Revenue au pouvoir sans avoir su ajuster son logiciel de pensée aux réalités économiques modernes, la gauche sociale-démocrate semble n'arriver à se légitimer qu'à travers la certitude de sa supériorité morale sur les autres forces politiques... quitte à en oublier d'être efficace.
Le président de la République s'est exprimé ce
mercredi matin après le Conseil des ministres. Il a proposé une série de
mesures destinées à agir pour la moralisation de la vie politique.
Peut-on voir dans cette réaction à l’affaire Cahuzac le dernier sursaut
d'une gauche morale en voie de délitement ?
Bruno de La Palme :
Le postulat de la gauche morale est absurde car il ne correspond pas du
tout à la réalité y compris dans les rangs socialistes. Comme le disait
Nicolas Sarkozy : "la gauche déteste l'argent quand ce n'est pas le
sien !". Hurler contre les riches est une constante à gauche, elle colle à la peau des socialistes.
C’était encore crédible - mais improductif et dangereux quand ils
dénonçaient les 200 familles lors du cartel des gauches, c’était devenu
obsessionnel avec Mitterrand et son mur de l’argent, et franchement
pathétique avec Hollande déclarant en 2007 qu’il n’aimait pas les riches
et que ce seuil était atteint dès 4000 euros par mois. Lui qui en
gagnait environ 7 fois plus à l’époque grâce à ses mandats publics et
son salaire de chef du PS. Cette position, cette posture n'est pas
tenable et lui revient à la figure comme un boomerang avec l'affaire
Cahuzac. Dans cette situation ridicule, la stratégie de François
Hollande est plutôt maligne. Alors que la boue est sur leur
propre tapis, les socialistes essaient de jeter un grand manteau
d’opprobre sur l'ensemble de la classe politique. L'opération mains
propres est lancée de manière quasi stalinienne avec ce spectacle
affligeant d'hommes politiques qui déballent tout, de leur cage de canaris à leurs raquettes de tennis.
Mais
il y a pire encore. C’est ce qui se cache derrière cette opération de «
mani pulité » à la française. Ce n'est pas encore acté dans la loi,
mais il y a la volonté chez les socialistes d'interdire aux élus d'exercer d'autres professions durant leur mandat de parlementaire.
Fini les avocats, professions libérales et conseils en tous genres, le
diable c’est le privé ! Le risque est donc très réel de réserver les
places d'élus aux seuls fonctionnaires qui, contrairement aux autres
professions, peuvent se mettre en disponibilité et retrouver
tranquillement leurs postes en cas de non renouvellement de leurs
mandats.
Les chiffres de la représentativité sociologique à
l'Assemblée nationale sont extrêmement révélateurs. En 2002 et la
situation n’a pas évolué depuis, 54% des députés toutes tendances
confondues venaient déjà de la fonction publique alors que les
fonctionnaires ne pèsent que 20% dans la société. Ils sont donc
sur-représentés au Palais bourbon. Plus intéressant, et cette étude est
quasiment tenue secrète, 72% des députés socialistes sont originaires de
la fonction publique contre seulement 42% pour les députés de droite à
l’UMP. Il y a donc 70% de plus de fonctionnaires au groupe PS qu’à
l’UMP ! C'est politiquement incorrect de le dire, mais en terme
sociologique, les députés UMP représentent donc beaucoup plus
fidèlement la Nation que les députés socialistes. Cela
s’appelle un fait. Le PS est donc en train de mettre en place une
machine à laver plus rose que blanc, extrêmement dangereuse en raison
même de sa propre faillite morale avec l'affaire Cahuzac. En
clair, Hollande, déconfit par les scandales, contre-attaque sur deux
fronts : il prétend mettre le sac sur le dos de l’opposition et il veut
imposer le tout apparatchik en matière de représentation nationale.
Eric Deschavanne : La gauche morale ne se délite pas, elle est au contraire en pleine forme. "La gauche morale est morte, vive la gauche morale !", pourrait-on dire.
