mardi 17 février 2015
La fin des fins
Ceux qui ne sont plus des perdreaux de l’année en sont encore tout retournés. Pour condamner les propos de Roland Dumas, beaucoup de politiques ont évoqué la formule de Chateaubriand, popularisée par de Gaulle : « La vieillesse est un naufrage ». Chacun ayant son avis sur l’aphorisme, pas question de trancher. Pour ma part, possédant quelques compétences en la matière vu mon âge, j’assure que ce temps-là est surtout celui des paradoxes. D’abord, plus on est vieux, plus on a l’impression d’être resté jeune. Ensuite, les tracas abandonnent leur statut d’ennuis pour celui - satisfaisant - d’occupations. Enfin, plus on sait, moins on peut. La démonstration ainsi faite, reste une vérité qu’on ne peut cacher et, somme toute, assez déplaisante : la vieillesse finit toujours mal.
Didier Raoult : sauver la France de la Conjuration des imbéciles
Tout n'est pas fini, mais le "peace and love" qui a illuminé ma jeunesse, c'est terminé. Il ne faut pas laisser la conjuration des imbéciles (pour paraphraser J. K. Toole) d'une génération, qui n'a pas compris les échecs marxistes et ceux des Lumières (l'universalité selon Rousseau), nous emmener dans la guerre civile en invoquant un idéal qui n'a pas su se substituer aux religions.
L'idée de la pensée rationnelle et universelle implose au XXIe siècle. Dans la pensée des intellectuels français du XXe siècle, une confusion extrême s'est faite entre les chercheurs et les vulgarisateurs. La contribution majeure de la France au monde, au cours du XXe siècle, se trouve dans la distance vis-à-vis du roman de l'histoire et dans la réhabilitation des cultures distinctes. Les chercheurs, passés par l'analyse des faits plutôt que par les émotions et les indignations, sont devenus des incontournables de la pensée universitaire en sciences humaines, mais ils ont été mieux compris aux États-Unis. Ce sont Foucault (psychiatrie, sexe et prison), Latour (relativité de la science), Deleuze (avec la dichotomie et le rhizome), Derrida (sur la déconstruction des évidences), Canguilhem (sur l'absence de normalité dans la santé), Bourdieu (sur la reproduction sociale), Lévi-Strauss (sur la complexité des sociétés étiquetées "primitives") et Lacan (sur la métaphore).
Tous ont introduit une analyse qui permet de mieux comprendre le monde tel qu'il est, et tel qu'il devient. Et pas en fonction du roman d'un temps passé idéalisé. La plupart de ces chercheurs ont eu une expérience internationale, en partie en Afrique, qui leur a permis de dépasser l'horizon hexagonal. Leur leçon est que la vision de la France mythique et de notre civilisation repose sur l'ignorance, et une simple nostalgie d'un temps passé, qui n'a jamais existé et qui a coïncidé avec notre domination du monde. Elle empêche de penser l'avenir. C'est la conjuration des imbéciles qui s'inventent comme passé des images d'Épinal.
La France n'est pas une abstraction, elle se situe à une époque précise, avec les gens qui y habitent. C'est sa langue et sa culture, qui se modifient et changent tout le temps, qui l'unissent. Elle doit s'accepter pour ce qu'elle est et pas comme certains rêvent qu'elle a été. Le respect de nos traditions doit perdurer mais ne doit pas nous figer.
Par chance, elle se peuple plus que les autres pays européens. Le français est la langue qui progresse le plus dans le monde. Reconnaître la population et la langue française, toutes deux métissées, sont des priorités si l'on veut donner à la France l'avenir qu'elle mérite.
Prostitution : chacun son corps ou corps d’État ?
Les politiciens ont un certain talent pour le timing. Alors qu’on s’émeut des excès que certains d’entre eux commettent derrière des portes fermées, ils se décident à légiférer une fois de plus sur la prostitution pour, justement, fermer la porte aux excès.
Et alors que sont révélées au grand jour leurs parties fines, force est de constater que leurs analyses, elles, manquent de finesse : l’amalgame est fait entre la prostitution et tous les maux qui l’entourent, au point qu’on parle de la « proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel ». L’objectif est simple : « en finir avec le plus vieux métier du monde ». Pour un monde plus bisou, il faut en finir avec les bisous tarifés.
L’objectif est simple, voire simpliste : il est illusoire de penser faire disparaître le plus vieux métier du monde. La prostitution existerait dans le règne animal, notamment chez le pingouin et le chimpanzé. C’est une activité simple, demandant relativement peu de compétences, et répondant à une demande abondante générée par un instinct que tous n’ont pas l’envie ou la force de maîtriser ou la possibilité de satisfaire autrement.
