jeudi 18 septembre 2014
Le combat exemplaire de 595 femmes de ménage grecques et la solidarité sans frontière
Depuis un an, tous les jours, un collectif de 595 femmes de ménages se bat et manifeste en Grèce pour la dignité, avec un soutien national et international croissant, des messages venant du monde entier, de Ken Loach par exemple. Elles ont été licenciées en septembre 2013 par leur employeur public, le Ministère des finances, sous la pression de la Troïka exigeant de fortes réductions de l’emploi public et des privatisations partout.
Peu importe que cette activité, désormais confiée à des sous-traitants privés, coûte presque aussi cher que les salaires de ces femmes, la rationalité économique est elle aussi battue en brèche au profit… des profits privés et de l’idéologie du « moins d’Etat ». Sans parler du fait que le secteur privé du nettoyage est, en Grèce, une sorte de mafia, très réputée en matière d’évasion fiscale… Au fond, la dette n’est pas le problème de ces « réformateurs ». Leur objectif est bel et bien une révolution conservatrice au service exclusif des grands intérêts privés. La dette est même devenue pour eux une formidable opportunité !
Ces femmes de ménage ont pourtant introduit et GAGNE un recours en justice mais, pour l’instant, le gouvernement n’en a cure. Il attend le verdict de la Cour suprême, dans quelques jours, le 23 septembre.
Ces femmes sont devenues un symbole de la résistance à une « occupation » économique et politique de la Grèce au nom d’une dette largement illégitime, propulsée vers le haut, encore aujourd’hui, par les politiques d’austérité menées depuis 2008-2009.
Qui plus est, ce sont des femmes qui luttent, des femmes occupant des emplois de service considérés, à tort, comme subalternes. Les femmes sont partout les premières victimes de l’austérité et de la démolition des services publics. Victimes comme salariées, et victimes comme principales bénéficiaires, de fait, de nombreux services publics ou associatifs : soin, éducation, petite enfance, personnes âgées, etc.
Le gouvernement actuel, bras armé de la Troïka, a sans doute estimé qu’il ne courait pas de grands risques en s’en prenant aux plus faibles, aux « classes inférieures », des femmes payées autour de 400/500 euros par mois, jugées non qualifiées voire pas très intelligentes, susceptibles donc d’accepter les salaires de misère proposés par les sous-traitants : environ la moitié de leur salaire actuel, sans protection sociale digne de ce nom. Il s’est lourdement trompé.
Ces femmes, qui ont entre 45 et 57 ans, avec une proportion importante de mères élevant seules leurs enfants, de divorcées, de veuves ou de femmes de chômeurs, souvent surendettées elles-mêmes, ou devant s’occuper de personnes handicapées et de parents âgés, sans accès à une retraite anticipée, ont pourtant décidé de prendre en mains les choses, et leur propre vie. De mener leur lutte de façon autonome, d’inventer des formes d’action nouvelles en faisant quotidiennement un « mur humain » dans la rue (photo), en face de l’entrée du Ministère place Syntagma, un symbole de résistance. En imaginant avec intelligence et succès d’innombrables façons de se faire voir et entendre, d’obtenir un large soutien populaire. Avec, en face, régulièrement, un déploiement de forces de police n’hésitant pas à les brutaliser. Car, pour le gouvernement et la Troïka, c’est insupportable. Il faut au plus vite… faire le ménage.
Leur combat a une très grande portée, bien au-delà de la Grèce. Il va se poursuivre et je vous en informerai.
PS. Je me suis inspiré pour certains passages de ce texte d’un article en anglais de Sonia Mitralia, militante grecque membre de « l’initiative des femmes contre la dette et l’austérité ». Voir ce lien.
La réforme en tranches
La réforme en tranches
Drôle de moment pour la quatrième grande conférence de presse de François Hollande. Le chef de l'État doit-il dire effectivement merci pour ce « drôle de moment » à Manuel Valls, qui a prononcé deux jours plus tôt son discours de politique générale, et à Nicolas Sarkozy qui va officialiser, vendredi ou ce week-end, son retour en politique ? Une chose est sûre, ainsi prise en sandwich, l'intervention élyséenne va forcément perdre en impact. Pour lui donner du relief, il faudrait que François Hollande se réserve un retentissant effet d'annonce. Difficile à imaginer, maintenant que Manuel Valls a décidé de faire des risettes aux « sans-dents » à travers une réformette fiscale totalement improvisée et une aumône « exceptionnelle » aux petits retraités.
Alors, que pourrait faire François Hollande ? Se poser en meneur international de la lutte antiterroriste ? Il ne manquera pas de le faire mais ne doit pas en attendre un relèvement de sa cote ! Devra-t-il s'employer, en réponse aux inévitables questions, à évoquer ses ennuis domestiques ? Qu'il ne s'attende pas non plus, même en disant sa « blessure », à une commisération populaire.
Non ! Ce qui intéressera les Français, c'est une clarification définitive sur une politique demeurant brouillonne dans sa mise en 'uvre. Sur ce plan, les dernières heures ont été révélatrices. Que d'annonces confuses et que de bavardages intempestifs. On pense bien sûr aux propos incontrôlés du « petit génie » de l'économie, Emmanuel Macron, blessant les « illettrées » de Gad et évoquant sans tabou une « France malade » qui doit se réformer en urgence.