Qu'appelle-t-on "gauche morale" en vérité ? La tartufferie qui consiste
à dénoncer l'affairisme et la corruption en tant qu'ils seraient
l'apanage de la droite, comme si la nature humaine n'était pas la même
partout, comme s'il n'existait pas la même proportion de gens honnêtes
et malhonnêtes dans tous les camps. Bien entendu, ce moralisme s'expose à
être démenti par les faits dès lors que la gauche parvient au pouvoir,
et il ne manque pas de l'être. Le pouvoir transforme en cibles ceux qui
l'exercent tout en les soumettant à des tentations et à des
compromissions diverses. Si la gauche veut préserver son aura
d'exemplarité morale, il faut qu'elle s'efforce de demeurer dans
l'opposition, loin des "affaires" dans tous les sens du terme.
Il
était cependant naïf de penser que l'affaire Cahuzac mettrait à mal ce
moralisme. D'abord, elle fait la gloire d'Edwy Plenel, fer de lance s'il
en est de la gauche morale. Ensuite, comme en témoigne en particulier
l'intervention du président de la République, les aveux de
Jérôme Cahuzac nous font repartir pour un tour de moralisation à
outrance. La gauche n'est pas le moins du monde ébranlée dans sa bonne
conscience. Les éléments de langage utilisés pour évoquer le
cas Cahuzac sont à cet égard explicites et édifiants : celui-ci n'est
pas seulement un fraudeur et un menteur, c'est un "traitre" : il a
trahit la gauche; s'il a fauté, c'est qu'il appartenait en réalité au
camp ennemi, celui des forces maléfiques de l'argent.
Les Français attendent de leurs dirigeants
davantage de compétence que d'honnêteté. En partant du principe que
l'autorité de l’État découlerait directement et avant tout de son
exemplarité, l'exécutif se met-il sur une voie de garage ?
Bruno de La Palme : A
partir du moment où plus de 70% des députés socialistes sont
originaires de la fonction publique, il n'est pas étonnant que le PS ne
puisse pas comprendre l'économie réelle. Je ne dis pas que si tous les
députés venaient du secteur privé, ils seraient forcément tous plus
compétents. Néanmoins, ils seraient à l’évidence plus aptes à comprendre
le monde de l'entreprise.
Eric Deschavanne : Je pense en effet que cette affaire laisse les Français plus goguenards que profondément révoltés. Ce qui leur importe, c'est d'avoir un gouvernement compétent et efficace, non un gouvernement de bigots.
François
Hollande a sans doute manqué une occasion de montrer qu'il était
capable de garder son sang-froid en période de crise. La crise
politique, en l’occurrence est purement factice, ou plutôt
"performative" : il y a crise parce que les médias disent qu'il y a
crise. L'affaire Cahuzac n'est pas banale en soi, le personnage est
étonnant, c'est le moins que l'on puisse dire ; mais, politiquement, sa
chute ne change rien à rien. Si nous vivions dans un monde
raisonnable, les aveux de Cahuzac auraient fait l'objet d'un quart de
page dans la presse et de cinq minutes de journal télévisé, non renouvelables. Face à l'effervescence médiatique proprement délirante à laquelle on assiste depuis une semaine, le
président de la République aurait dû mettre les choses en perspective
et défendre une ligne simple, claire et juste : un ministre a fauté, il a
démissionné, le gouvernement tourne la page et travaille, point barre.
Les médias et l'opposition se seraient sans doute époumonés quelques
temps, avant de passer à autre chose. Il n'était pas même nécessaire de
s'acharner sur la personne de Cahuzac en faisant de lui le nouveau
"diable de la République".
Au lieu de cela,
François Hollande apparaît tétanisé à l'idée que son exigence de
"République exemplaire" soit prise en défaut. Il n'avait pourtant aucune
raison de paniquer. L'affaire Cahuzac a provoqué un scandale public,
mais il n'y a pas de scandale moral. Le scandale moral eut été que le
mensonge triomphe (auquel cas il n'y aurait pas eu de scandale public),
ou bien que le travail de la presse et de la justice soit entravé par
des manœuvres illicites, ce qui n'a manifestement pas été le cas. Le menteur a été découvert et chassé de la vie publique dans l'opprobre général : peut-on rêver dénouement plus moral ?
