TOUT EST DIT

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mercredi 30 juillet 2014

Sous le chaos, l’espoir

Sous le chaos, l’espoir

Non, à la fin ! Ni les Français ni les Anglais ne sont responsables de la guerre civile qui ravage la Libye et leur impose de rapatrier leurs ressortissants. L'intervention militaire, même un peu rapidement préparée, même sous-tendue d'arrière-pensées de politique intérieure, a eu pour mérite primordial de faire tomber le tyran. Sous prétexte de chercher des chapeaux à faire porter, on en serait presque à regretter Kadhafi, son totalitarisme et ses tortures ? C'est un peu court ! L'intervention a sauvé des milliers de vies et mis à bas un intolérable régime. C'était beaucoup plus qu'un service minimum et il n'était pas forcément dans les devoirs des Occidentaux d'assurer l'après-vente et de contribuer à l'émergence d'une démocratie après avoir détruit les stocks d'armes que se sont ensuite partagés les milices.
Des élections libres ont eu lieu en juillet dernier. Les libéraux de Djibril l'ont emporté devant les islamistes, ce qui permettait d'espérer une évolution positive dans le processus de transition politique et marquait un coup d'arrêt à la percée des Frères musulmans. Comment dire, dès lors, que les affrontements entre milices et chefs de guerre qui mettent le pays à feu et à sang engagent la responsabilité des Occidentaux ?
Dans un pays sans Etat, la confusion prend souvent le pas sur la reconstruction, l'exemple irakien est là qui en atteste. D'autres exemples sont à méditer. En particulier celui de la Syrie, où l'on n'a pas su ou voulu faire chuter Bachar le barbare. Cela n'a pas empêché une guerre de religion fratricide, fomentée et alimentée par l'odieux dictateur lui-même. Au moins l'intervention militaire en Libye a-t-elle supprimé un fou sanguinaire. Peut-être aussi a-t-elle permis de le faire taire : la justice suit son coursæ En vérité, installer un semblant de démocratie dans un pays où règnent, armes lourdes à la main, plus de 1.500 milices hétéroclites et incontrôlables, est mission impossible.
Les islamistes radicaux ont perdu les élections. Ils sont, dit-on, en train de perdre aussi sur le terrain de la guerre. Si la Libye avait cette chance, son parlement pourrait alors redessiner les frontières coloniales, artificielles et géométriques, du pays et en finir avec l'ingérable géopolitique des tribus.

L’unique timonier

L’unique timonier

Que n'aurait-on dit si Sarkozy, comme vient de le faire le président de la République, avait saisi l'occasion d'une catastrophe aérienne pour surjouer la compassion et prendre les affaires en main ? A coup sûr, ce n'était pas le rôle d'un chef de l'État de s'occuper de tout, jusque dans les détails du rapatriement des corps, de la mise en berne des drapeaux, du retour des boîtes noiresæ À coup sûr, encore, c'était la meilleure façon d'avouer qu'il ne pouvait compter sur personne. Ce déploiement d'affliction n'était pas forcément justifié, même s'il est parfaitement dans sa fonction de témoigner son soutien et son aide aux familles dans la détresse. Pas justifié et dangereux car ses adversaires ne manqueront pas de lui rappeler, puisqu'il est l'unique timonier, que l'économie et l'emploi mériteraient aussi des prises de décisions exceptionnelles.
De la capacité du président à s'immerger dans les désarrois intimes, dans les drames qui frappent l'opinion, dépend, croit-on, sa cote dans les sondages. Les réformes, le parler vrai, le courage de l'intérêt général ne sont plus des arguments en politique. Le malheur pour dernier refuge de la popularité. Pauvre Jaurès !
Fatigués de mauvais indices, accablés de renversements de tendances qui ne viennent jamais, les Français aimeraient avoir le sentiment que la barre est tenue par une équipe unie, soudée au service du bien commun, une équipe qui ne montre pas ses divisions à la moindre occasion et qui n'oblige pas le président de la République à jouer le chef secouriste. Sans compter qu'il va enchaîner avec le centenaire de la Grande Guerre dont on a eu la mauvaise idée de commémorer le début plutôt que la fin. Et le tout sans doute entre une déclaration sur Gaza et une autre sur les chrétiens de Mossoul. Pourvu qu'il ne vienne pas à l'idée d'un conseiller en proximité de lui suggérer de nous souhaiter de bonnes vacances.
Crêpe noir aux drapeaux, l'été va essayer de reprendre ses droits en espérant que le destin ne lui inflige pas encore quelque grande douleur que nous serions contraints de partager collectivement en passant par profits et pertes les 3.000 victimes de la route.