On aimerait savoir si François Hollande, qui va encore une fois évoquer la grandeur de notre pays, partage cette analyse décliniste. On aimerait savoir si, après le plaidoyer étatiste de Manuel Valls devant l'Assemblée, le social-libéralisme est dans l'impasse ? On voudrait savoir enfin si François Hollande, qui estime « avoir du temps pour changer les choses », après le vote de confiance, va de nouveau temporiser et s'accommoder, comme sur les impôts, de la réforme en tranches.
Le projet de loi Cazeneuve, ou comment s’adapter au nouveau terrorisme
Une analyse de trois aspects du projet de loi présenté par le ministre de l’intérieur pour combattre le terrorisme.
L’Assemblée nationale a commencé, le 15 septembre 2014, à débattre du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, projet présenté par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve. Observons qu’il n’y aura qu’un seul débat et un seul vote, puisque ce projet fait l’objet d’une procédure accélérée.
Comme souvent en matière de terrorisme, le projet de texte est avant tout réactif. Il vise à adapter la législation aux nouvelles menaces, c’est-à-dire aux nouvelles formes que prend le terrorisme, notamment celui issu de l’Islam le plus radical. Parmi les dispositions de ce projet, trois mesures particulièrement importantes, et médiatisées, illustrent cette démarche.
L’entreprise individuelle de terrorisme
Pendant bien longtemps, les systèmes juridiques occidentaux se sont battus contre des nébuleuses terroristes, des petits groupes se revendiquant souvent de différentes mouvances, d’Action Directe à Al Qaida. À l’époque, le droit avait d’ailleurs créé le délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, délit codifié dans l’article 421-2-1 du code pénal. Ce délit a rendu de grands services en permettant l’arrestation des individus concernés avant qu’ils n’aient commis un acte irrémédiable, c’est-à-dire au moment de sa préparation.
Aujourd’hui, la menace terroriste peut aussi prendre la forme de l’agression d’un individu isolé comme Mohamed Merah ou Mehdi Nemmouche. Le projet de loi, dans son article 5, prévoit la création d’un nouvel article 421-2-6 du code pénal ainsi rédigé : « Constitue également un acte de terrorisme, lorsqu’il est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur, le fait de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui (…) ». Cette notion d’ »entreprise individuelle » permet donc, comme en matière d’association de malfaiteurs, d’interrompre le processus de préparation de l’acte de terrorisme.
Cette disposition est sans doute la moins contestée du projet de loi, d’autant que son champ d’application demeure limité aux cas les plus graves. Sont ainsi visés l’achat ou la fabrication d’armes et de substances toxiques ou explosives, c’est-à-dire des démarches très concrètes manifestant un commencement d’exécution d’un projet terroriste. En revanche, le fait de fréquenter des sites radicaux sur internet ou même de récolter des fonds n’entre pas dans cette « entreprise individuelle ».
L’interdiction de sortie du territoire
Le terrorisme islamique a aujourd’hui un certain nombre de sanctuaires territoriaux, en particulier en Syrie. Le ministère de l’intérieur évalue ainsi à 950 le nombre de jeunes Français partis dans ce pays pour participer aux combats et se former aux méthodes terroristes. La menace est double car ces combattants, non seulement vont grossir les rangs d’une armée djihadiste, mais risquent aussi de revenir dans notre pays parfaitement formés pour y développer une action terroriste.
Le projet de loi s’efforce de lutter contre ces départs en instaurant une interdiction de sortie du territoire. Elle sera appliquée par une simple décision administrative « dès lors qu’il existe des raisons sérieuses de croire » que la personne visée « projette des déplacements à l’étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ou « sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ».
Cette mesure est davantage discutée que la précédente. Sa durée, tout d’abord, suscite des débats à l’Assemblée, les parlementaires UMP souhaitant que l’interdiction soit prononcée pour une durée d’un an alors que le projet ne prévoit qu’une durée de six mois, éventuellement renouvelable. Surtout, une partie de la droite souhaite l’adoption d’un dispositif existant déjà au Royaume-Uni, permettant de déchoir de leur nationalité française les binationaux. Les amendements en ce sens ont cependant bien peu de chances d’être votés.
La propagande terroriste sur internet
La dernière caractéristique des mouvements terroristes d’aujourd’hui réside dans le fait qu’ils maîtrisent parfaitement les instruments de communication, et notamment internet. Le réseau constitue à la fois un instrument de recrutement et de formation.
Sur ce point, le projet de loi confère à l’autorité administrative compétence pour exiger le blocage des sites internet faisant l’apologie du terrorisme, selon un dispositif largement inspiré de ce qui existe pour les sites pédopornographiques. Concrètement, l’administration demandera à l’hébergeur le retrait du contenu illicite, retrait qui devra intervenir dans les 24 heures.
