TOUT EST DIT

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lundi 8 avril 2013

Se tromper d’ennemi…

Se tromper d’ennemi…

 Dans ces temps de vaste trouble, il est plus que jamais nécessaire de ne pas se tromper d'ennemi. L'affaire Cahuzac est gravissime en ce qu'elle donne lieu à des échanges destructeurs entre les partis de gouvernement (qui ont eu beaucoup à se reprocher alternativement), pour le plus grand profit des formations extrémistes. Ce ne sont pas les déclarations grandiloquentes des uns et des autres sur l'exemplarité de la vie publique qui suffiront à créer le « choc de confiance » espéré chez les citoyens. Les politiques ne font que s'embourber dans leur pathos moralisateur.

Ne pas se tromper d'ennemi, c'est donc porter le bon diagnostic sur le mal. Résonnent encore, dans l'opinion, les charges tonitruantes du candidat François Hollande contre un ennemi sans visage : le monde de la finance. La formule avait subjugé les foules. Sauf que l'on vient de découvrir que la finance a un visage. Elle en a même beaucoup, en plus de celui de Jérôme Cahuzac (et de ses mensonges à… rallonge). Ce sont les visages des innombrables évadés fiscaux.

L'enquête réalisée par un Consortium international de journalistes a révélé l'ampleur du phénomène. De riches particuliers abriteraient, dans des milliers de sociétés écrans, l'équivalent des PIB additionnés des États-Unis et du Japon. Hier, un banquier suisse confiait au JDD que des dizaines de VIP français (politiques, sportifs, artistes) disposeraient de comptes secrets à Singapour.

Il se trouverait, dans cet opulent gotha, des gens de droite et de gauche, tant il est vrai que l'argent n'a pas de couleur… politique. D'où la seule vraie riposte : une lutte impitoyable et concertée contre l'évasion fiscale, la suppression des paradis fiscaux et la levée du secret bancaire. Cela éviterait aussi à nos gouvernants de surimposer les citoyens honnêtes qui ne fraudent pas. Là encore, il ne faut pas se tromper d'ennemi. 

Laïcité, un art du compromis

Laïcité, un art du compromis 



Le récent arrêt de la Cour de cassation dans l'affaire de la crèche Baby Loup a surpris tout le monde, y compris les juristes. Et ce d'autant plus qu'à la mi-janvier, la Cour européenne des droits de l'homme venait tout juste de souligner les limites de la liberté d'expression religieuse dans l'entreprise. « Lorsque la pratique religieuse d'un individu empiète sur les droits d'autrui, dit-elle, elle peut faire l'objet de restriction » où que ce soit.

La difficulté est de déterminer les pratiques qui remettent en cause l'équilibre des libertés des uns et des autres. À partir de quel seuil l'exercice d'un droit risque-t-il de menacer celui d'autrui ? C'est un problème bien banal ici compliqué par la dimension religieuse de cette liberté sur fond de montée de l'islam et par la nature du lieu de son exercice : l'entreprise.

Sur le principe, rien n'interdit les manifestations de convictions y compris religieuse sur les lieux de travail. La liberté d'expression y est désormais reconnue et certaines entreprises vont même assez loin dans sa garantie effective (facilités au moment du Ramadan, autorisations d'absence pour les grandes fêtes religieuses, salles de prière...). Les salariés peuvent donc évoquer ces questions sous réserve de ne pas nuire au fonctionnement de l'entreprise. Ce qui est le cas lorsque le voile crée un danger (travail sur un tour, par exemple) ou lorsqu'il y a relation directe avec la clientèle, ce qui vaut aussi pour des tenues excentriques.

Étonnement et scepticisme

Si l'employeur n'est pas autorisé, sauf exception, à prendre en compte les opinions et goûts de ses salariés, réciproquement, le salarié ne saurait lui imposer ses choix personnels. On a ainsi vu le salarié d'une boucherie-charcuterie refuser de travailler de la viande de porc au prétexte qu'il était musulman. Licenciement justifié. Dans l'affaire Baby Loup, en faisant prévaloir le droit du salarié sur l'intérêt des enfants, la Cour a perdu de vue la perspective du compromis inhérent à la laïcité.

Mais, à juste titre, dit-elle, puisque la question de la laïcité ne se posait pas dans cette crèche privée. Là aussi, étonnement et scepticisme. Car enfin, la « République laïque » de l'article 1er de la Constitution ce ne sont pas seulement des institutions politiques, c'est une philosophie, une culture des droits à l'oeuvre dans toute la société républicaine et grâce à laquelle les entreprises se sont progressivement trouvées soumises à l'état de droit. Et quel en est le noyau dur ? Quelque chose d'infiniment subtil où s'allient convictions et discrétion, foi et retenue dans l'expression. Un art des contraires qui est le propre d'une civilisation prenant au sérieux la valeur de tact sans renoncer pour autant à la manifestation des idées et à leur confrontation.

Où est la limite ? Tout dépend du moment, du lieu, de l'époque. Elle se pressent par intuition républicaine du seuil où le signalement de ses convictions bascule dans le prosélytisme plus ou moins ostentatoire. Et cet égard, nul doute que le voile demeure encore chargé d'une puissance symbolique qui en interdit l'usage innocent à moins de convenance dans le lieu où il est porté et donc avec l'accord de l'autorité responsable. Que dirait-on d'une religieuse catholique qui viendrait exercer son métier en cornette sans l'aval de sa direction ?