Jacques Delpla :
L’effondrement de la popularité et de la confiance du pouvoir actuel
est d’abord lié à la récession et à la montée du chômage (comme dans les
pays d’Europe du Sud). François Hollande avait, dans sa campagne,
promis un autre cours, un autre monde. Mais le monde où il préside est
beaucoup plus dur qu’il ne l’avait prévu et promis. C’est
l’écart entre ces promesses et la réalité qui sape la confiance envers
le pouvoir actuel. Est-ce à dire que le pouvoir est condamné à
l’immobilisme ? Oui, si le gouvernement ne gouverne qu’au gré des
sondages au jour le jour. Non, si le gouvernement adopte une
attitude plus Churchillienne : ne pas se préoccuper des sondages
quotidiens, considérer qu’il n’a plus grand chose à perdre en termes de
popularité et mettre en œuvre les réformes nécessaires en espérant
qu’elle porteront leurs fruits en 2017.
Au-delà
des effets d’annonce, les mesures annoncées sur la transparence de la
vie publique, la lutte contre la délinquance économique et financière et
contre les paradis fiscaux vous paraissent-elles de nature à atteindre
les objectifs visés ?
Bruno de La Palme : La
gauche est très douée pour le verbiage. Les paradis fiscaux existent,
c’est une réalité du monde de la finance d’aujourd’hui, sans doute
faut-il plus les contrôler. Mais on fait cela dans le cadre du G20 pour
avoir une chance d’être efficace plutôt que lancer tout seul des
anathèmes, spécialité de la gauche. Au fait que disent-ils quand le
directeur de campagne du candidat socialiste de 2012 a utilisé à
plusieurs reprises les îles Caïman pour ses propres affaires en Chine ? Rien,
ils ne répondent rien. Alors de grâce, stop à la démagogie ! On est
dans la même logique verbeuse que pour "le choc de compétitivité" qui
est en réalité un "édredon" : les entreprises n'en verront
jamais le bénéfice car le système du crédit d'impôts est trop compliqué
et repoussé aux jours meilleurs… Il nous refont le même coup avec le
"choc de moralisation". Pendant ce temps-là, l’économie du pays
s'enfonce.
Eric Deschavanne : Quels sont les objectifs visés ? S'il s'agit de moraliser la vie publique, ces mesures sont superflues. La
moralisation a progressé et continuera de progresser, en raison de la
crainte qu'inspire l'alliance du juge et du journaliste. Il
m'étonnerait fort, en revanche, que la nouvelle "Haute autorité
indépendante" ne dévoile jamais l'existence d'un seul "ripoux" de la
République. Si toutefois, comme il semble, l'objectif politique
de ces annonces est de sortir de l'affaire Cahuzac en redonnant du
crédit à l'idée de République exemplaire, je pense que c'est raté.
Au lieu d'isoler le cas Cahuzac, on le fait apparaître comme le fruit
d'un système qui manifestement ne sera pas démantelé demain matin. On
laisse entendre que les Cahuzacs sont partout, qu'ils infestent une
classe politique qu'il importe de "moraliser" d'urgence. Loin de
redonner confiance aux Français, on les conforte ainsi dans l'idée que
les politiques sont "tous pourris". Le "choc" de moralisation
revêt plutôt l'aspect d'un choc de "guignolisation" avec cet
empressement suspect dont font soudainement montre les politiques à
dévoiler leur patrimoine. Vouloir prouver la vertu en publiant
son patrimoine, c'est à peu près comme vouloir prouver qu'on est fidèle à
son conjoint en produisant un certificat de mariage : cela fait rire
tout le monde ! On assiste en réalité à une radicalisation du
"tartuffisme", comme si jeter le soupçon sur les autres constituait
l'unique moyen disponible pour apparaître vertueux aux yeux de
l'opinion. Mais, s'il en était besoin, le cas Cahuzac aurait fini de
nous déciller : celui-ci, en effet, n'était pas en reste lorsqu'il
s'agissait de dénoncer la fraude fiscale ou les turpitudes présumées de
ses collègues du camp d'en face !
La classe politique entretient ainsi elle-même la suspicion qui plane sur elle. Aucun
politique, sans aucun doute, ne croit réellement que la transparence
créera les conditions de la confiance, mais tout le monde, ou presque,
feint d'adhérer à cette idée, car ne pas y adhérer reviendrait à se
désigner comme suspect. C'est la logique de ce robespierrisme généralisé, auquel aujourd'hui même la droite emboîte le pas.
Jacques Delpla :
Sur l’évasion fiscale et les paradis fiscaux, il faut évidemment
lutter. Mais il ne faut pas en attendre des montagnes d’or pour les
finances publiques : même avec les estimations hautes des placements des
Français dans les paradis fiscaux (600 milliards d’euros), avec un
rendement du capital faible aujourd’hui (3% en moyenne), le fisc ne
pourrait en recouvrer qu'un tiers environ, soit 6 milliards d’euros par
an. C’est une hypothèse maximale, on sera probablement très en-dessous.