On est gouverné par des Thénardier…

On est gouverné par des Thénardier…

D’accord… Pas question de dire que tous les députés et les sénateurs qui viennent (plus ou moins et plutôt moins pour certains) de rendre publiques, sur le Net, leurs déclarations d’intérêts (1), sont des Thénardier (lesquels avaient fait leur beurre en allant détrousser les cadavres de Waterloo). N’empêche que cette opération “Transparence” permet de découvrir, çà et là, quelques joyeux rapaces.
Henri Guaino, qui a toujours l’air aussi franc qu’un âne qui recule, ne décolère pas : « La folie de la transparence met en danger la vie privée et l’intimité. » Ah bon ? Et la sournoiserie de l’opacité, elle, elle ne met pas en danger la vie politique ? Ces députés, ces sénateurs, qui vivent à nos crochets et qui, pour certains, sont des cumulards de revenus, sont des hommes publics (2). Ils nous doivent donc des comptes, que ça leur plaise ou non.
Dans un pays où, le 15 du mois, des familles ne savent pas comment elles vont le finir, ce mois, où les chômeurs se comptent par millions, où des gens, qui ont pourtant un emploi, ont à peine de quoi se nourrir après avoir payé leur loyer, on ressent, à la découverte de ces Picsous bourrés de thunes, comme de la nausée. Une sorte d’antiparlementarisme ? Oui. Même si ça fait de la peine à Guaino et consorts. Quand certains députés gagnent plus de 100 000 euros par an en plus de leurs indemnités, on n’est pas obligé de trouver ça “normal”…
La loi, et les parlementaires nous le répètent à l’envi, n’interdit pas que lesdits parlementaires (députés et sénateurs) emploient un collaborateur de leur famille ? Non. Mais, légal ou pas, moi j’appelle ça du népotisme. Claude Bartolone emploie sa femme. Jean-François Coppé emploie la sienne (qui est par ailleurs et en plus psychologue pour enfants). Patrick Devedjian emploie sa moitié. Comme le font le très gaullard à tête d’empeigne Dupont-Aignan et le centriste Yves Jégo. La sénatrice UMP Sophie Joissans a embauché Papa (c’est pas une bonne fifille, ça ?). Le Vert-Rouge Sergio Coronado (ce n’est pas la bière que je préfère…) a embauché son frangin. D’autres emploient leurs enfants, leurs cousins, quelqu’un de leur parentèle. Et La Tantina de Burgos chantait naguère Dario Moreno…
D’autres, plus retors, ont mis au point un deal : « Tu embauches mon fiston et j’embauche ta femme. » Ce qui permet de rémunérer un collaborateur en s’exonérant des règles d’encadrement des salaires, les emplois concernés n’étant dès lors pas considérés comme “familiaux”…
Le malheureux et la malheureuse qui fréquentent Pôle Emploi, le travailleur qui est au Smic, le chômeur en fin de droits, n’ont pas à s’inquiéter, en revanche, pour François Fillon : gérant de son agence 2F Conseil, il a touché 142 500 euros en 2013. Pas d’inquiétude non plus pour Luc Chatel : conseil en stratégie, il s’est goinfré 188 135 euros pour la même année. Pas d’inquiétude encore pour Jean-Michel Baylet, qui va son train de sénateur : en 2013, il a touché 377 159 euros en tant que PDG du Groupe Dépêche du Midi ; 155 163 euros en tant que président de la SA Midi Olympique ; 23 575 euros en tant que président de la SA Nouvelle République des Pyrénées ; 144 983 euros en tant que président d’une société de communication. Et je pourrais allonger la liste ad nauseam.
Rien d’illégal, nous assure-t-on. Soit. Mais faudrait pas – en plus – que des Thénardier limite Auberge Rouge nous donnent des leçons de morale et viennent nous demander de faire un cran de plus à nos ceintures en simili-cuir quand les leurs de ceintures, siglées grandes marques, ne cessent de s’élargir…
(1) Professions exercées en parallèle, activités des conjoints, etc.
(2) Et des femmes publiques, mais là c’est plus équivoque… 

Entre la Russie et l’Europe, une stratégie perdant – perdant

Etre acculé, Vladimir Poutine sait ce que cela veut dire. Enfant dans le Leningrad d’après-guerre, muni d’un bâton, il pourchassait les rats dans la cage d’escalier de son immeuble décrépit. Un jour, a-t-il raconté dans son autobiographie, il en coinça un gros dans un cul-de-sac. Privé d’échappatoire, le rongeur lui sauta au visage, lui occasionnant la peur de sa vie.
Aujourd’hui, c’est le président russe qui est acculé. Provoqué manifestement par un tir de missile sol-air de ses protégés ukrainiens, le crash du Boeing de la Malaysia Airlines, qui a fait 298 morts, a rebattu les cartes. En mars, les Européens avaient honteusement fermé les yeux sur l’annexion de la Crimée par Moscou. Là, ils ont réagi avec vigueur, étendant mardi, pour la première fois, leurs sanctions à des secteurs clés d’une économie russe déjà en piteux état : la haute technologie, la prospection et l’exploitation pétrolière, l’armement, l’accès au marché financier occidental.
Le raidissement européen, programmé, était inévitable. Il n’y a aucun doute que Vladimir Poutine, tout à ses chimères de restauration de la puissance russe, porte une lourde responsabilité dans l’escalade.
Mais l’Europe ne doit en aucun cas s’arrêter là. Car elle a autant à perdre que la Russie dans une spirale des mesures de rétorsion. Des dizaines de milliers d’emplois sont en jeu (rien que le contrat Mistral a créé 1 000 emplois à Saint-Nazaire). Seule une détente russo-occidentale peut stopper la guerre civile en Ukraine, offrir un avenir à ce pays charnière et garantir l’approvisionnement énergétique européen. Tout en restant ferme, l’Europe doit tendre la main à Vladimir Poutine. Pour lui offrir une échappatoire. En espérant qu’il aura l’intelligence de la saisir.

Quand Hollande et "Najat" draguent à droite...

Quand Hollande et "Najat" draguent à droite...



François Hollande est sans illusions: s'il ne se passe rien d'ici 2017 et s'il parvient à ce moment-là à se porter candidat à un second mandat, il ne pourra évidemment pas espérer rassembler sur son nom le totalité de ceux qui lui ont permis d'accéder le 6 mai 2012 à l'Elysée. Il y a aujourd'hui, dans la nature, trop de disciples de Mélenchon qui ne lui pardonneront pas ce qu'ils appellent, dents serrées, sa "trahison".