Fiscalité, 35 heures, coût du travail, les entreprises veulent la révolution !

Les chefs d'entreprises participant aux Assises de l'entrepreneuriat plaident pour une refonte totale de l'article 6 de la loi de finances 2013 sur les plus-values de cessions des valeurs mobilières à l'origine du mouvement des Pigeons. En course pour la présidence du Medef, Pierre Gattaz, le président du Groupe des fédérations industrielles (GFI) remet en cause les 35 heures et le coût du travail. 

Six mois après s’être rebellés, les Pigeons auront-ils totalement gain de cause ? Mardi, dans le cadre des Assises de l'entrepreneuriat organisées par Fleur Pellerin, la ministre des PME, un comité de pilotage devrait présenter des propositions pour réformer l’article 6 de la loi de finances 2013 sur les plus-values de cessions de valeurs mobilières. Un article qui avait déclenché la fronde des chefs d’entreprises rassemblés au sein du mouvement des Pigeons.


Deux régimes de référence



Le groupe de travail propose de reconstruire le dispositif autour de deux régimes de référence. Dans le premier, les plus-values restent soumises au barème progressif de l'impôt sur le revenu (IR) mais il intègre un système d'abattements plus simple et plus long pour durée de détention. Ainsi, l'abattement atteindrait 65 % au bout de huit ans. Dans le second, les abattements atteignent 85 % en cas de réinvestissement dans une PME au cours de ses dix premières années d’existence. Si ce dispositif était retenu, aucune distinction ne serait donc faite selon le type d'investisseur, ou la part de capital détenue. Ainsi, tous les actionnaires sont traités de la même façon et toutes les exonérations actuelles, comme le départ à la retraite ou le réinvestissement dans une jeune entreprise innovante (JEI) seraient supprimées.

Selon le groupe de travail, l'imposition maximale, en tenant compte des abattements et des prélèvements sociaux, atteindrait un peu plus de 30% dans le premier cas, contre 62 % actuellement, dans la situation la moins favorable pour le chef d’entreprise. Depuis la loi de finances 2013, les plus-values de cession de valeurs mobilières sont soumises au barème de l'impôt sur le revenu. Des abattements existent en fonction de la durée de détention des titres (40 % au bout de six ans) et des montants réinvestis. Elles restent taxées au taux forfaitaire de 19 %, si le dirigeant de l'entreprise vendue a exercé une activité pendant les cinq ans précédant la cession et s'il a détenu au moins 10 % des droits de vote pendant au moins deux ans consécutifs. Ces propositions seront ensuite transmises au ministère du Budget.

Les 35 heures et le coût du travail dans la mire de l’industrie

La fiscalité n’est pas la seule préoccupation des chefs d’entreprises. En course pour succéder à Laurence Parisot à la présidence du Medef, Pierre Gattaz, le président du Groupe des fédérations industrielles (GFI) a – une nouvelle fois – lancé une charge sur les 35 heures. « Les 35 heures font partie de ces dogmes qu'il faut revoir avec les partenaires sociaux. Le mieux c'est de le faire dans l'entreprise. Le meilleur dialogue social c'est le dialogue social de terrain. Il faudra sans doute les adapter. Si on arrive à apporter beaucoup de souplesse et d'amélioration aux 35 heures à travers le terrain, on aura gagné. Il faut remettre ce sujet sur la table, comme le coût du travail », a déclaré Pierre Gattaz ce lundi à l’antenne de BFM Business, un coût qu’il considère comme un « frein à l'embauche en France ». « Lorsque vous donnez 100 euros à quelqu'un, ça coûte à l'entreprise 185 euros, alors que quand vous donnez 100 euros à un Allemand, ça coûte à l'entreprise 155 euros, il y a une grande différence et celle-ci est due au coût du travail », a-t-il expliqué, estimant que la France « a besoin d'un électrochoc de confiance, de fiscalité et de compétitivité. Nous sommes une Ferrari qui avance avec les deux pieds sur le frein ».

Margaret Thatcher est morte à l'âge de 87 ans

La Dame de fer est décédée à l'âge de 87 ans a annoncé son porte-parole lundi. Elle avait dirigé le Royaume-Uni de 1979 à 1990.

L'ancien Premier ministre britannique de droite Margaret Thatcher est décédée lundi à Londres à l'âge de 87 ans, a indiqué son porte-parole. "C'est avec une grande tristesse que Mark et Carol Thatcher annoncent que leur mère, la baronne Thatcher est morte paisiblement ce matin, à la suite d'une attaque", a déclaré Tim Bell.

Fille d'épicier,  membre du Parti conservateur, Margaret Thatcher a été la première femme britannique à accéder à la tête du gouvernement -et elle est toujours la seule à ce jour-, où elle a établi un record de longévité : 1979-1990.


Force de caractère et de convictions

Elle y avait notamment acquis le surnom de "Dame de fer" en raison de sa force de caractère et de ses convictions, qu'elle ne changeait pas au gré des besoins. Elle s'était montrée ainsi inflexible sur de nombreux dossiers : la libéralisation de l'économie, avec de nombreuses privatisations ; la lutte contre les grèves, notamment celle des mineurs ; la lutte contre l'Ira en Irlande du Nord ; la guerre des Malouines contre l'Argentine ou encore la contribution britannique au projet européen, qu'elle voulait réduite au stricte minimum.