Cette disposition est sans doute la plus contestée du projet de loi. Les professionnels d’internet, tout d’abord, ont trouvé quelques relais au Parlement pour faire connaître leur opposition. Ils y voient le retour du délit de consultation habituelle de sites internet faisant l’apologie du terrorisme, délit que Nicolas Sarkozy avait annoncé vouloir introduire dans le code pénal, après l’affaire Merah. Il n’en est rien pourtant car ce n’est pas celui qui consulte qui est visé mais seulement les responsables du site. Les opposants à cette disposition insistent aussi sur son inefficacité et il est vrai qu’un site bloqué peut immédiatement créer des sites miroirs qui demeurent consultables. Au demeurant, la procédure risque d’être très difficile à mettre en œuvre lorsque le site est hébergé à l’étranger.
La critique essentielle formulée à l’égard de cette disposition est cependant de nature juridique et porte sur la place importante attribuée à l’autorité administrative, au détriment du juge. Certes, le juge administratif peut être saisi a posteriori d’un recours contestant la légalité de la mesure prise, voire d’une demande de référé pour en obtenir la suspension. Mais la décision elle-même demeure purement administrative alors qu’il s’agit toujours de porter atteinte à une liberté publique, liberté de circulation pour l’interdiction de sortie du territoire, liberté d’expression pour le contrôle d’internet. De telles mesures peuvent être prises, et sans doute doivent-elles l’être, mais l’article 66 de la Constitution énonce que l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Ne conviendrait-il pas de restituer au juge judiciaire la compétence qui est la sienne ? Puisque la France a fait le choix de se doter de juges spécialisés dans la lutte contre le terrorisme, il serait sans doute possible de leur attribuer des compétences qui complètent logiquement celles dont ils disposent déjà.
L’imputrescible déficit des comptes de la Sécurité sociale
Bon, pour l’État, c’est dit, on va avoir de l’action, de la réforme, du changement même, c’est Valls qui le dit, et Valls, il fait des trucs avec ses petits bras musclés agités de façon spasmodique aux tribunes républicaines, donc, c’est que c’est du solide : tiens, on va sucrer une tranche d’impôt (peut-être), ce qui va mécaniquement améliorer les finances du pays. Voilà. Ça, c’est fait. Maintenant, le problème de l’État français enfin résolu, il reste celui des déficits chroniques de la Sécurité Sociale. Ne vous inquiétez pas, le gouvernement va aussi s’en occuper.
Pour cela, il a été très très clair en se fixant des objectifs finement étudiés, comme celui d’équilibrer les comptes d’ici à la fin du mandat de François Hollande, en 2017. Et chacun s’est donc mis au travail, en retroussant son collier et en donnant un coup de manches (ou l’inverse, peu importe), afin de remettre un peu d’ordre dans le bazar fumant qu’avait laissé la méchante droite. Et petit à petit, les dettes ont disparu … Ah euh non, les nouveaux déficits ont seulement rétréci, diminuant de 7 milliards en 2011, puis 3.5 milliards en 2012 puis 3.1 en 2013, pour s’y établir à 16 milliards, ce qui représente tout de même une somme assez coquette par les temps qui courent, mes petits amis. Mais ne nous formalisons pas : ce qu’il faut retenir, c’est que s’ils continuent de s’empiler, ils s’empilent moins vite, dans la bonne humeur et l’huile de coude d’un gouvernement tout attelé à la tâche.
Ah et puis zut, voilà que ces rabats-joie de la Cour des Comptes n’ont rien trouvé de mieux à faire que d’encore sortir l’un de ces épais rapports dont ils ont le secret et que personne ne lit. Flûte à la fin, alors que nous touchions au but et que régnait la sérénité que seule permet la certitude d’atteindre le but qu’on s’est fixé, poum, voilà le gouvernement tout embarrassé : avec l’inflation qui refuse de se redresser productivement, les comptes sont dans le rouge et ne font rien pour montrer leurs meilleurs atours. Et le pire n’est pas que ces comptes sont déficitaires (oh zut) encore une fois (oh zut) et au moins autant que l’année passée (oh zut), mais bien que, dans son rapport, la Cour estime que l’objectif fixé pour les dépenses d’assurance-maladie n’était pas assez rigoureux. Franchement, voilà qui est fort méchant pour un gouvernement (de combat) qui s’est tant donné pour arriver à ces résultats (grandioses) et qui se félicitait même de n’avoir cessé de faire ralentir la progression de la dépense en affichant toujours des déficits moins gros que leurs gargantuesques prévisions. Malheureusement, la Cour ne l’entend pas de cette oreille :
« Le taux de progression provisoire de l’ONDAM exécuté s’établit à ce stade en 2013 à +2,4%, comme celui annoncé en 2012 à la même période, ce qui traduit un coup d’arrêt dans le ralentissement des dépenses constatées ces dernières années. (…) Les dépenses d’assurance-maladie ont ainsi augmenté deux fois plus vite en 2013 que le PIB en valeur. »
C’est vraiment trop injuste. Non seulement l’inflation ne veut pas leur venir en aide, mais les dépenses continuent de croître plus vite que prévu, et plus vite que le PIB. Ce n’est vraiment pas la fotogouvernement.