Le chef de l'Etat regarde donc ailleurs, forcément sur sa droite.
Son objectif est double.
1. Si Nicolas Sarkozy, malgré les juges à ses trousses, est en piste, réunir les conditions (psychologiques et politiques) pour pouvoir expliquer, le jour venu, aux gens de droite... "raisonnables" qu'ils doivent faire le bon choix. Qu'on saura leur tendre la main.
2. Si Nicolas Sarkozy est hors-course, tabler sur les divisions de la droite et l'incapacité de celui ou celle qui serait alors en piste à fédérer tout son monde. En préparant le terrain, contre le FN de Marine Le Pen, à un accord "républicain" entre le gros du PS, les fragiles centristes et une fraction de l'UMP.
C'est dans ce contexte qu'il faut lire et relire les récentes déclarations à Europe 1 de Najat Vallaud-Belkacem, ministre du Droit des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Car l'intéressée, au-delà de ses sourires, ne s'est jamais beaucoup intéressée à la droite. Elle en avait d'autant moins la tentation qu'elle a vu pendant vingt ans, à Lyon, Gérard Collomb multiplier efficacement les clins d'yeux dans cette direction. C'était une raison de plus pour Najat Vallaud-Belkacem, qui rêve un jour de succéder à Collomb, pour jouer la carte inverse.
Or voici que la ministre du Droit des Femmes -évoquant la "dérive" d'une fraction de l'UMP au Sénat- explique, sur un ton... maternaliste, que l'UMP "a donné" à voir (en cette occasion) une image "qui n'est pas à son son honneur". Qu'il y a dans ses rangs une minorité qui rêve d'imiter l'hétéroclite Tea Party américain (dont Sarah Palin fut, un temps, l'héroine). Et que -cette fois, on s'accroche - "à droite aussi on trouve des progressistes". Lesquels "progressistes" sont invités par ses soins à savoir s'unir avec "les autres progressistes" lorque sont en jeu des "choses fondamentales" (à commencer par le refus de dérives "réacs").
Eclairant propos. Acculé dans les cordes par une croissance en panne et des Européens qui lui demandent des comptes, François Hollande a nommé Manuel Valls à Matignon, et s'est séparé des plus gauchistes des Verts. Il tient en respect (en tout cas pour le moment) les "frondeurs" tout en donnant un coup de barre (idéologique) à droite. Il a gommé la quasi-totalité des sujets (notamment sociétaux) qui faisaient conflit avec l'UMP. Et voici, maintenant, qu'à ses côtés son ex-porte-parole Najat Vallaud-Belkacem découvre des "progressistes" à l'UMP, et leur dit en substance: "Pourquoi pas ?".
L'automne sera chaud.         

L'extrême droite en Europe : comment expliquer la naissance d'Aube dorée en Grèce

La montée électorale, dès le début des années 1980, du Front national avait fait de la France une exception en Europe. Depuis, des États comme l'Autriche et la Belgique ont aussi connu la percée de partis politiques d'extrême droite, revendiquant la préférence nationale, dénonçant le cosmopolitisme, le multiculturalisme et, plus directement encore, la présence des étrangers. Les démocraties de l'Europe du Nord, qui semblaient échapper à cette poussée politique nationaliste, sont à leur tour touchées. Et si les scores de l'extrême droite sont encore faibles en Grande-Bretagne et en Espagne, les conditions de leur essor sont malheureusement bien présentes. Extrait de "L'extrême droite en Europe", de Béatrice Giblin, publié chez La découverte.