En 1990, c'est l'instauration d'un nouvel impôt, la "poll tax", qui a contribué à chute. Très impopulaire -il était basé sur le nombre de personnes vivant dans un foyer et non sur son revenu-, il avait poussé les députés de son parti et plusieurs de ses ministres à la mettre en minorité. Elle avait alors été contrainte de démissionner, au profit de John Major.

Alzheimer

Sa famille avait annoncé au milieu des années 2000 qu'elle souffrait de la maladie d'Alzheimer -un épisode autour duquel le film "La dame de fer", sorti en 2012, était axé. Elle limitait depuis ses apparations publiques au strict miminum.

Après l'annonce de sa mort, David Cameron, le Premier ministre britannique, issu comme Margaret Thatcher du Parti conservateur, a écourté sa visite en Espagne et en France -il devait rencontrer François Hollande dans l'après-midi- pour rentrer directement à Londres.

 








Les européens malades des plans d'austérité

La revue britannique The Lancet établit un lien direct entre taux de chômage et taux de suicide. Et elle accuse les ministres de la Santé de couper dans les bugets sans discernement. 

Le taux de chômage a atteint le niveau record de 12% dans la zone Euro. En Grèce, au Portugal, à Chypre, les plans d’austérité dictés par l’Europe se suivent et se ressemblent. En France, nous n’en sommes pas là mais le nouveau ministre du Budget, à peine installé à Bercy, n’a pas hésité à employer le terme, longtemps banni, de « rigueur ».
Depuis bientôt cinq ans, les populations trinquent et les effets de la crise sur la santé sont de plus en plus perceptibles. En 2011, la revue médicale britannique, The Lancet, s’était penchée au chevet de la Grèce. Et le diagnostic était sombre : « Nous constatons [...] des tendances très inquiétantes, un doublement des cas de suicides, une hausse des homicides, une augmentation de 50 % des infections au virus VIH et des gens qui nous disent que leur santé a empiré mais qu'ils ne peuvent plus consulter de médecins même s'ils devraient le faire », indiquait l’auteur de l’étude.
Deux ans plus tard, The Lancet récidive. Mais, cette fois, c’est la santé de l’Europe toute entière qui est analysée. Dans son rapport « Crise financière, austérité et santé en Europe », publié le 27 mars dernier, la revue scientifique souligne notamment que le taux de suicide chez les moins de 65 ans a augmenté dans l’Union depuis 2007, alors qu’il était en chute régulière depuis sept ans. Autre signal d’alerte repéré par le Lancet : au Portugal, le nombre de décès chez les plus de 75% a enregistré un pic pendant l’hiver 2012 par rapport à l’année précédente. La grippe ne serait pas la seule responsable. Aujourd’hui, 40% des personnes âgées au Portugal vivent dans des appartements mal chauffés.


+ 3% de chômeurs = + 5% de suicide


Le Lancet n’est pas le seul à percevoir ces signaux. L’Organisation mondiale de la santé notait, début mars, qu’ « une hausse de chômage de plus de 3% dans un temps relativement court est associée à une augmentation d’environ 5% des taux de suicide et des blessures auto-infligées. » En Grèce, le taux de chômage a fait un bond de 5 points en une seule année. En France, la courbe est plus douce, mais il a pris un point par an, en moyenne, depuis 2008. Il va donc falloir surveiller le taux de suicide.


Dans les centres de santé de France de Médecins du monde (Mdm), les effets sanitaires de la crise économique sont aussi perceptibles. « Le nombre de consultations a grimpé de 22% en trois ans, fait remarquer le Dr Jean-François Corty, directeur des missions France. Et nous voyons revenir dans nos centres, les travailleurs pauvres. Ils avaient disparu depuis 1998 et les lois de lutte contre les exclusions. » Pour mieux toucher ces nouveaux précaires, Mdm va d’ailleurs ouvrir sa première mission France en zone rurale.


Ecoutez le Dr Jean-François Corty, directeur des Missions France de Médecins du monde : "Nous allons ouvrir un centre de santé en Auvergne pour aller au-devant des migrants de la pauvreté, ces familles qui quittent les villes pour des raisons économiques."


Des ministres de la Santé passifs

Mais que fait la police ? Ou plutôt que font les autorités sanitaires pour amortir le choc de la crise économique ? A en croire The Lancet, pas grand chose. « La voix des responsables de la santé publique a été largement absente du débat sur la réponse à apporter à la crise. Beaucoup de ministres de la Santé sont restés silencieux. » Le Lancet va même plus loin et accuse le directeur général en charge de la santé et de la protection du consommateur à la Commission européenne d’avoir failli à son obligation légale d’évaluer les conséquences sanitaires des politiques d’austérité imposées par la Commission, le FMI et la banque centrale européenne. Or, cette troïka a exigé de trancher dans le vif. En Grèce par exemple, rapporte la revue britannique, les instances européennes ont réclamé que les dépenses de santé ne dépassent pas 6% du PIB. Une intrusion inédite dans les affaires sanitaires d’un Etat souverain.