Cette difficulté à satisfaire un instinct naturel chez certaines populations a d’ailleurs conduit Jérôme Guedj, président du Conseil Général de l’Essonne, à proposer l’étude d’une « assistance sexuelle »pour les personnes handicapées. Malgré toutes les précautions langagières pour ne pas apparenter l’assistance sexuelle à de la prostitution, il s’agit de rémunérer des prestations sexuelles pour favoriser « l’éveil et l’accompagnement à la sexualité » de personnes dépendantes. Ne parlons donc plus de prostitution, mais d’assistance sexuelle à personnes non handicapées, et le problème est réglé.
Enfin, pas tout à fait réglé : il faut veiller à ce que la prostitution demeure un échange librement consenti. Et pour cela, il n’y a rien de pire que de confiner la prostitution à l’illégalité. Si les prostituées sont vulnérables aux violences, les empêcher d’être protégées en interdisant le proxénétisme les rend plus vulnérables. Si les prostituées sont victimes de filières de traite d’êtres humains, rendre leur activité illégale renforce la menace et les moyens de pression qu’utilisent ces réseaux pour empêcher leurs victimes de les quitter. On ne peut faire disparaître la prostitution, et le meilleur moyen de protéger celles qui l’exercent est de leur permettre d’exercer cette activité librement. Si elles ont la possibilité de proposer leurs services en toute transparence, les prostituées seront plus en sécurité.
Pour les mêmes raisons, criminaliser la consommation et la vente de produits stupéfiants génère plus de risques pour leurs consommateurs et accroît le pouvoir des réseaux criminels. Demeurent les craintes et jugements moraux.
Notamment la crainte d’une « marchandisation du corps », dans l’idée qu’une activité qui n’a rien de mal en soi deviendrait mauvaise si elle est exercée contre rémunération. Idée qui touche aussi bien la gestation pour autrui que le don d’organes ou la prostitution, et que l’on pourrait tout aussi bien étendre au travail : en utilisant pendant un temps donné mon corps contre rémunération, ne serais-je pas chaque jour en train de m’adonner à la marchandisation de mon propre corps ?
La prostitution serait également immorale. Un client lubrique, le regard plein de vice, ayant pour seul but d’assouvir ses pulsions malsaines auprès d’une victime y perdant sa dignité dans un grand dévoiement de l’amour.
On pourra toujours arguer que les prostituées n’ont pas d’autre choix, et que leurs clients abusent de cette position comme un chef d’entreprise abuserait de ses employés en leur proposant de travailler les soirs et week-ends. Mais si les prostituées n’ont pas d’autre choix, à quoi bon leur interdire le seul choix dont elles disposent, et avec quelles conséquences ?
Et la victime n’en est pas une si elle est consentante. Le caractère dégradant de la prostitution, pour le consommateur ou le prestataire, est un jugement moral, et subordonner la légalité à la moralité est dangereux.
Ne pourrait-on d’ailleurs pas arguer que l’État-providence, qui transforme un bel et noble acte en contrainte, est un dévoiement de la solidarité ? Qu’il est profondément immoral ?
L’État-providence est à la solidarité ce que le viol est à l’amour. – @Jabial
On ne change pas les gens en leur interdisant certains comportements et en leur en imposant certains autres. Les hommes ne deviennent pas vertueux parce qu’on les y oblige, mais par choix. Encore faut-il qu’ils aient le choix.
Interdire et imposer, c’est réduire les choix disponibles pour chaque individu. Pornographie, drogues, prostitution : les citoyens sont responsables de leurs choix, qu’ils en soient fiers, en rougissent ou n’en aient rien à faire. Et ils doivent être libres.
La Grèce claque la porte à un Eurogroupe qui ne comprend plus cette stratégie suicidaire
La réunion de l’Eurogroupe s’est achevée lundi soir sur un échec. La Grèce rejette la proposition d’accord provisoire qui lui aurait donné les moyens de tenir jusqu’au nouveau programme d’aide. Les Européens ne comprennent plus la logique du nouveau gouvernement grec.
Le ministre grec de l’Économie a quitté la réunion de l’Eurogroupe en disant haut et fort que les propositions de l’Europe étaient absurdes, indignes et inacceptables. Les plus optimistes, comme Michel Sapin ou Pierre Moscovici, mettaient l’accent sur la possibilité d’un accord. Peut-être pas lundi certes, mais aujourd’hui ou mercredi. La majorité des autres ministres européens sont restés, eux, franchement pessimistes.
Sans accord, la Grèce ne tient que par des emprunts à très court terme et un taux très élevé.