Bon, soit, ce n’est pas totalement faux : le gouvernement actuel n’est pas entièrement responsable de la dérive constatée, qui est aussi le résultat de l’entêtement de tant de politiciens passés à maintenir le système en marche, par tous les moyens, et ce, quel qu’en soit le prix. En réalité, l’institution a, depuis longtemps, échappé à tout réel contrôle politique, et continue donc de faire du gras, dirigé par des organisations parasitaires syndicats tout-puissants qui entendent continuer à se servir la soupe tant qu’ils le pourront. Et lorsque la Cour des Comptes préconise quelques voies d’améliorations (au niveau des génériques, en modifiant la façon dont sont gérées les urgences, par exemple), tout le monde sait que la bataille qui devrait s’engager pour obtenir ces réformes est tellement dantesque qu’elle a épuisé, rien que d’y penser, les pauvres ministres qui se débattent déjà âprement dans les tourments d’une crise à laquelle ils ne comprennent plus rien depuis longtemps.
D’ailleurs, imaginez-vous vraiment ces braves bonshommes, rassemblant leur courage (à la pince à épiler) pour tenter de réduire les émoluments versés aux directions des cadres de la Sécu, dont on apprend qu’ils sont pourtant plus que roboratifs ou que leurs plafonds ne sont pas toujours respectés ? Non, vraiment, la lutte contre les déficits ne peut pas tout motiver, voyons…
Et cette imputrescibilité des déficits constatés commence à provoquer des problèmes.
Bien sûr, il y a le petit souci qu’une fois les déficits constatés, il faut tout de même payer les personnels, rembourser les malades qui ont cotisé, et tenter de reboucher les trous. Très concrètement, cela veut dire, d’une façon ou d’une autre, accroître les cotisations, diminuer les prestations ou faire des emprunts. Comme la diminution des dépenses est, on l’a vu, un problème aussi épineux qu’électoralement miné, on pourrait tenter de se rabattre sur l’augmentation des cotisations. Cela pose un souci grandissant : d’augmentation en augmentation, de tabassage social en bastonnade fiscale, le coût du travail en France est devenu tellement prohibitif qu’on pourrait se dire qu’il y a là une des raisons au chômage endémique dans le pays, et qu’il serait dangereux de l’augmenter encore. D’ailleurs, une récente étude (qui sera évidemment qualifiée d’ultra-néo-libérale, mensongère et caricaturale) du cabinet d’audit et de conseil BDO semble abonder en ce sens.
Enfin, si on ne peut pas réellement diminuer les dépenses ni augmenter les cotisations, il va donc falloir se résoudre à emprunter ce qui manque. Or ça, on le comprend, ça ne peut durer qu’un temps. Financièrement parlant, la France est déjà en situation délicate et tout nouvel emprunt précarise encore un peu plus l’ensemble des institutions qui en croquent. Dans la bouche de Migaud, le président de la Cour des Comptes, cela se traduit par cette phrase :
« La permanence des déficits sociaux est pernicieuse. Elle ronge comme un poison à effet lent la légitimité même de notre système de Sécurité sociale. »
Et là, ce problème dépasse largement le cadre financier puisqu’il touche à l’idéologique. De plus en plus de personnes se demandent où passent les piscines, que dis-je, les montagnes entières d’argent englouties dans un système dont le service rendu ne cesse de décroître en qualité et en quantité. De plus en plus d’assurés commencent à comprendre, encore confusément mais tout de même, que les 157 milliards (oui oui, 157 milliards) d’euros de dette sociale accumulée jusqu’à présent pèsent avant tout sur ces générations futures dont on ne se gargarise exclusivement que lorsqu’il s’agit d’emmerder le consommateur-pollueur-payeur. Et ils commencent à comprendre qu’en fait de soins et de couverture sociale, les générations futures auront droit à un magnifique bras d’honneur laissé par cette tripotée d’adulescents incapables d’équilibrer un budget, mais très capables de se constituer de solides fortunes personnelles.
Dès lors, comment s’étonner que, parmi cette foule grossissante de personnes voyant chaque mois la facture sous forme de cotisations sociales, certains individus choisissent, consciemment, d’arrêter les frais ? Comment ne pas comprendre que les trous constatés ne peuvent pas être suffisamment expliqués par une fraude qui démontre surtout les limites d’un système redistributif, sans contrôle, et depuis trop longtemps l’objet de manœuvre politiques et sociales ?
Combien de personnes ont, en effet, choisi de quitter qui le pays, qui le travail déclaré, qui les organismes sociaux étatiques, de façon légale ou pas, pour échapper enfin au sentiment de gâchis immense qui s’empare de celui qui, lucide, regarde la réalité en face ?
Les expatriés sont de plus en plus nombreux, et ce ne sont pas les plus oisifs qui partent. Le travail non déclaré, en pleine explosion, très délicat à traquer tant il se niche dans les plus petits recoins du quotidien, représente une fortune qui disparaît du radar social. Et ceux qui ont entamé, et réussi, les démarches pour quitter la Sécu et s’assurer auprès d’organismes privés (que ce soit les frontaliers ou, de façon grandissante, les professions libérales excédées des exactions du RSI) ferment la marche de cette génération qui en a eu assez de se faire spolier.