A l’occasion de la journée mondiale de la santé le 7 avril, Mdm a d’ailleurs dénoncé le fait que « les systèmes européens de santé et de protection sociale vacillent sous la pression et les mesures d’austérité déclenchées par les gouvernements pour répondre à la crise ».
Les autorités sanitaires françaises n’ont pas fait exception à la règle. Certes, le Parlement est en train de voter la généralisation de la complémentaire santé pour tous les salariés mais dans le même temps, les déremboursements de médicaments se poursuivent et le reste à charge augmente. Et pour le Dr Jean-François Corty, « la remise en cause de notre modèle de protection sociale solidaire ne date pas de 2008 ! La crise a bon dos. »


Une récession temporaire améliore la santé


Les récessions économiques ne seraient d’ailleurs pas si mauvaises pour la santé qu’on veut bien le dire. « Contrairement à l’idée reçue, la littérature récente montre que la mortalité et les problèmes de santé ont tendance à se réduire durant les récessions, » écrivait Florence Jusot, professeur à l’université de Rouen et chercheur à l’Irdes, en 2012 dans « Les tribunes de la santé ».
« L’augmentation du chômage libérerait du temps pour se soigner ou avoir une activité physique, alors que l’intensité du travail serait plus importante dans les périodes d’activité économique forte, ce qui augmenterait les risques de maladies et d’accidents, ajoute la chercheuse. Les récessions sont également associées à une amélioration des styles de vie. » Moins d’alcool, de tabac, une meilleure alimentation, plus d’activité physique… Le temps libéré par la perte d’un emploi serait donc mis à profit pour se prendre en charge. Florence Jusot précise que « seules les augmentations temporaires de chômage et les diminutions temporaires de revenu seraient bénéfiques. L’état de santé des populations se détériore si la crise devient durable ». L’Europe traverse sa cinquième année de crise.

Finira-t-on par être obligé de sacrifier l'euro pour sauver l'Europe ?

L'Europe est aujourd'hui divisée en deux, entre les pays du Nord et ceux du Sud, en grande difficulté. La convergence de leurs économies étant difficilement réalisable, va-t-il falloir abolir la monnaie unique ?
Dans une interview accordée à Business Insider (lisible en cliquant ici), Bernd Lucke, économiste allemand et professeur à l'Université de Hambourg, estime que l'euro divise actuellement l'Union européenne en deux entre d'un côté les pays du Sud en difficulté et une Europe du Nord ou centrale en meilleure forme. Dans ce contexte, sacrifier l'euro est-il, paradoxalement, le meilleur moyen de sauver l'Europe et le projet européen ?

Paul Goldschmidt : La question doit être renversée : il est essentiel de sauver l’Union Européenne pour sauver l’Euro ! En effet, ce n’est pas la « monnaie unique » qui est malade, comme le démontre le taux de change vis-à-vis du dollar américain qui, en dépit de larges fluctuations, demeure environ à 7% au-dessus de son taux d’origine de 1 euro pour 1,17 dollar. De plus, du point de vue « monétaire », c’est l’union économique et monétaire (UEM), qu’il s’agit de sauver : sa survie, en tant que « coopération renforcée » prépondérante au sein de l’UE, conditionne à son tour la pérennité de celle-ci.

Ce sauvetage de l’UEM ne peut se réaliser que par une « fédéralisation ». Cela implique un budget, des ressources propres et une capacité d’emprunt autonome des « Etats membres fédérés » au sein de l’UEM. Seule une telle structure permet la conjugaison d’une discipline commune impérative et d’une solidarité nécessaire, similaire à celle qui prévaut à présent au « niveau national » en assurant les transferts internes indispensables et qui assure la cohésion de pays tels que l’Italie où la France, etc. A défaut, l’UEM ne pourra survivre ce qui entrainera l’implosion de la monnaie unique et l’effondrement de l’Union Européenne.

Jacques Sapir : Le pire ennemi de l’Europe aujourd’hui est l’Euro lui-même. L’Allemagne a imposé des solutions pour les pays connaissant de graves difficultés où ceux-ci doivent financer eux-mêmes les plans de sauvetage. On dit que cette politique est celle de Madame Merkel, ce qui est exact. Elle a saisi l’occasion de la crise chypriote pour préciser cette nouvelle doctrine. Olli Rehn, le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, a d’ailleurs confirmé le samedi 6 mars que les grands déposants des banques européennes pourraient souffrir si une banque venait à faire faillite. En fait, il faudrait, pour que la zone Euro fonctionne, que l’on transfère vers les 4 pays du Sud un minimum de 260 milliards par an, plus environ 90 milliards pour les autres pays et pour assurer l’équilibre des balances commerciales. On aboutit à 350 milliards de transferts annuels, dont l’Allemagne devrait couvrir environ 200, voire 250 milliards, soit de 8% à 10% de son PIB.

L’Allemagne, qui profite de l’existence de l’Euro à hauteur de 3% de son PIB, se refuse bien entendu à une telle solution. Donc, l’application de la nouvelle « doctrine » va conduire à une aggravation rapide de la crise dans ces pays et, en fin de compte, ne leur laissera pas d’autres alternatives qu’une sortie de l’Euro ou d’être définitivement ruinés. Ceci va empoisonner les relations au sein de l’Union Européenne. Il vaudrait mieux que l’on en tire rapidement les leçons et que l’on mette fin à cette tragique expérience qui s’appelle l’Euro. C’est d’ailleurs l’opinion de Hans-Olaf Henkel, ancien Président de la Fédération des industries allemandes, dans la revue Europe’s World.