Les élections municipales de 2010 marquent le premier succès électoral de l’AD. En obtenant 5,29 % des suffrages à Athènes, son leader est élu au conseil municipal. Le parti obtient même 8,5 % des suffrages dans le sixième arrondissement de la ville où réside une forte population étrangère. Rappelons qu’à Athènes, les immigrés ne se trouvent pas concentrés dans des quartiers périphériques ségrégués : ils habitent dans la ville qui, au fil du temps, fut désertée par les couches les plus aisées parties vers la banlieue.
Selon les politologues, l’AD a su capitaliser l’angoisse des couches populaires habitant les quartiers d’Athènes les plus touchés par l’immigration illégale, ce qui, conjugué à l’appauvrissement d’un L'extreme-bon nombre de foyers à cause de la crise économique, lui a valu des résultats électoraux inédits. Ainsi, l’AD a formé de pseudo-comités de quartier, censés sensibiliser et mobiliser les habitants des quartiers défavorisés de la capitale, et a ainsi pénétré des milieux inquiets, en mal de perspectives. En même temps, des groupes formés de militants du parti bien reconnaissables entreprenaient de « nettoyer » les quartiers en intimidant et en s’attaquant fréquemment aux immigrés.
De fait, l’AD s’est construit l’image d’un protecteur des citoyens faibles en formant des réseaux d’entraide. L’histoire d’une personne âgée accompagnée par des militants du parti à la banque pour y effectuer un retrait d’argent fit la une de plusieurs quotidiens, bien qu’en réalité il s’agisse de la mère d’un membre du parti que son fils amenait à la banque. Des distributions de vivres « exclusivement à des Grecs » furent également opérées, ainsi qu’une collecte de sang à utiliser seulement pour des personnes hospitalisées de nationalité grecque, ce que les associations de médecins athéniens ont refusé avec véhémence. Un service d’aide à la recherche d’emploi fut aussi projeté, mais il n’a pas encore vu le jour. Il semble que cette politique de l’AD soit fidèlement calquée sur l’activité entreprise par le parti néonazi allemand NDP (Parti national-démocrate) à la fin des années 1990, qui mit en oeuvre des actions d’aide sociale au profit des populations défavorisées dans le but de présenter un visage de bienfaiteur. Un « activisme » favorablement reçu par certains médias.
Il convient ici de rappeler que, à rebours du discours des formations de l’extrême droite en Europe, ce groupe extrémiste grec met l’accent sur l’insécurité physique qu’engendre l’« invasion », selon eux, de la Grèce par des immigrés plus que sur la menace qu’ils constitueraient pour les emplois des Grecs. Fidèles à leur credo irréductiblement xénophobe, ils voient dans l’immigration une atteinte grave à l’intégrité de la nation. En deux mots, pour faire le bilan du premier succès de l’AD, tout comme en France lors des élections municipales de 1983 où le FN obtint des scores inquiétants dans quelques villes, les élections municipales d’Athènes s’avèrent un excellent point de départ pour l’AD et marquent sa présence définitive, tantôt seulement bruyante, tantôt violente, dans la vie politique du pays.
Lors des élections législatives anticipées de mai 2012, l’AD a recueilli presque 7 % des voix, franchissant aisément la barre des 3 % indispensables pour entrer au Parlement. Un mois plus tard, elle a confirmé sa présence en obtenant le même score lors du scrutin de juin (remporté par la droite) et en devançant même des partis traditionnels, tels que le PC grec. Il semble que la campagne de sensibilisation menée par divers groupes politiques et médias et qui mettait l’accent sur le véritable danger que constituait l’AD pour la vie politique démocratique n’ait eu qu’un très faible impact sur les électeurs.
En ce qui concerne son ancrage régional, l’Aube dorée a obtenu ses meilleurs résultats dans les circonscriptions de la région de l’Attique (la capitale et ses environs), y compris le Pirée et sa banlieue. Son score se situe aux alentours de 8 % ou 9 %. Viennent ensuite certains départements du Péloponnèse qui votaient traditionnellement à droite et quelques départements qui abritent des centres de détention provisoire d’immigrés illégaux (Corinthe) ou des villes qui constituent des points de passage pour ces derniers vers des pays de l’Europe de l’Ouest. En règle générale, le parti semble solidement installé dans de grandes agglomérations urbaines et, fait notable et alarmant, chez les jeunes générations : dans la tranche d’âge 18-24 ans, il passe largement la barre des 10 % et, dans certaines circonscriptions, il est même le double de sa moyenne nationale. À l’inverse, parmi les électeurs d’âge mûr ses résultats sont plutôt faibles. Enfin, il a opéré une percée spectaculaire parmi les électeurs qui votaient pour la première fois (22 %, pas loin des 30 % de Syriza) et il a aussi bénéficié d’un transfert de voix massif d’électeurs du LAOS, 18 % de ceux qui avaient voté pour les candidats de ce parti lors des élections de 2009.
Cette percée électorale de l’AD s’explique aisément par la crise économique et la récession dont les effets sont ressentis par des couches de plus en plus larges de la population. La Grèce a perdu en cinq ans 25 % de son PIB, suite à six années consécutives de récession ; le chômage a atteint des taux exorbitants (27 % de la population active janvier 2014) qui selon les prévisions ne baisseront qu’à long terme ; enfin le retour à la croissance est très incertain.
Le sentiment que le fardeau de l’austérité est injustement réparti alimente la rhétorique de l’AD qui dénonce les « politiciens traîtres et corrompus ». En cela, l’AD ne fait que reprendre des slogans avancés dans le passé par d’autres formations populistes ou extrémistes, tel le LAOS. L’aggravation de la crise économique et sa gestion inefficace par les partis dits « traditionnels » ont assurément amplifié cette perception des responsables politiques.