La Cour des Comptes peut bien, comme à son habitude, pointer du doigt les gabegies, gaspillages et problèmes structurels qu’il faudrait résoudre pour rétablir un peu de cohérence à l’ensemble. Elle peut bien espérer que ses conseils redonneraient quelques années à un système à bout de souffle. Mais la réalité est impitoyable, et tous les petits chatons mignons de ce billet n’y changeront rien : le système collectiviste d’assurance maladie empile les dettes, par nature. Par nature, il déconnecte ceux qui payent de ceux qui bénéficient et est donc voué à l’échec. Et par dessus le marché, comme tous les autres rapports, celui-ci sera lu, commenté, et aussi vite oublié.
Dès lors, aucun doute : ce système est foutu.
Encore un illettré?
Encore un illettré ?
Il n’y a pas que les tranches d’impôts et les réformes forcément dites « de structure » dans la vie. Les petits tracas sont le lot de chacun. Le chef du parti socialiste, M. Cambadélis, par exemple vient d’être accusé par un journaliste de « Mediapart » d’avoir soutenu une thèse universitaire sans avoir tous les diplômes requis. Ce qu’il dément en jugeant sobrement : « C’est du très grand n’importe quoi ». On verra ce que l’avenir réserve à cette polémique. Mais elle fait déjà froid dans le dos tant elle témoigne de la cruauté de ce monde. Avec les déficits qui s’aggravent, le chômage qui monte et les ministres qui fraudent, nous avons pourtant notre lot de soucis. Alors apprendre en plus que le parti au pouvoir est dirigé par un illettré, comme dirait M. Macron !
Du droit des peuples à s’illusionner eux-mêmes
Du droit des peuples à s’illusionner eux-mêmes
Forgé il y a un siècle pour justifier le démantèlement des Empires austro-hongrois et ottoman, consacré par la décolonisation, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes va-t-il trouver ses limites dans l’Europe du XXIe siècle ? Le Royaume Uni, pierre angulaire de la sécurité européenne depuis au moins un siècle, est menacé d’éclatement, et l’effet domino risque d’emporter une partie du continent. Or, c’est une utopie de croire que l’Europe pourrait devenir une série de micro-Etats homogènes sur les plans culturels et ethniques, qui commerceraient les uns avec les autres dans la paix et la sérénité. Le potentiel déstabilisateur d’une série de sécessions régionales ne doit pas être sous-estimé.
On peut gloser sur les responsabilités de cette impasse : la mondialisation qui favorise le réveil des identités et le repli sur soi ; Bruxelles qui a joué les petits Etats contre les gros et les régions contre les capitales ; les gouvernements nationaux qui n’ont pas su gérer les forces centrifuges ; les régions riches à l’identité culturelle forte qui ne veulent plus payer pour les moins bien loties. Tout cela s’explique.
Il reste que le moment est bien mal choisi pour remettre en cause l’ordre européen. Car le monde dans lequel nous vivons n’a probablement jamais été aussi dangereux depuis la fin des années 30. Entre une Russie en quête désespérée de sa puissance perdue, un Moyen-Orient proche du point de fusion, un Sahel en pleine déliquescence, comment l’Europe pourrait-elle imaginer baisser la garde et s’en sortir sans dommages ? Le fait que tout cela ne suscite pratiquement aucune réaction de nos gouvernants est préoccupant. Il ne reste plus qu’à s’en remettre à la sagesse des peuples, en espérant qu’ils choisiront la sécurité et la prospérité, et donc la liberté, contre l’égoïsme, le communautarisme et l’illusion.
Un périple autour du monde. Le douanier, ce héros
Parce qu’un con qui marche va toujours plus loin qu’un intellectuel assis, deux frères sont partis sur les routes depuis de longs mois, traversent les frontières, les villes et les campagnes à l’occasion d’un tour du monde à durée indéterminée, sans casques ni golden-parachutes. Au fil de leur voyage, ils livrent leurs impressions sur des expériences qui les ont marqués.
Aujourd’hui, leur regard s’arrête sur le rôle des douaniers.
S’il est un personnage avec qui l’on ne peut faire sans pendant un tour du monde, c’est bien le douanier. Fidèle au poste, épaulettes lustrées, sa silhouette ne souffre aucun doute : il est temps de montrer patte blanche. Grâce à lui, le passage d’une frontière terrestre est systématiquement un moment particulier, une tradition attendue, redoutée pour certains, comiques pour d’autres.
Il y a de moins en moins à dire sur l’Europe. En ce qui nous concerne, les douanes italiennes et slovènes n’étaient déjà plus, à peine marquées d’une plaque commémorative ou d’un poste frontière à l’abandon. Que sont devenus ces fiers gardiens intra-Shengen ? Reclassés aux archives ?