Philippe Waechter : Le projet européen est, comme le rappelait Mario Draghi cet été, d'abord une construction politique. Cela veut dire mettre en commun des institutions, des règles de fonctionnement et partager une vision sur ce que doit devenir l'Europe. L'Euro a été l'étape ultime de la construction économique avant l'union politique. C'est ce statut qui pose un grand nombre de questions. En effet, les institutions de la zone Euro ont à l'exception de la BCE été construites comme des prolongements de ce qui existait déjà et des gouvernements. Alors que la mise en place d'une nouvelle monnaie requérait de nouvelles institutions spécifiques. C'est ce cadre spécifique qui a manqué. Depuis l'été 2012 des changements profonds ont été mis en place pour refonder les institutions et les rendre moins dépendantes des gouvernements. Ce cadre renouvelé doit permettre une meilleure coordination et aussi un meilleur contrôle de la situation de chacun en zone Euro.

Le risque, si l'on sacrifie l'Euro, est de détricoter l'ensemble de la construction. En effet, l'éclatement de la zone Euro provoquerait des ajustements brutaux et forcément un changement radical dans les rapports entre pays. Rien ne dit alors que l'Union Européenne résisterait à ces chocs remettant en cause le développement connu depuis la seconde guerre mondiale. Comment dans ce cas imaginer une dynamique européenne commune ? Ce serait illusoire. La construction européenne ne fonctionne pas bien et c'est à nous tous d'œuvrer pour en améliorer la dynamique, car l'Europe pour les européens reste la plus belle des idées.
La Deutsche Bank avait formulé en mai 2012 une proposition initialement émise par Citigroup en septembre 2011 visant créer une double monnaie en Grèce : l’euro resterait la devise pour les échanges commerciaux et la labellisation de la dette, et le « geuro » serait la monnaie intérieure. Plus largement, comment serait-il possible de démanteler l'euro, et par quoi le remplacer, si cette décision venait à être prise pour remédier aux déséquilibres entre le Nord et le Sud de l'Europe ?

Paul Goldschmidt : La proposition de la Deutsche Bank et de Citigroup est totalement utopique : pour fonctionner, elle implique un contrôle des changes (voir Chypre) qui est incompatible avec la liberté de circulation des capitaux au sein de l’Union. Si la convertibilité de la monnaie interne est maintenue, on assistera à une fuite constante des capitaux (la mauvaise monnaie chasse la bonne) et une « euroisation » de l’économie telle qu’on l’a connue en Yougoslavie où le Deutsche Mark et le Dollar ont remplacé les monnaies locales dans les années 1990. Démanteler l’Euro ne peut se faire sans un séisme qui entraînerait de graves déséquilibres, non seulement sur le plan interne mais aussi sur le plan international, résultant des cascades de faillites inévitables. L’existence de crédits considérables accordés par les banques du « Nord » au pays du « Sud » fragilise tant les débiteurs que les créanciers en cas de « sortie » unilatérale de l’UEM. C’est pourquoi tout doit être fait pour éviter un tel scénario.

Jacques Sapir : Cette proposition n’est pas réaliste à terme. Si l’on a deux monnaies coexistant sur le même espace économique, alors la « Loi de Gresham » (la mauvaise monnaie chasse la bonne) s’appliquera. Mais, c’est déjà ce que l’on voit à Chypre. C’est même le principal paradoxe de la crise chypriote. Pour rouvrir les banques le jeudi 28 mars, il a fallu mettre en place un cadre réglementaire extrêmement strict. Ce dernier a permis d’éviter un effondrement lors de la réouverture des banques chypriotes. Mais ces mesures ont abouti à créer deux euros dans les faits, l’un chypriote dont la fongibilité est limitée, et l’autre pour le reste de la zone Euro. Les concepteurs de ce système ne se sont pas rendus compte qu’ils administraient ainsi la démonstration que rien ne serait plus facile que de quitter la zone Euro. Tous les discours sur les aspects catastrophiques d’une telle sortie s’effondrent.

Désormais, ces contrôles sont en place, et ils ont été introduits avec l’assentiment de la Banque Centrale Européenne et de l’Eurogroupe en totale contradiction avec le Traité de Lisbonne. Cette évolution était en réalité prévisible depuis plusieurs mois. Une fois que l’on a accepté de renouer avec le principe des contrôles de capitaux, une sortie apparaît techniquement aisée à réaliser. Si l’on accepte le principe d’un démantèlement de l’Euro, cela se traduira par le retour aux monnaies nationales. Il sera alors important de coordonner les politiques de change entre les pays ayant retrouvé leur souveraineté monétaire. Ceci devrait s’appliquer entre la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce. D’autres pays pourraient progressivement venir s’adjoindre à cette coordination, qui pourrait déboucher, rapidement, sur une monnaie commune soit une monnaie venant s’ajouter et non se substituer aux monnaies existantes, et servant aux transactions commerciales et financières avec les autres pays.

Philippe Waechter : Pour moi cette question ne doit pas être et n'est pas celle du moment. Réfléchissons néanmoins autour d'elle. On pourrait imaginer une première étape avec un euro du nord et un euro du sud pour que chacun gère ses propres contraintes. Cette idée permettrait aux Etats du nord de disposer d'une marge de manœuvre qui lui serait propre, laissant les Etats du sud trouver les solutions à leurs difficultés.

Cette configuration n'a cependant pas de sens. En effet, les pays du sud dont l'activité se contracte rapidement peuvent avoir intérêt à retrouver leur monnaie pour dévaluer et espérer retrouver des capacités de croissance à moyen terme. Donc, aucun pays n'a intérêt à se lier les mains par la mise en place d'un euro du sud avant que la valeur de sa monnaie soit stabilisée. Cela prendra alors du temps. Cela sera porteur de fortes divergences de comportement entre temps.