Mais la progression de l’AD ne s’explique pas uniquement par les difficultés économiques. On l’a vu : il y a des années que l’extrême droite a resurgi et s’est installée dans le paysage politique. Les autres partis n’en ont pas perçu la menace et ont même souvent adopté des politiques et des discours sur l’immigration qui, sans s’apparenter directement au discours de l’extrême droite, contribuaient à le banaliser. Si, après la dictature, le nationalisme était totalement discrédité, on assiste depuis la fin des années 1980, et notamment au cours des années 1990 à la propagation d’un nouveau discours nationaliste venu de l’extrême droite qui semble avoir pris racine dans certains milieux. Ce discours dénonce, parfois même violemment, les partenaires européens accusés d’avoir abandonné la Grèce, en lui imposant une politique d’extrême rigueur. Notons aussi que les leaders d’autres partis populistes ont eu presque tribune ouverte dans certains médias, ce qui a donné lieu à une propagation rapide de ce discours. Un terrain fertile dans lequel l’AD, naguère marginale, a bien su semer le discours de la haine raciale et du nationalisme le plus agressif. Il est nécessaire aussi de rappeler que l’AD a resurgi en tant que formation politique au début des années 1990. En effet, à cette époque, ses militants participaient à des manifestations nationalistes massives contre l’ex-République yougoslave de Macédoine car de nombreux Grecs, plus ou moins instrumentalisés par le gouvernement, manifestaient leur refus qu’un État ait le même nom qu’une de leur région historique, celle du grand Alexandre. Les militants de l’AD profitaient de ces manifestations pour agresser violemment des membres d’associations de gauche.
C’est un lieu commun de dire que l’AD a su parfaitement exploiter la méfiance des citoyens envers les partis traditionnels et l’inquiétude provoquée par la forte immigration clandestine qui frappe le pays depuis une décennie, contre laquelle elle a à plusieurs reprises utilisé la manière forte. Le leader de l’AD propose même de miner la frontière gréco-turque, au nord du pays, pour empêcher les immigrants de la franchir. Dans la capitale, des membres du parti ont été à maintes reprises traduits en justice pour agressions sur des étrangers.
Quant à la police grecque, elle a été souvent pointée du doigt, notamment pour sa passivité lors des attaques contre des étrangers. Notons qu’à Athènes, dans les bureaux de vote proches des casernes de police, le parti obtient d’excellents scores, à savoir 20 % ou même 30 %, bien au-dessus de sa moyenne nationale, et quand les autorités lancèrent une enquête judiciaire à l’encontre de l’AD, certains policiers soupçonnés de liens avec celle-ci ont été limogés.
Depuis les dernières élections de juin 2012, l’AD a toujours le vent en poupe dans les sondages, arrivant en troisième position, derrière la ND et le Syriza. Sa politique n’a pas radicalement changé même si, désormais, le parti s’efforce de montrer un visage plus présentable, en récusant les étiquettes de néofasciste ou de néonazi, mais son discours demeure extrémiste : « On nous a traités de nazis, mais on ne nous a jamais traités de voleurs. Ces mains parfois saluent comme ça [il fait le salut nazi], mais elles sont propres », s’écria le chef du parti lors d’une réunion en octobre 2012. La Shoah fut également mise en cause par le chef du parti, qui affirma à plusieurs reprises, et notamment dans l’intervalle des deux élections consécutives de 2012, que les chambres à gaz n’ont jamais existé. Il en va de même de son épouse, Eléni Zaroulia, elle aussi élue députée, qui, lors d’un discours parlementaire, a traité les immigrants de « soushommes » qui « ont envahi notre territoire, en le contaminant de toutes ces maladies qu’ils trimballent ».
Face à la montée constante de l’AD dans les sondages, diverses réponses furent envisagées. Interdire le parti fut l’une d’elles, également proposée par le Conseil de l’Europe qui s’est montré particulièrement soucieux de la montée du racisme en Grèce. Néanmoins, la Constitution hellénique ne prévoit aucune procédure d’interdiction judiciaire d’un parti politique même si son programme s’oppose aux principes de base du régime démocratique. De plus, comme ce fut signalé par de nombreux commentateurs, une telle démarche risquerait de renforcer son audience en lui donnant l’auréole d’un véritable parti antisystème, et cette interdiction ne l’empêcherait pas de renaître sous un autre nom. Vient ensuite l’adoption d’un nouveau cadre législatif concernant les crimes à motifs racistes et l’appel à la haine raciale, ce qui mettrait la législation nationale en conformité avec les standards européens. Le désaccord entre les trois partenaires gouvernementaux au printemps 2013 provoqua le gel du projet de la nouvelle loi ; un report qui peut apparaître stratégique pour la ND, qui peut craindre que l’entrée en vigueur d’une telle loi ne lui permette pas de reconquérir, dans l’avenir, une partie de l’électorat perdu au profit de l’extrême droite.
Formé à l’issue des élections de juin 2012, le nouveau gouvernement dominé par les conservateurs de la Nouvelle démocratie, adopta une politique plus rigoureuse envers les clandestins, en mettant en oeuvre un mois plus tard des opérations d’arrestation et d’expulsion d’illégaux. Cette opération semble avoir eu les résultats inverses. En faisant de la question de l’immigration clandestine la clef de voûte de sa politique, le gouvernement fournit une preuve irréfutable que non seulement les questions qu’aborde l’AD mais aussi son discours qui prône une politique musclée contre les illégaux, ont profondément imprégné le débat public.
Les militants du parti ont poursuivi, avec la bénédiction de ses dirigeants, cette politique d’hostilité violente à l’égard des immigrants : par exemple, ils ont manifesté contre la transformation d’un camp militaire désaffecté en centre de détention provisoire de clandestins, en prônant leur renvoi immédiat dans leurs pays d’origine. Ils sont allés même jusqu’à suppléer aux responsabilités étatiques, souvent mises à mal quand il s’agit de régler les problèmes quotidiens, en opérant des contrôles sur des marchés, en demandant leurs papiers à certains commerçants étrangers et en saccageant la marchandise de ceux qui ne pouvaient montrer un permis de séjour. Des gestes de ce type semblent trouver un écho favorable au sein de la petite classe moyenne qui s’est vue largement touchée et appauvrie avec la crise. Ainsi nombre de petits commerçants se sont montrés satisfaits de l’intervention de l’AD, qui à leurs yeux a tenté de mettre fin au marché noir, alors que l’État n’avait pas pu le faire.
Extrait de "L'extrême droite en Europe", de  Béatrice Giblin, publié chez La découverte, 2014. 