Non loin de là, le douanier croate continuer d’œuvrer avec sérieux et se contente du traditionnel coup de tampon, 10 secondes top chrono. Le Bosniaque fait dans l’économie d’encre quand le Serbe sort les bottes et le révolver d’apparat, toujours dans un rôle de cow-boy tamponneur. Le Roumain, plus sérieux, demande si vous ne seriez pas à tout hasard en train de tenter de passer un produit illicite à vélo et vous croit sur paroles. Ouf ! Quel fin limier ! Le Moldave insiste pour savoir où vous habitez, précisément. Même si le village dont il n’entendra plus jamais parler ne correspond plus aux renseignements du passeport. Nouvelle leçon de douane : une fausse information vaut parfois mieux que pas d’information. Vous pouvez dire à peu près n’importe quoi à un douanier, il est rarement assez professionnel pour vérifier vos dires. Cette règle ne semble pas s’appliquer aux chauffeurs poids-lourds dont les véhicules forment systématiquement une longue file d’attente de plusieurs heures dans le meilleur des cas, et entraînant les coûts qu’on peut imaginer…
Le douanier de Transnistrie a vu en nos passeports deux bonnes raisons de prendre un peu sur son temps précieux et de nous questionner entre deux wagons, à l’abri des regards innocents. Ainsi, après nous avoir signalé que nous n’étions pas en règle en l’absence de tampon de sortie moldave (la Moldavie ne reconnaît pas cet État et considère que nous n’avons pas quitté le territoire…), il nous est demandé un « small present » pour récupérer nos papiers juste avant que le train reparte. Cinq euros seront nécessaires pour tuer dans l’œuf ce flux migratoire illégal. La Transnistrie remercie son héros.
En Russie, c’est un silence de mort qui accompagne la montée des agents tamponneurs dans un wagon, indiquant que la crainte de l’uniforme ne s’est pas effondrée avec le reste. Malgré leur contrôle rigoureux, notre fausse invitation pour rentrer en Russie ne les intéresse pas, ils espèrent sans doute attraper de plus gros poissons. En Mongolie, on ne transige pas avec la quarantaine. Il faut acheter un ticket au but incertain sous peine de ne pas revoir la couleur du passeport. Ou alors, la tentation de défier un douanier est plus forte que vous, et vous décidez de patienter 2h pour économiser 50 centimes, le temps qu’ils craquent. C’est parfois une question de principe. Cette règle est valable pour la plupart des pays d’Asie du sud-est, notamment Laos et Cambodge.
La frontière chinoise fut sans doute la plus éprouvante. Obligés de traverser en jeepdans un style plus proche du stock-car que de l’embouteillage, le passage au compte goutte nous fera perdre près de cinq heures pour scanner nos sacs. Tous les faux documents fournis à l’ambassade (attestation de travail, billets d’avion, preuves d’hébergement) ne sont en rien responsables de ces délais puisque rien n’a été vérifié. Il aurait pourtant suffi d’un coup de fil à n’importe quel hôtel mentionné ou plus simplement de lire pour voir que la signature de Barrack Obama ne correspondait pas au nom de mon supérieur, Gérard Bouchard.
Le douanier Viet est le plus « arrangeant » de tous. Il s’improvise banque d’échange de devises en un éclair, à un taux défiant toute concurrence. Il connaîtra du même coup le montant dont vous disposez, afin de régler les différents frais dont le calcul des charges reste à sa discrétion. Dans le doute, ne jamais avoir un seul centime en poche. Officiellement. Et faire semblant de ne pas comprendre les petits papiers plein de chiffres que l’on vous tend.
Enfin, il est une question commune à l’ensemble des douaniers : « pourquoi venez-vous chez nous ? » comme si la réponse conditionnait votre entrée sur le territoire alors qu’il est en train de parcourir votre « visa touristique ». Pour le logement, un nom d’hôtel bidon, voire un nom de ville au hasard suffit a priori à contrôler vos déplacements. Et l’Australie possède aussi des coutumes bien à elle.
Voici donc le rôle déterminant du douanier, que nous aurons vu berné par un simple chauffeur de bus chinois, dissimulant des téléphones portables sous le faux plancher, qui crée des files interminables de poids-lourds, ralentit les transports, entraînant des coûts dont tout le monde se passerait bien. Le gardien des frontières, premier rempart contre les invasions de toutes sortes, a-t-il un seul avantage ? Que gagne-t-on à voir nos passeports coloriés ? À devoir répondre aux questions les plus imbéciles ? À perdre des heures, des jours, à attendre qu’un tamponneur veuille bien accepter que nous poursuivions notre route ? Connait-on un seul trafic qui ait cessé grâce à ces héros en uniforme ?
Il y a plus d’un siècle, Bastiat avait déjà senti l’arnaque (et encore, en supposant le douanier honnête) :
Vraiment, je me demande comment il a pu entrer assez de bizarrerie dans nos cervelles pour nous déterminer à payer beaucoup de millions dans l’objet de détruire les obstacles naturels qui s’interposent entre la France et l’étranger (NDR : construction de routes, chemins de fer, ponts, etc.), et en même temps à payer beaucoup d’autres millions pour y substituer des obstacles artificiels qui ont exactement les mêmes effets, en sorte que, l’obstacle créé et l’obstacle détruit se neutralisant, les choses vont comme devant, et le résidu de l’opération est une double dépense.
Contre les envahisseurs, la France avait Maginot, le monde a ses douaniers.