Un euro du nord aurait probablement tendance à s'apprécier. Il n'est pas certain que tous les pays y participant y aient intérêt. La France, pour laquelle existent des questions sur sa compétitivité, n'aurait aucun intérêt à être associée à une monnaie qui s'apprécie. Le risque est que de crise en crise, après une séparation entre euro du nord et du sud, il n'y ait de stabilité qu'avec 17 pays et 17 monnaies. La conséquence serait un adieu alors au rêve européen puisque les rapports de force entre les Etats auraient changé de façon radicale.

Selon Bernd Lucke, les pays du Nord semblent "semblent actuellement bénéficier de la misère des Etats d'Europe du Sud, parce que la totalité des flux de capitaux quittent ces pays pour se diriger vers l'Allemagne, les Pays-Bas" aidant ainsi ces derniers à "réaliser des investissements à faibles coûts [...] au détriment des pays d'Europe du Sud". L'euro a t-il créé cette situation où, contrairement à ses objectifs initiaux qui consistaient à faire converger les économies européennes, le succès des uns s'exerce au détriment des autres ?

Paul Goldschmidt : Il est vrai que les flux de capitaux vers le Nord fragilisent les pays du Sud. La gestion calamiteuse du problème chypriote ne fera qu’aggraver cette tendance, notamment en décourageant tout dépôt de plus de 100.000 euros, susceptible d’être « ponctionné » en cas de restructuration bancaire induite ou non par un déséquilibre des finances  publiques. Pour contrecarrer cette situation, il faut accélérer la mise en place de l’Union Bancaire et briser le cercle vicieux qui rend les secteurs publique et bancaire interdépendants. L’existence d’un « marché financier  et bancaire » intégré au niveau de l’UEM devrait permettre les conditions de crédit de converger et ainsi de ne pas favoriser l’accès au -  et le coût du - crédit des entreprises du « Nord » au détriment de ceux du « Sud », la capacité financière intrinsèque de chaque emprunteur devenant le seul critère d’éligibilité.

Jacques Sapir : Ceci est entièrement exact. Ajoutons que l’Allemagne tire un profit supplémentaire de l’état de crise dans lequel se trouvent les pays d’Europe du Sud. Elle « importe » des jeunes diplômés (dont au passage elle n’a pas à supporter les coûts de formation), privant ainsi ces pays de leurs futures élites économiques et scientifiques et les enfonçant un peu plus dans la crise. On peut d’ailleurs se demander pourquoi l’Allemagne ne délocalise pas certaines de ses productions dans des pays comme l’Espagne ou la Grèce. La réponse est simple. Cette politique provoque une hausse mécanique du PIB de l’Allemagne, mais aussi celle des contributions sociales et budgétaires qui sont payées par ces « migrants » forcés, qui constituent l’équivalent d’un nouveau Service du Travail Obligatoire de sinistre mémoire de 1942. Au contraire, si l’Allemagne délocalisait certaines activités, elle serait obligée d’investir dans les pays concernés et les salaires des personnes employées ne donnerait pas lieu à impôts et cotisations sociales au profit de l’Allemagne mais du pays où ces gens travaillent.

Philippe Waechter : L'une des questions majeures de la zone Euro a été l'absence de coordination dans la gestion de la politique économique en dehors de la politique monétaire de la BCE. Il était imaginé au départ que, pour compenser le manque de processus d'ajustement endogène, la politique budgétaire puisse avoir ce rôle. Rien n'a été fait dans ce sens. En conséquence, il n'y a pas eu la possibilité de rééquilibrer la situation d'un pays par rapport aux autres. En outre, la gouvernance insuffisante a permis que se développent des déséquilibres forts et durables sans qu'il y ait de contrôle fort. Le souhait n'aurait pas été de limiter la croissance d'un pays mais d'éviter les éventuels effets de contagion en cas de rupture après un déséquilibre. Ces dernières années les exemples ne manquent pas.

En fait, il y a eu le sentiment que l'on pouvait avoir la monnaie unique et continuer à se comporter comme auparavant. Cela a été d'autant moins faisable que certains pays ont bénéficié du fait de l'euro de conditions financières très avantageuses se traduisant par un endettement privé élevé.

Ces faiblesses que l'on constate tout au long de la crise doivent être corrigées. La construction européenne a changé de cadre avec la monnaie unique mais ses institutions et ses modes de fonctionnement ne se sont pas suffisamment reformées pour être en phase avec la rupture qu'entraine la monnaie unique. Les corrections se mettent en place mais cela prendra encore un peu de temps. Pendant ce temps trouble, l'ancrage européen doit être renforcé afin de ne pas voir apparaître des forces centrifuges dont la conséquence serait l'éclatement de la zone.
Finalement, la zone euro aurait-elle évité une telle situation si l'intégralité des pays membres avaient tout simplement respecté les objectifs fixés en 1992 par les critères de convergence dans le Traité de Maastricht - entres autres, 3% du PIB de déficit par an et par pays et une dette n'excédant pas les 60% du PIB ? Cela signifie t-il que les gouvernements des Etats membres, et non l'Europe, sont les vrais responsables de la crise actuelle ?