L’Islam des origines et la naissance du capitalisme

La propagation de l’Islam a sans doute été une opportunité pour la propagation du capitalisme et de la mondialisation.

Les Arabes se sont fait d’abord un nom dans les affaires ; leur réputation pour le zèle religieux n’est venue que plus tard. Les Arabes se sont constitués une réputation de commerçants de longue distance et d’investisseurs « preneurs de risque » bien avant l’avènement de l’Islam. La propagation de l’Islam a sans doute été une opportunité pour la propagation du capitalisme et de la mondialisation. Ce n’est guère surprenant, si l’on sait que l’Islam est la seule religion au monde dont le fondateur avait une expérience dans le commerce et descendait d’une longue lignée de marchands.

Pour Mahomet, la diplomatie commerciale est une tradition familiale. Sa famille, les Hachémites, tirent leur nom du grand-père de Mahomet Hashim, un marchand qui est devenu célèbre parce qu’il a conclu des accords commerciaux avec les Bédouins qui ont rendu les voyages des caravanes à travers les déserts d’Arabie plus sûrs et donc plus rentables. La propre carrière de Muhammad, en tant que commerçant, a décollé quand sa future épouse Khadija bint Khuwaylid lui a confié ses affaires. Khadija, une femme d’affaires, épousa plus tard Muhammad et est devenue la première convertie à l’Islam. Au cours de ses vingt-quatre ans de mariage, Mahomet s’est intéressé de près aux risques et aux avantages d’investir dans des caravanes. Il a fait bon usage de ce savoir-faire quand il a établi sa communauté à Médine et a élaboré les institutions et les lignes directrices pour une société où les entrepreneurs pourraient prospérer.
Mahomet et le marché
À Médine, l’une des principales initiatives de Mahomet fut de mettre en place un marché. En outre, à l’occasion d’une crise alimentaire, il a montré son soutien à l’autorégulation du Marché. En effet, lors d’une famine qui avait élevé le prix de la nourriture, les partisans de Mahomet lui ont demandé de plafonner les prix, mais il a refusé, arguant qu’il n’avait pas le mandat de fixer les prix parce que, comme il l’explique : « Les prix sont entre la main de Dieu », qui s’apparente à l’idée d’Adam Smith selon laquelle les marchés sont gouvernés par une «main invisible ». Cependant, ce n’est pas le seul cas où l’attitude de l’Islam originel envers les marchés anticipait les précepts de l’économie moderne. Selon l’économiste Friedrich von Hayek, les sociétés qui donnent libre cours à l’ardeur entrepreneuriale créent de la richesse et encouragent plus largement l’innovation. Ce modèle a émergé depuis le début dans les sociétés de l’Islam des pionniers. Par exemple, après que Mahomet ait conquis la terre autour de Khaybar, il a accordé à ses compagnons des concessions de terres, mais il leur avait demandé de prévoir une part de récolte à distribuer aux pauvres. À ce moment, Mahomet avait en effet introduit dans le droit de la propriété islamique le concept de curatelle. Il n’a pas fallu longtemps pour que ses successeurs trouvent de nouvelles applications pour cette innovation institutionnelle.
Le premier Calife, Abou Bakr, a acquis des propriétés pour les léguer à ses descendants, et le troisième calife, Othman, a acheté un bien à Médine et l’a offert à l’usage du public. Au fil du temps, de nombreux particuliers fortunés ont dédié leurs actifs à un large éventail de fins de bienfaisance, et ces œuvres de bienfaisance sont devenues célèbres sous le nom Waqfs. L’ampleur de ces dotations est considérable. Au XVIIIe siècle, les Waqfs à Istanbul fournissaient 30 000 repas par jour. Beaucoup d’autres Waqfs ont financé des académies d’enseignement, des madrasas. Mais la liste des réformes économiques du début de l’Islam est longue, atteignant son apogée au septième siècle avec la création d’une nouvelle monnaie, le dinar islamique. Le dinar islamique était basé sur l’or. C’était la première monnaie-or à être émise en dehors de l’Europe.
Dynamisme des économies islamiques
Médine credits tab59 (licence creative commons)Le dynamisme des économies islamiques au début ne pouvait manquer d’impressionner les partenaires commerciaux en Europe. En fait, bien que les politiques de l’Islam et de la Chrétienté au Moyen-âge s’inscrivaient dans l’adversité, dans le domaine commercial, il y avait des relations durables et entretenues. Les flux commerciaux à travers la Méditerranée ont stimulé les affaires dans des villes comme Venise et Gênes, où les marchands lançaient des convois ramenant des marchandises à prix élevé pour les revendre chez eux. Les convois et les caravanes peuvent sembler n’avoir rien en commun, mais leur modèle économique est le même : les investisseurs avancent de l’argent pour une entreprise, et les gestionnaires gagnent un bonus lié à la performance. Les cadres juridiques des convois et des caravanes étaient pratiquement identiques.
Les Croisés et les ordres religieux en Palestine se sont inspirés d’autres pratiques et institutions qui se sont avérées utiles une fois de retour chez eux. Lorsqu’en Angleterre, au 13e siècle, un certain Walter de Merton investit des actifs pour financer une institution pour la formation des étudiants à Oxford, les termes du protocole juridique reproduisaient ceux du Waqf destiné à la création d’une madrasa. Jusque là, les Waqfs fonctionnaient depuis plusieurs siècles dans les sociétés islamiques, tandis qu’en Angleterre, le concept n’avait jamais encore été appliqué.
Les personnes qui ont été en contact étroit avec les sociétés islamiques des pionniers ont été à l’origine de nombreuses innovations dans l’Europe médiévale. En particulier, les plus brillants mathématiciens de l’Europe ont souvent été formés par les Arabes. Le pape Sylvestre II, pendant ses jeunes années, est allé étudier en Espagne musulmane. Il en est revenu en étant capable d’expliquer comment calculer à l’aide d’un boulier, une technique que les Européens avaient oublié après l’effondrement de l’Empire romain. Leonardo Fibonacci, éminent mathématicien de Pise, a grandi en Algérie où il a eu un professeur arabe qui lui a montré comment utiliser des zéros, une compétence précieuse pour toute personne poursuivant une carrière dans les affaires.
Commerce avec l’Europe depuis l’Antiquité
Mais les savants, les pèlerins, et les intellectuels ne sont pas les seuls Européens qui se sont aventurés dans le domaine de l’Islam. Les marchands étaient un autre groupe clé. La tradition d’hommes d’affaires flibustiers qui ont importé des produits de luxe de l’Asie en l’Europe a commencé bien avant l’Islam. Déjà dans la Rome antique, les consommateurs sensibles au statut social étaient prêts à payer des prix élevés pour les perles (provenant de Bahreïn), l’encens (du Yémen), et le poivre (de l’Inde). Les escales pour les commerçants étaient en place tout au long des principales routes commerciales au Proche-Orient, et quand l’empire islamique a supplanté la domination byzantine, le terme grec pour ces auberges – pandocheion – s’est transformé en Funduq. (Aujourd’hui, le terme désigne les hôtels en arabe). Les dirigeants islamiques ont compris que le commerce à longue distance a été une source de recettes fiscales et ont activement encouragé la mise en place de fondouks dans l’Empire islamique. Les Funduqs étaient des bâtiments clos autonomes où les marchands disposaient de chambres et pouvaient conserver leurs marchandises sous clef. Saladin, dont le nom est souvent mentionné dans le cadre de sa guerre contre les Croisés, était un promoteur clé de la libéralisation des échanges. Saladin autorisait de nombreux européens à ouvrir des Funduqs en Égypte et ailleurs, et Alexandrie redevint ce qu’elle avait été dans l’Antiquité, c’est-à-dire la plaque tournante du commerce dans l’est de la Méditerranée. Des Funduqs ont également ouvert au Caire, à Damas et dans de nombreux autres centres commerciaux du Maroc aux côtes de la mer Noire. À bien des égards, les Funduqs étaient les précurseurs des centres commerciaux offshore d’aujourd’hui : les marchands étrangers avaient des codes fiscaux distincts et chaque Funduq avait un directeur général qui agissait en tant que représentant légal dans le cas où un commerçant avait un grief contre les autorités locales.
Le dynamisme des politiques économiques islamiques était la clé de la réussite des sociétés islamiques au Moyen-âge, et les transferts de connaissances vers l’Europe furent l’étincelle revigorant la croissance économique italienne, étincelle qui s’est propagée à travers toute l’Europe. Les Européens se sont détachés des modèles islamiques une fois qu’ils ont lancé leurs propres monnaies-or, et ont mis au point des cadres juridiques pour que des entités commerciales se transforment en sociétés. Dès lors, les économies européennes ont acquis leurs propres moteurs de croissance économique, et ont commencé à rattraper les économies islamiques. Mais il a fallu plusieurs siècles, pour qu’Adam Smith arrive et redécouvre l’enseignement de Mahomet : « le principe guidant le fonctionnement des marchés est une main invisible ».
Les sociétés islamiques d’aujourd’hui, cherchant à revigorer leurs économies ne doivent pas dupliquer des modèles institutionnels venant de l’étranger : un ensemble complet de mesures en matière de politique de la concurrence, de protection des consommateurs, et du commerce équitable sont déjà contenues dans les réformes économiques de Mahomet et de ses premiers successeurs. Sans doute, les racines de l’économie de Chicago se trouvent à Médine du septième siècle.
Extrait de Benedikt Koehler, Early Islam and the birth of capitalism, Lexington Books, 2014. 