Or le déficit à combler est aujourd’hui de 80 milliards d’euros. La
lutte contre les paradis fiscaux ne doit donc pas faire oublier les
difficiles réformes pour réduire les déficits publics.
Les
mesures sur l’éthique du personnel politique me semblent bonnes. Reste à
les mettre en œuvre… Mais le cœur du problème est ailleurs. Dans
notre République (trop) présidentielle, le Parlement ne contrôle pas
assez le gouvernement et l’administration, alors que c’est sa mission
historique. Deux réformes sont urgentes à cet égard. Tout
d’abord, le non-cumul absolu des mandats pour les Parlementaires
(statistiquement, les députés qui deviennent maires sont moins
présents), ce que le gouvernement veut faire (bravo). Mais aussi –et
personne n’en parle-, réduire le nombre des Parlementaires. La France et
l’Italie (deux pays avec des systèmes politiques fatigués) sont les
deux pays démocratiques avec le plus grand nombre de Parlementaires en
fonction de leur population, comme viennent de le montrer les
économistes Emmanuelle Auriol de l’Ecole d’Economie de Toulouse et
Robert Gary-Bobo du CREST "On the Optimal Number of Representatives", revue Public Choice,
décembre 2012. Les parlementaires ne peuvent avoir un mandat unique
efficace que s’ils peuvent avoir des responsabilités d’enquête, de
contrôle du gouvernement et de l’administration, et de propositions.
Pour cela, leur nombre doit être réduit. Je pense à 400 - 450 députés
(au lieu de 577 maintenant) et 230 à 270 sénateurs (au lieu de 348).
Cela ne signifie pas des coûts plus faibles (car les parlementaires
moins nombreux devront avoir plus de moyens d’investigation), mais un
Parlement beaucoup plus efficace dans son contrôle de l’exécutif.
La gauche, qui semble parfois paralysée par
l'idéologie, fait-elle preuve d'une forme d'allergie au bon sens et au
pragmatisme ?
Bruno de La Palme : Le fait de se draper dans la morale ne donne pas plus de compétences. Au contraire, le prisme de l'idéologie empêche de voir le réel. Le problème majeur de la gauche est justement d'être dans la négation du réel.
La différence est flagrante entre la gauche française et les gauches
britanniques et allemandes. En Grande-Bretagne, le meilleur héritier de
Margaret Thatcher a été le travailliste Tony Blair. En France, il était
d'ailleurs considéré comme le "diable" par les socialistes. Quand Blair
est venu en visite à l'époque où Nicolas Sarkozy était président, il a
d'ailleurs affirmé : "Si je devais prendre ma carte dans un parti
politique en France, ce serait l'UMP". Quant
à l’Allemagne, c’est un socialiste Gerard Schroder qui a lancé les
grandes réformes douloureuses qui ont mis définitivement l’Allemagne en
avance sur tous ses partenaires en Europe.
Eric Deschavanne
: Le moralisme n'est pas l'apanage de la gauche, même si la droite
exploite d'autres thèmes que celui de l'argent. Il nourrit la démagogie,
masque l'impuissance publique et permet au politique de se soustraire à
la tâche difficile de faire la pédagogie de la complexité du monde.
Jacques Delpla :
La récession en France actuellement est liée à trois facteurs. Deux ne
dépendent pas du gouvernement : la très forte récession des pays du Sud
de l’euro, qui sont nos voisins et nos marchés, le début de
l’effondrement de la bulle immobilière, qui va plomber la croissance
dans les prochaines années. Le troisième est de la responsabilité pleine
du gouvernement.
Par idéologie, il a décidé de
taxer fortement les revenus, notamment en taxant les revenus du capital
et ceux du travail. C’est une grave erreur. Le capital a déjà été taxé
sous forme d’impôt sur le revenu. Les décisions du gouvernement
sur la taxation du capital sont un frein massif à l’investissement et à
l’innovation en France. Mais le pire est à venir : l’application de la taxe sur les transactions financières au 1er janvier 2014.