Paul Goldschmidt : Le respect des critères de convergence et du Pacte de Stabilité n’auraient pas été suffisants pour éviter la crise financière, comme le démontre la vulnérabilité de l’Irlande et de l’Espagne due à des causes non visées par ces critères. D’autre part, la violation de ces critères a été une conséquence de la crise car les Etats se sont endettés d’abord pour renflouer le secteur bancaire et en suite pour financer la relance économique.

Le surendettement du secteur privé qui a causé la crise financière s’est donc propagé, à cause de l’urgence, au secteur public, l’endettement global excessif ne diminuant pas. Au contraire, la récession a fragilisé d’avantage les équilibres budgétaires et augmenté la dette publique, comme les derniers chiffres concernant la France le prouvent, débouchant sur la polémique actuelle concernant la pertinence d’une politique d’austérité. La réalité douloureuse est, qu’ayant vécu pendant des années au-dessus de nos moyens, il faut maintenant payer ces excès. Dans ce contexte, l’aggravation des inégalités entre nantis et démunis, l’étalage de comportements inacceptables aux plus hauts niveaux tant dans le secteur public (Cahuzac) que privé (rémunérations obscènes)  rendent le climat politique et social très fragile et mettent en cause la volonté et la capacité des autorités de prendre les mesures adéquates pour sauver l’Union Européenne et donc l’Euro.

Jacques Sapir : Si les pays, y compris l’Allemagne, n’ont pas respecté les « critères de Maastricht » c’est parce que cela était impossible. Ces critères ne sont pas adaptés à des situations économiques changeantes, qu’il s’agisse du critère de déficit ou de dette. Rappelons que seule la dette publique était surveillé, alors que ni la dette des ménages ni celle des entreprises ne faisaient l’objet de la moindre surveillance. La politique du crédit de la BCE a aussi contribué à rendre impossible le respect de ces critères. En fait, j’ai montré dans un ouvrage récent (Faut-il sortir de l’Euro ?, Le Seuil, 2012) que l’Euro avait fonctionné comme une « trappe à récession » pour une majorité de pays. Il n’y a pas eu de convergence des taux d’inflation, ce qui a démultiplié le problème de compétitivité relative à l’intérieur de la zone Euro. Quelles qu’aient pu être les erreurs de politique économique des divers gouvernement, et il y en a eu à l’évidence, la responsabilité de la zone Euro est pleinement et directement engagée.

Philippe Waechter : Les responsabilités sont partagées. Les gouvernements ont tiré la couverture à eux lorsque cela les avantageaient, l'Union Européenne a probablement manqué de crédibilité et d'ambition dans la transformation profonde de l'Europe.

Il faut maintenant mettre en place les institutions décidées afin de faciliter le fonctionnement de la zone Euro et de tourner l'action de tous vers la croissance. L'Euro existe, son démantèlement serait tragique dans un monde désormais davantage centré sur le Pacifique que sur l'Atlantique. Les gouvernements ont un rôle majeur dans la transition vers le cadre institutionnel se mettant en place progressivement. Ils doivent s'engager tout en sachant qu'à la fin ils perdront une partie de leur souveraineté. L'Europe a les moyens d'ancrer l'euro et de mettre en œuvre les réformes pour retrouver de la croissance. Ce chemin est l'œuvre de tous.

Une classe politique vraiment pas classe

Ce samedi, François Hollande est allé se ressourcer à Tulle. Il en avait besoin, tout secoué qu'il avait été par une affaire Cahuzac qui se rapproche dangereusement de lui. Il ne devait pas renouer le contact avec "les Français", mais "ça lui aurait coûté". Alors, il est allé caresser le poil un peu ras du moutontribuable local.

Et manque de chance, lors de cette visite en territoire pourtant conquis, un Français n'a pas hésité à lancer au Président qui se ressourçait un petit "faudrait pas oublier d'être de gauche, Monsieur" qui résume à lui seul à quel point le locataire de l’Élysée n'est plus du tout connecté au peuple qu'il prétend diriger. En effet, s'il est bien acquis que ceux qui n'ont pas voté pour lui ne sont certainement pas contents de son (in)action présente, tout montre qu'il a aussi rapidement perdu le soutien de ceux qui l'avaient clairement désigné comme président (par dépit ou par envie, peu importe).

En dix mois, François Hollande a réussi à se faire détester aussi bien de ses amis que de ses ennemis, à plonger le Parti Socialiste dans la consternation en lui conservant son hébétude routinière, et à mettre une panique mémorable tant chez ses députés que ses sénateurs et son gouvernement. En effet, si le pauvret n'est pas directement responsable des agissements de Cahuzac qui l'auront poussé à partir de Bercy avec le fracas qu'on connaît, les réactions présidentielles à la suite de cette affaire sont d'une mollesse sans précédent, mollesse et inadéquation patente avec la gravité de la situation qui provoquent 
(presque paradoxalement) une onde de choc mémorable sur toute la gauche française.

poufmag, avec Audrey Pulvar en couvertureIl n'est qu'à lire les réactions d'une Audrey Pulvar dont l'aspect pathétique s'ajoute au ridicule général et dans lesquelles on peut à la fois lire la panique d'une perte brutale de repère et le bon gros mensonge moraliné qui distingue les bobos socialoïdes du simple cuistre lambda ; ainsi, on apprend que la journaliste a bien été opérée de la honte très tôt puisqu'elle prétend avoir été en 1981 sur la place de la Bastille, à 9 ans donc, alors qu'elle habitait alors en Martinique, à 7000 km de là. L'insupportable parangon de journalisme people/engagé imagine et tente de nous faire croire au réveil de sa conscience politique au début d'une ère Mitterrand dont tout le monde se souvient qu'elle s'acheva deux ans plus tard par une déroute économique complète et dont personne ne peut maintenant se réclamer sans passer immédiatement pour un clown has-been.