En risque permanent de défaut de paiement. Qui dit défaut de paiement, dit sortie de l’euro, ce que les Grecs ne veulent pas parce qu'ils n’ont aucun intérêt à en sortir.
Au terme de cette réunion, personne ne voit comment trouver un compromis. En arrivant, les Grecs semblaient avoir fait des concessions importantes dans la mesure où ils ne demandaient plus une annulation de la dette. Ils ont même affirmé qu'ils pouvaient accepter 70% environ du programme actuel des réformes imposées par les créanciers.
Du côté de l’Eurogroupe, on a gommé des textes le terme de "troïka" dont les Grecs ne veulent plus entendre parler pour le remplacer par celui d’ "institutions". Ceci dit, les Grecs savent bien qu’il s’agit des mêmes acteurs : le FMI, la BCE et la Commission européenne. Il n’y pas d’autres solutions pour monter des financements.
Après des heures de discussions, Yanis Varoufakis est revenu en arrière. Juste au moment où il apprenait qu’il y avait encore 30.000 Grecs qui manifestaient dans les rues pour réclamer des actes de résistances pour refuser le maintien du FMI. Il n’a donc pas cédé.
Les Européens ont, eux, des exigences très simples. Ils demandent qu’Athènes termine la mise en œuvre des mesures de redressement qui étaient attachées au deuxième plan d’aide, quitte à le prolonger un peu après le 28 février pour laisser du temps afin de préparer le 3è plan.
Sur ce troisième plan, les Européens sont prêts à réaménager les calendriers de remboursement, ils sont prêts à abaisser les normes budgétaires. Ils restent cependant inflexibles sur l’impossibilité d’annuler les dettes : c’est évidemment incontournable.
L’Europe demande aussi la mise en œuvre d’une réforme fiscale qui reviendrait à créer des impôts et à stopper l’évasion fiscale. La réalité, c’est que les Européens ne veulent pas laisser Alexis Tsipras mettre en œuvre la totalité de son programme et ainsi mette fin à 5 années de gestion budgétaire qui porte ses fruits.
La croissance grecque pourrait être de 2,5 % en 2015 avec une reprise de l’emploi. A partir de là, tout est possible. Sauf qu'actuellement, tout est bloqué pour des raisons strictement politiques. Le gouvernement grec est soutenu par 30.000 grecs qui sont tous les soirs dans la rue. Les gouvernements européens ne peuvent pas offrir aux Grecs ce qu'ils refusent à leur opinion publique depuis des années.
L’Allemagne que l'on avait tellement critiquée et l’Europe du Nord, ont retrouvé la croissance et l’emploi. L’Europe du Sud, L’Espagne, l’Italie et le Portugal vont beaucoup mieux. La Grèce aussi. Reste la France où la croissance est absente, où le chômage continue de croitre. C’est aussi le pays où la rigueur budgétaire a été la moins appliquée.
Loi Macron et frondeurs: le révélateur d’un socialisme obsolète
Il a donc fallu 110 heures pour examiner cette loi Macron que le chef de l’Etat lui-même assure ne pas être « la loi du siècle ». Pourquoi tant de temps ? Version positive : parce que le ministre de l’Economie s’est livré à un exercice inédit de « coproduction législative », qui trouvera une majorité. Version plus alarmante : parce qu’Emmanuel Macron a dû affronter corporatistes, conservateurs et idéologues de tous poils. Des députés au parcours de parfaits apparatchiks ont ainsi pu faire la leçon à un ministre qui cumulait le double « handicap », selon eux, de s’être colleté au monde économique et de ne pas être élu...
C’était assez pour le taxer de libéralisme outrancier, le suspecter de consumérisme débridé, l’accuser de liquider le modèle français et, au final, de détruire des emplois au prétexte d’en créer.
Voilà sans doute le plus inquiétant. A rebours de toutes les réformes votées en Europe et malgré 5,5 millions de chômeurs, les frondeurs ont trouvé des relais, jusqu’au sein de la droite, pour reprendre leur logorrhée passéiste. Comme si la France restait persuadée que le travail, denrée rare, doit être réglementé, contingenté, contrôlé, surprotégé et surtaxé. Comme si la concurrence, l’innovation, la prise de risque et le succès devaient être considérés avec suspicion car échappant au carcan égalitariste de l’Etat.
Cette vision obsolète a poussé le ministre à la prudence. Trop, bien sûr. Mais si elle ne va pas assez loin, la « loi croissance » a eu au moins le mérite de raconter une réalité différente du déni habituel. En filigrane de ses articles, on comprend qu’à trop protéger, on asphyxie ; qu’à trop complexifier, on bride ; qu’à trop légiférer, on étrangle. Une loi Macron II, vite !
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