Chrétiens d'Orient : le silence de François Hollande

Chrétiens d'Orient : le silence de François Hollande

Alors qu'il est omniprésent sur l'affaire du crash au Mali, François Hollande n'a pas eu un mot personnel pour les chrétiens d'Irak, préférant déléguer la tâche à ses ministres. Rédacteur en chef de Famille chrétienne, Samuel Pruvot déclare dans Le Figaro :

"Concernant François Hollande, ma thèse qu'il est un «décroyant». Il incarne toute une génération de responsables politiques pour lesquels la foi est un objet non identifié. Son silence par rapport au drame des chrétiens d'Irak n'est pas juste le résultat d'une prudence diplomatique. Dans la tête de François Hollande, les chrétiens d'Orient n'ont pas vraiment leur place. Pourquoi? L'essayiste Régis Debray a dénoncé cette amnésie qui vaut pour le Président et son gouvernement: «Les chrétiens d'Orient sont l'angle mort de notre vision du monde: ils sont ‘trop' chrétiens pour les altermondialistes, et ‘trop' orientaux pour les occidentalistes.» Briser le mur du silence reste très difficile. Seule une actualité particulièrement dramatique est capable de rejoindre l'opinion comme à Mossoul où les chrétiens avaient le choix entre l'exil ou le cercueil. Pourtant, cela n'a pas suffi à faire bouger François Hollande, même au nom du droit des minorités.
On a l'impression que cette histoire n'est pas la sienne, ni celle de la France. Le récent appel lancé par Christine Boutin et Rachida Dati en faveur des chrétiens d'Orient souligne le risque de disparition du «berceau du christianisme». Demain, plus personne ne parlera l'araméen - la langue du Christ - en Irak. Mais cela peut-il émouvoir François Hollande? Il a gardé le silence comme si les Chaldéens, les Coptes ou les Assyriens étaient les témoins d'une vieille histoire trop compliquée, d'un autre monde, d'une réalité anachronique qui ne nous concerne pas. Leur disparition serait moins grave, après tout, que la fonte de la banquise?! [...]
Certainement. François Hollande est tenant d'une laïcité «à la papa». Il reçoit les représentants des grandes religions à l'Elysée après les émeutes de Sarcelles. Sous la contrainte. Il est poussé par le conflit israélo palestinien importé sur notre territoire. Il se rêve en Henri IV, réconciliateur des Français menacés par les guerres de religion. Mais la réalité est moins glorieuse. Sans être anticlérical, François Hollande est simplement partisan d'une stricte séparation entre l'Eglise et l'Etat. On appelle les religieux à la rescousse du «vivre ensemble»... Mais guère plus. Certains, à gauche, dénoncent l'archaïsme des religions facteur de guerre. Sans prendre conscience que le laïcisme - même tranquille comme chez François Hollande - est aussi d'un autre temps.