J'avais déjà évoqué cette "onde de choc Cahuzac" en notant le lourd passé (judiciaire, notamment) des petits Père-La-Morale qui entendaient distribuer leurs bons et mauvais points aux exilés fiscaux puis au ministre déchu et je n'avais pu m'empêcher de remarquer qu'au milieu des sanglots théâtraux d'un Filoche en pleine crise de lyrisme en carton, on trouvait le brave Harlem Désir, courroucé sur commande, qui n'avait pu s'empêcher d'éjecter l'impétrant d'un Parti si bien rempli de belles âmes. On aurait pu s'en tenir là.

Las, comme disait le regretté Audiard, les cons osent tout et c'est à ça qu'on les reconnaît. Harlem Désir persiste donc et, comme Audrey Pulvar qui barbouille les ondes des conscientisations citoyennes imaginaires d'une enfant de 9 ans, il prend vigoureusement la parole pour réclamer un référendum dont le sujet serait, on en reste coi, "sur la moralisation de la vie politique".



Sacré Jean-Philou. Outre le vague bien gluant du sujet, que ne précisent guère les quelques propositions de référendums concrets qu'il préconise ("non-cumul des mandats", "contrôle du patrimoine des élus"), on voit bien, mon brave Jean-Philou, que ta proposition ne fait que camoufler le désarroi qui s'est emparé de tout ton Parti, écrasé entre l'hypocrisie débordante de ses dirigeants et la morale outragée de sa base. Un référendum sur le non-cumul ? Allons. Tu sais très bien qu'il n'aura jamais lieu, précisément parce que tous les Français (à part les 7500 élus les plus concernés) sont pour. Un référendum sur le patrimoine des élus ? La bonne blague, venant d'un condamné pour emplois fictifs ! La grosse plaisanterie, venant d'un parti qui accumule casseroles sur casseroles ! La super-vanne pourrie, venant de l'un de ces politiciens, de droite ou de gauche, qui ont toujours pratiqué la bidouille, la magouille, le trafic d'influences, les détournements de fonds publics et les échanges discrets de mallettes garnies ! Là encore, tu sais fort bien qu'un tel référendum ne sera jamais mis en place parce que tous les Français (sauf les gars comme toi) n'attendent que ça !

Désir de référendum

C'est d'ailleurs particulièrement hypocrite de ta part, Jean-Philou, de demander des référendums dont tu connais déjà le résultat (massivement positif) alors que sur les questions qui clivent vraiment les Français (le mariage homosexuel, par exemple), les gens comme toi se battent de toutes leurs forces pour qu'ils n'aient pas lieu ! Tiens, par exemple, mon brave Tramway Harlem, pourquoi ne demandes-tu pas plutôt un bon gros remaniement ministériel bien courageux, bien solide, bien net pour virer les mous, les incompétents, et les corrompus de l'actuel gouvernement ? Là, tu serais en phase avec plus de 60% des Français, dis donc ! Ça te changerait, en plus !

Mais comme je le disais plus haut, une telle démarche, de ta part, ou de celle de Pulvar ou ses semblables, ce serait simplement un nouveau choc ajouté à celui qui vient paralyser toute la classe politique du pays. D'ailleurs, le traumatisme est si fort qu'on en vient à lire des morceaux d'anthologie dans les feuilles de choux : elles tentent de fournir des onguents intellectuels pour les bleus et contusions qu'une telle affaire entraîne chez l'électorat qui les list habituellement. Et l'analyse est à la hauteur habituelle d'un Libération à bout de souffle (et de subventions) : si Cahuzac a tant pêché, c'est parce qu'il "est le symptôme de l’idéologie libérale dans laquelle nous vivons aujourd’hui".

Venant d'un politologue du centre de recherche de Science-Po, on comprend qu'une telle tirade indique à la fois l'effarement qui s'empare des "élites", et le niveau abyssal dans lequel leur inculture les maintient ; pour lui, si Cahuzac a fraudé, c'est parce qu'il était avant dans le privé. Et le privé, c'est le libéralisme, bien sûr, avec sa cohorte de plaies, d'enfants malades et de chatons énucléés. Point d'autre explication ne sera nécessaire : Cahuzac, ci-devant socialiste adulé, est maintenant un cancrelat libéral estampillé par les plus hautes instances de recherche en politologie-politique de politicarderie politicienne !

Les crises sont, dit-on, d'excellents révélateurs : elles permettent de distinguer ceux qui courent dans tous les sens en criant stérilement de ceux qui font preuve d'à-propos, qui ont l'esprit vif, qui comprennent la situation d'un coup d’œil rapide et mettent en place des solutions pragmatiques et viables pour surmonter les moments difficiles. Ce que toute cette affaire démontre de façon éclatante est que la France est à présent gouvernée par une bande d'andouilles paralysées, une brochette de lapins nocturnes et hébétés dans les phares d'une voiture puissante qui leur arrive droit dessus.

On a, depuis longtemps, dépassé le stade d'un besoin de bricolage, et même le gros-œuvre semble trop léger pour rattraper la chose. Le pédalo n'est plus suffisant. Nous allons avoir besoin d'un plus gros bateau.

we're gonna need a bigger boat