Les 5 vraies questions auxquelles François Hollande doit répondre
François Hollande n’a plus rien à perdre. Il est tombé au fond des sondages, il n’a toujours pas de résultats, les agences de notation sont sur son dos, les européens ne comprennent plus rien et, au final, François Hollande n’a plus de majorité parlementaire. Cerise sur le gâteau, il a perdu le vrai pouvoir qui est maintenant à Matignon.
Le président de la République ne pourra pas faire toute sa conférence de presse sur la politique étrangère, le seul et le dernier domaine de la gouvernance où il a encore quelques initiatives et quelques résultats.
Il ne pourra pas d’autant que l’opinion publique et la classe politique l’attendent sur les dossiers domestiques. Mais que dire après la communication fleuve de Manuel Valls cette semaine. Que dire après les mises en cause personnelles et le cafouillage du remaniement. Autant d’évènements lamentables qui ont hypothéqué la rentrée.
Dans une situation aussi désespérée, il pourrait au contraire tout se permettre, jouer son va-tout. Si sa nature profonde est de conduire la gauche et la France sur les routes de la sociale démocratie, à l’Allemande ou à l’Anglos- saxonne. C’est en plus ce que souhaitent une grande majorité des français et la quasi-totalité du monde des affaires.
Dans ce cas-là, il pourrait enfin y aller. Voilà les questions auxquelles il devrait répondre sans ambiguïté pour avoir une chance de reprendre une partie de la confiance perdue.
1ère question, expliquer clairement pourquoi il a fait une campagne présidentielle avec autant de mensonges et de contrevérités. Méconnaissait-il la réalité de la situation à ce point ? Pourquoi ne pas l’avoir dit plutôt que de promettre monts et merveilles. L’époque où les hommes politiques achetaient leur voix est révolue. Le savait-il ?
2ème question, expliquer clairement quelle peut être la place de la France dans la mondialisation. Que faire pour affronter cette globalisation qui peut nous asphyxier si l’on continue de s’en cacher par du protectionnisme stérile.
3ème question, expliquer clairement une conviction forte en faveur de l’innovation et de l’intelligence. Si l’avenir est la politique de l’offre, il faut dire que l'on fera tout pour faciliter cette logique d’offre.
4ème question, expliquer clairement qu'il faut défendre l’économie de marché, le seul système dans le monde capable de créer de la richesse. Expliquer quel doit être le rôle respectif de l’État et du privé.
5ème question, expliquer clairement qu’il nous faut travailler à l’unification fédérale européenne. Seule et dernière aventure à proposer aux jeunes générations.
Mes confrères commentateurs de la politique diront que s’il développe un tel discours, il se suicide, il se tue. Mais n’est-il pas déjà mort ? Il n’a plus rien à perdre, autant qu’il dise la vérité des faits et des chiffres. Le temps des promesses est révolu. Définitivement. Pour la gauche, mais aussi pour la droite.
Un périple autour du monde : l’arrogance administrative française s’exporte bien
Parce qu’un con qui marche va toujours plus loin qu’un intellectuel assis, deux frères sont partis sur les routes depuis de longs mois, traversent les frontières, les villes et les campagnes à l’occasion d’un tour du monde à durée indéterminée, sans casques ni golden-parachutes. Au fil de leur voyage, ils livrent leurs impressions sur des expériences qui les ont marqués.
Aujourd’hui, l’ambassade française de Wellington, Nouvelle-Zélande.
Présents à 10h15 pour notre rendez-vous de 10h30, nous n’avons pas été surpris d’être reçus à plus de 11h. C’est même un moindre mal pour une administration. La demande de renouvellement de notre passeport ne sera qu’une simple formalité administrative. Du moment que l’on suit bien toutes les consignes des Cerfa, tout se passe généralement bien. Généralement.
C’est aussi ce qu’a dû penser un ressortissant indien qui avait fait le voyage de Christchurch à Wellington, 600km, 200$ minimum d’avion aller-retour, avec son amie (400$ donc) spécialement pour sa demande de visa (car il faut se rendre sur place…). Ses vacances étaient planifiées, son tour booké, il avait préalablement téléphoné pour confirmer que tout était en règle avec ses documents. Ne lui manquait plus que le précieux sésame qui lui sera délivré rapidement par un personnel dévoué à offrir un service impeccable à ses clients usagers.
Couac
Nous ne prêtons d’abord pas attention au dialogue mais le niveau d’anglais catastrophique du préposé aux visas nous fait rapidement tendre l’oreille. Derrière son guichet, Jérémy Parant tente de communiquer avec un Indien à l’anglais fluent. Les mots sortent difficilement, et entrent très peu. « Do you understand ? » « No »
N’étant pas doué pour les langues, je ne peux pas trop me vanter mais je ne travaille pas dans une ambassade à l’étranger et mes clients australiens avaient toujours le choix de ne pas me payer si mon travail ne leur convenait pas. Je pensais naïvement qu’un bon niveau d’anglais était requis pour ce genre de poste.