De quoi Cambadélis est-il le nom ?

Quelles sont les qualités requises pour devenir premier secrétaire du parti socialiste ? On peut se poser la question quand on écoute Jean-Christophe Cambadélis.

« La France aujourd’hui est au rendez-vous des réformes, c’est l’Europe qui n’est pas au rendez-vous de la croissance » vient de déclarer Jean-Christophe Cambadélis, interviewé par la Dépêche du Midi, alors que c’est exactement l’inverse qui se produit sous nos yeux, puisque la croissance européenne est repartie depuis la fin de la récession, il y a un an environ, sauf chez nous1.
Il rajoute ensuite : « François Hollande est arrivé au pouvoir dans une situation contrainte (…) parce que la droite nous a laissé des déficits colossaux » . Et comme si de tels propos n’étaient pas assez grotesques, Jean Christophe Cambadélis s’offre le luxe de plaindre l’UMP et de lui faire porter l’entière responsabilité de la montée du populisme actuel : « Ce qui m’inquiète, c’est la situation de l’UMP. On ne peut pas se satisfaire qu’un grand parti républicain soit dans cet état là. Plus la droite est effondrée, plus le FN progresse avec de graves conséquences dans la société française ».
Certes, l’UMP fait pitié, ses cadres s’entredéchirent bêtement, la situation en est même ridicule. Mais tout de même…On imagine sans peine combien les hiérarques du PS apprécieront chez J-C. Cambadélis un tel dévouement rhétorique et une telle abnégation morale… Cela force le respect !
Quelles qualités pour être premier secrétaire du PS ?
Quelles sont les qualités requises pour devenir premier secrétaire du PS ? La question mérite d’être posée.
Harlem Désir credits parti socialiste (licence creative commons)
Harlem Désir
En réalité, si l’on se réfère à trois des quatre derniers titulaires du poste, F. Hollande, M. Aubry, H. Désir et J.-C. Cambadélis, pour prendre la tête du PS, c’est généralement assez simple : il est recommandé de n’être ni un leader, ni un visionnaire, encore moins quelqu’un de courageux. Tout le monde se souvient de la façon dont François Hollande s’était retrouvé à la tête de son parti en 1997, parce qu’il était le « plus petit dénominateur commun ». Par défaut en quelque sorte. La nomination de Harlem Désir ressemble à s’y méprendre à celle de F. Hollande avec en plus des circonstances aggravantes puisqu’il n’avait même pas été élu par les militants. Quant au profil de J.-C. Cambadélis, il est du même acabit : sans trop prendre de risque, on peut affirmer qu’il ne s’agit pas d’un grand homme politique, du genre providentiel, capable de redresser notre pays déclinant.
Et pourtant, n’importe qui ne peut pas devenir premier secrétaire du PS. Une qualité essentielle est nécessaire, qui semble incontournable puisqu’on la retrouve à l’identique chez Cambadélis comme chez Désir, Aubry ou Hollande. Cette qualité est même leur seul et unique point commun. Laquelle ? Savoir mentir. Savoir mentir pour entretenir la flamme de la pensée socialiste.
D’aucuns diront que le socialisme est mort et que s’il bouge encore, ce ne sont que réflexes post mortem. Que nenni ! Le socialisme à la française n’est ni mort ni mourant. Il reste on ne peut plus vivant. N’a-t-il pas investi depuis des décennies une bonne partie des mentalités de notre pays ? Ne s’est-il pas subrepticement glissé dans le politiquement correct français au point d’en avoir déterminé la plupart des valeurs ? N’est-il pas repris de façon inconsciente par la plupart des personnalités politiques françaises, y compris de droite ?
Le dogmatisme pour tout bagage
Tout ceci grâce à qui ? Ne serait-ce pas grâce à ces fantastiques premiers secrétaires du PS qui, contre vents et marées, indépendamment des faits socio-économiques, maintiennent la barre à bâbord ? Qui d’autre aurait été capable d’entretenir la foi dans un étatisme qui n’a nulle part correctement fonctionné ? Qui d’autre aurait su maintenir du crédit autour d’une pensée rétrograde dont les fondements communistes ont partout semé désolation et privations de liberté ? Qui d’autre aurait pu continuer à promouvoir des décisions aussi contraires au bon sens économique et à la libre entreprise ? Qui donc aurait pu oser encore se targuer de mesures dignes du planisme le plus rigide ?
Il faut rendre hommage à ces premiers secrétaires du PS ! Savoir façonner son discours en fonction du catéchisme socialiste français, savoir se refuser tout message contraire au dogme du clergé, fût-il pourtant en phase avec la réalité, n’est-ce pas admirable ? Défendre un gouvernement qui réussit la gageure d’accroître à la fois dette, impôts et nombre de chômeurs, n’est-ce pas grandiose ? N’est-ce pas là la preuve d’une admirable discipline personnelle ? D’un asservissement historique aveugle ? D’un dévouement qui force le respect ?
Vraiment, par les temps qui courent, il serait ingrat de ne pas apprécier à sa juste valeur un tel renoncement baroque. On y décèlerait même une dimension quasi romantique, à vouloir poursuivre avec un tel entêtement dans une voie sans issue. C’est émouvant.
Qu’on se le dise, la grande lignée des petits secrétaires du PS perdurera au-delà de tous les échecs économiques et politiques de la gauche française ! Tant qu’elle maîtrisera le Verbe, et donc les consciences, il en ira de la sorte. Ainsi assurera-t-elle longue vie à cette face noire et crapoteuse de la politique française.