Décidée
par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, cette taxe démagogique va
augmenter massivement le coût de financement des grandes entreprises
françaises et détruire une grande partie du capital des banques des onze
pays de la zone euro signataires. Nous sommes aujourd’hui en récession
et en credit crunch bancaire, cette taxe va accentuer la crise
bancaire et raréfier encore plus le crédit. C’est de la folie ! Et avec
le renouveau depuis quelques jours du discours anti-finance, les
perspectives d’amendement de cette taxe stupide se sont évaporées.
Les
objectifs moraux peuvent-ils se permettre d'être déconnectés de toute
considération d’efficacité ? Quelles conséquences concrètes peut-on
craindre que cette attitude ait sur la situation politique et économique
de la France à moyen et long terme ?
Bruno de La Palme : Toutes
les conversations que j'ai pu avoir dans tous les secteurs de
l'économie française donnent des signes d'alerte. Les jeunes diplômés
fuient en masse. Nous perdons des cerveaux, une génération entière s’en
va et nous risquons de ne jamais la revoir. C’est une véritable
hémorragie. Sans compter les décideurs économiques et nombre de nos
talents, à l’instar de Depardieu dégoûté, qui quittent le pays. Un
phénomène jamais vu à ce point : plus que les effets de la fuite des
protestants après la malheureuse révocation de l’édit de Nantes sous
Louis XIV. Les étrangers n'investissent plus en France. Aujourd'hui,
les riches étrangers ne viennent même plus sur le marché immobilier du
très haut de gamme à Paris. Ils fuient ou évitent la France, hormis le
Qatar pour lequel on a déroulé le tapis rouge. C'est un signe qu'on
n'avait jamais vu avant.
La gauche ne fait, hélas, que répéter les échecs économiques flagrants qui ont toujours marqué son arrivée au pouvoir.
Le cartel des gauches en 1924 s'est effondré en seulement un an. Idem,
pour le Front populaire en 1936 dont l’échec était patent dès 1937. Les
gens retiennent l'avancée sociale des congés payés, souhaitable et
positive bien sûr, mais ils ont oublié l'explosion du chômage,
l'augmentation du prix du pain de 80%. l’effondrement dangereux de la
productivité et des usines d’armement alors qu’Hitler se préparait
outre-Rhin. L'échec était flagrant et c’est Paul Reynaud appelé aux
finances qui réussit à redresser l’économie de la France. François
Mitterrand a lui aussi dû négocier le tournant de la rigueur un an
seulement après son élection. C'est ce que les socialistes appellent "la
pause".
La réalité est plus
crue. Hollande est coincé entre son hypothétique volonté –qu’il n’a
jamais montrée- de se lancer dans les réformes nécessaires et
l’impossibilité du peuple de gauche d’en comprendre la nécessité. 30 ans
de contre-vérités économiques répétées à la base socialiste par
lui-même et les doctrinaires crypto marxistes du PS laissent des traces
indélébiles. Élu sur un mensonge reposant sur le déni de la
crise rejetée sur son prédécesseur, Hollande est dans l’impossibilité de
porter le fer dans la plaie des dépenses publiques, électorat de
fonctionnaires oblige. Il n’a donc plus que des mots avec
lesquels jongler pour tenter de tromper son auditoire : compétitivité,
déficit contenu, lutte contre le chômage, cap sérieux, il a répété
plusieurs fois ce mot dans son intervention.Tous ces slogans sonnent
creux. Mais les rendez vous cruciaux , eux , sont bien là que ce soit
pour la réforme des retraites qu’il a refusée en 2010 ou les montants
abyssaux de dettes de l’Etat et des collectivités locales. Sans parler
des déficits de nos comptes sociaux, ni du chômage qui a explosé à un
niveau jamais atteint. Aujourd’hui, l’économie est quai à
l’arrêt, plus personne n’investit et le climat détestable tétanise toute
les volontés. Les socialistes ont anesthésié l’économie et continuent
de prétendre donner des leçons à l’Allemagne et à l’Europe. L’heure de vérité se rapproche.
Jacques Delpla :
Il est très dommage que la gauche française s’auto-définisse comme
"anti-libérale". Elle devrait au contraire revenir au libéralisme
français des Lumières et au critère de justice sociale de John Rawls, le
philosophe libéral : la justice sociale, c’est une répartition qui
préserve les libertés, qui est efficace et qui maximise le bien-être des
plus mal lotis. La gauche devrait relire John Rawls au plus vite.