Revenons à l’objet d’une discussion animée. Tous les documents avaient été réunis, le passeport était valide, deux pages vierges étaient bien présentes, pas de casier judiciaire. Tout roule. Mais, Jérémy Parant refuse de prendre en charge le dossier, la responsabilité fut trop grande à supporter : les deux pages vierges du passeport n’étaient pas face à face (c’est le couac susmentionné).
Stupeur de notre Indien ! « J’ai appelé vos services, j’ai lu votre site internet, rien n’indique que les deux pages doivent figurer face à face ». Le dossier passe d’un côté à l’autre de la vitre plusieurs fois, rien à faire, pour le personnel de l’ambassade « les règles sont claires ». Oui, mais où ?
À l’heure où j’écris ces lignes, les versions anglaises ne sont pas disponibles en ligne. En cache en revanche, on les retrouve très bien : visa1 – visa2
« In order to print the visa, your passport must have a minimum of two blank page.s »
« The passport must hold, in order to print the visa, a minimum of 1 blank page for short stay applications and 2 blank pages for long stay applications. »
« The passport must hold, in order to print the visa, a minimum of 1 blank page for short stay applications and 2 blank pages for long stay applications. »
C’est clair non ?
Le ton s’éternise et s’envenime logiquement, chacun campe sur ses positions, mais l’usager reste très calme. C’est admirable de rester si calme face à la bêtise. D’une part, ils ont fait la boulette et mettent dans l’embarras un individu qui n’y est pour rien, d’autre part les voyageurs savent bien que les tampons des douanes se posent et se superposent à foison un peu n’importe où et qu’avec un minimum de bonne volonté, tout était réglé dans la minute. Ils admettent bien à demi-mots qu’effectivement ce n’est indiqué nulle part mais bon, hein, quoi, flûte alors, il est pénible. Juste avant le déjeuner, ça coupe l’appétit.
« Who is responsible for that ? Who talk to me at the phone? Is that you ? I want to see the ambassador. »
L’administration passe la seconde
Le pauvre Jérémy ne pouvant se dépêtrer d’un dossier si épineux, un renfort de poids arrive pour régler la situation : madame le consul en personne, Stéphanie Penicaud. La tension monte encore d’un cran. On l’invite à demander un nouveau passeport pour être en règle mais son voyage est prévu dans trois semaines. Il aurait éventuellement pu si on l’avait prévenu par téléphone, à temps. Désespéré par ce mur, il ré-explique en vain sa situation, se plaint que ce n’est pas juste. Réaction immédiate de notre consule : « It’s not fair ? ! But you have to grow up a bit ! »
Oui oui, en plus de ça, ils se permettent de se payer sa tronche. C’est marrant non ? Je crois que mes nerfs auraient définitivement lâché à cette occasion. Lui a haussé la voix, a demandé le nom du consul qui n’a jamais voulu lui donner et a réclamé l’ambassadeur de plus belle. Mais on ne dérange pas son excellence pour des broutilles. Filez, vilains !
J’ai eu honte d’être Français
Deux semaines ne suffiront pas pour refaire un beau passeport en règle et tous le savent. Jérémy tente d’empapaouter l’intrus « vous pouvez demander un laisser-passer en urgence ». Sauf qu’on ne peut pas poser de visa sur un laisser-passer et Jérémy finit par admettre qu’il le sait bien. Tentative échouée. C’eut été bien plus commode de le renvoyer chez lui et lui annoncer par téléphone la mauvaise nouvelle.
L’intrus n’étant pas décidé à partir, nos courageux travailleurs de l’ombre ont fait appel au service de sécurité. Un chauve est arrivé tambour battant pour éliminer le danger. N’ayant pas retrouvé sa tête sur internet, nous ne citerons pas de nom. Et puis, je crois que c’était le plus poli de la bande même s’il a rapidement adopté les arguments de son parti et conduit le récalcitrant dans le couloir. À son crédit, il a repoussé une piteuse tentative de ses collègues qui sont sortis sur le tard avec un papier où était inscrit l’histoire des « deux pages face à face ». « Mais c’était sur le site internet ça ? Non. Donc on ne peut pas lui montrer ça maintenant. »
11h00, je rentre dans le bureau pour me faire scanner les pattes avant. La bonne humeur et la drôlerie m’entourent.
Un des comiques lance « Il ne lâche pas l’affaire, il ne part pas » (il avait décidé d’un sit-in dans le couloir en attendant l’ambassadeur).
Rose Arnasson, la secrétaire qui s’occupait alors de moi, s’envole dans l’humour : « C’est comme les chiens ». J’explique poliment que je comprends la détresse du garçon, qu’il a traversé le pays et qu’à la base, ce n’est quand même pas de sa faute. On fait mine de ne pas avoir entendu.
Notre rendez-vous se termine, nous passons dans le couloir à côté du malheureux et lui proposons notre aide, en pensant qu’un mail à l’ambassadeur de la part de deux Français pourrait peut-être débloquer la situation mais il refuse, ne veut surtout pas quitter les lieux. Le dénouement de l’intrigue, nous ne l’avons pas, mais une trame se dessine : il repartira avec son amie à Christchurch avec une amertume toute particulière envers les Français pendant que vos représentants à Wellington ont repris deux fois des pâtes au déjeuner
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