mois de prison avec sursis et dix ans d'inéligibilité dans l'affaire des emplois fictifs du parti de Jacques Chirac. On s'attendait au soulagement cynique de celui qui voyait s'exiler un rival dangereux sur le chemin de l'Elysée. On assiste au contraire à la colère froide d'un Nicolas Sarkozy privé d'un combat qu'il se disait sûr de remporter : « Le problème de Juppé, c'est pas la justice, c'est lui. Jamais les Français ne l'éliront à l'Elysée. » Lui ravir l'UMP, il en rêvait. Mais grâce aux militants. Pas aux juges.
Des anecdotes qui appartiennent au passé ? Certes, mais cette histoire les a rendus suffisamment lucides l'un sur l'autre pour ne pas construire leur relation nouvelle sur des illusions. Chacun, désormais, entend profiter de l'autre, dans un accord « gagnant gagnant ».
Sonné par sa défaite aux législatives de 2007, lentement rattrapé par l'état civil - il a fêté ses soixante-cinq ans le 15 août 2010 -, Alain Juppé a, de son propre aveu, saisi le remaniement de novembre dernier comme le « dernier train » pouvant le conduire au premier rang de la vie politique. Quelques jours ont suffi pour que les élus qui lui en voulaient après les grèves de 1995 et la défaite de 1997, et la presse qui l'avait délaissé, lui tressent à nouveau des lauriers, comme au temps de ses premières années heureuses au Quai d'Orsay. Le sage de Bordeaux, respecté mais tenu à distance de Paris, est redevenu la coqueluche d'un système médiatico-politique toujours en quête d'une « valeur » à porter aux nues. Merci Sarkozy ? Juppé est trop orgueilleux pour croire que ce retour en grâce tient à autre chose qu'à ses propres mérites.
Nicolas Sarkozy voit de son côté, et pour la première fois depuis longtemps, un choix mis à son crédit. Y compris à gauche. S'il parvient à sauver sa politique étrangère, ce sera en partie grâce à l'image du nouveau locataire du Quai d'Orsay. Merci Juppé ? Le chef de l'Etat est trop orgueilleux pour croire qu'un rebond possible tienne à autre chose qu'à ses propres mérites.
Le triomphe de Juppé a pour autre vertu de relativiser celui de François Fillon, il y a trois mois. Au lendemain du remaniement, la rivalité entre le Premier ministre et le nouveau chef de l'UMP, Jean-François Copé, est apparue au grand jour. Que cette bataille-là se joue désormais à trois, un « quadra », un « quinqua », un « sexa », n'est pas pour déplaire au président de la République. La pluralité des alternatives est sa meilleure protection pour 2012.
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