Nicolas Sarkozy use souvent de la métaphore cycliste du Tour de France avec ses « étapes de plaine et de montagne »
pour parler de ses campagnes. Le summum de l’épreuve, pour lui c’est « le mont Ventoux, le Tourmalet et l’Alpe-d’Huez »
, ces cols mythiques où « chaque coup de pédale compte ».
C’est dans ce moment d’effort ultime, avant la ligne d’arrivée, qu’il
se trouve aujourd’hui. À 57 ans, Nicolas Sarkozy est candidat à sa
réélection et son objectif est de franchir en tête le premier tour de la
présidentielle pour créer une dynamique en vue du second. Dans son
esprit, débuterait alors une autre campagne, une autre histoire à
écrire.
L’énergie du sportif
Dans
sa fonction de président comme pour sa campagne, Nicolas Sarkozy
s’impose une hygiène de sportif car son agenda électoral est rempli
matin, midi et soir, sept jours sur sept. Peut-être inspiré par les
exploits de ses amis champions Lance Armstrong et Richard Virenque, le
chef de l’état entretient sa forme. Oublié le malaise de juillet 2009,
sous la canicule.
« Tous les jours, je fais du sport. Je pense que
c’est extrêmement important. C’est le seul moyen de résister à la
pression, au stress, d’être tranquille, de ne pas grossir »,
a-t-il confié après une sortie à bicyclette le week-end de Pâques.
Du
vélo dans le col du Canadel au-dessus de la Méditerranée, un jogging
dans Central Park à New York, ou dans le parc de l’Élysée avant et après
un voyage de douze heures sur l’île de La Réunion…
« Ce n’est pas du chiqué pour la télévision. La course, c’est ce qui le sauve »,
assure Isabelle Balkany, une fidèle de longue date. L’exercice physique va de pair avec une forme d’ascèse.
« À 20 h 30 c’est extinction des feux »,
plaisante un conseiller de l’ombre. Le président ne boit pas et ne fume
pas, à part quelques cigares. Et s’il a un faible pour les chouquettes
et les chocolats, gourmandises essentielles à ses loges de meetings, il
n’est pas très amateur de bonne table.
« Il est plutôt du genre à manger quelque chose qui va lui faire perdre 500 grammes »,
sourit un invité de l’Élysée. Il n’a pas la passion de Georges Pompidou
pour les plats de paysans ou le coup de fourchette de Jacques Chirac
pour la tête de veau.
« Au fond, il est mal imprégné de ce qu’aiment les Français »
, souligne le gaulliste Jean-François Probst, ancien conseiller de
Jacques Chirac et de Charles Pasqua, qui soutient aujourd’hui le
centriste François Bayrou.
La puissance de travail
Des
semaines pleines de rendez-vous, quelques espaces de liberté les
samedis et dimanches : au quotidien, amis et collaborateurs observent un
homme
« méticuleux »
, qui «
ne se complaît que dans le travail »
et qui,
« lorsqu’il s’arrête d’agir, va bosser les dossiers »,
au point de
« les connaître mieux que ses ministres »
.
« Son énergie est une constante. Il a toujours été comme ça depuis
son plus jeune âge. Il a toujours voulu régler les problèmes lui-même. À
ses débuts au RPR, il ne partait pas en vacances au mois d’août ! »,
se rappelle
Patrick Balkany, maire UMP de Levallois-Perret, qui partage avec le chef de l’État des origines hongroises.
Isabelle Balkany a une explication :
« Nicolas
est hypermnésique. Il possède un progiciel de mémoire au-delà de la
norme. C’est la capacité à enregistrer une somme phénoménale
d’informations. Il en tire la synthèse, l’analyse de la synthèse et des
idées personnelles. C’est bluffant. »
Des journaux, des contributions ou encore des notes, de droite et
parfois de gauche : il lit très vite, surligne beaucoup et se souvient
de tout. Jusque dans les détails du cours de l’endive, placé dans un
dialogue avec une productrice de tomates lors d’une émission sur TF1.
Mais il lit aussi les œuvres complètes de Maupassant ou de Simenon ou
visionne de vieux films.
Un conseiller de la présidence assure que ce n’est
« pas factice »
. Cette communication sur les passions du chef de l’État pour les livres
et les films qu’il adore regarder avec son épouse Carla a d’abord pour
objectif de faire oublier sa maladresse à l’égard de
La
Princesse de Clèves
, œuvre de Marie-Madeleine de La Fayette
qu’il avait eu l’imprudence de dénigrer en 2008. Lui est surtout un
dévoreur de télévision, toujours branché sur l’actualité nationale et
internationale.
La volonté de convaincre
François
Mitterrand et Jacques Chirac voulaient séduire. Nicolas Sarkozy, lui,
veut convaincre. Il est avant tout un avocat, son métier d’origine, et
un débatteur.
L’écrivain Denis Tillinac, très proche de Jacques Chirac et qui soutient Nicolas Sarkozy, se souvient de leur rencontre :
« J’ai
vu arriver un gars qui parlait comme Gabin, dans un film de Verneuil,
avec des dialogues d’Audiard ! J’ai été séduit par sa marginalité par
rapport à la technostructure. Il a une espèce de fluidité, une mobilité
intellectuelle fascinante, supérieure à tous. Il n’est pas prisonnier du
métalangage des énarques ou des rites des
préfets. C’est pourquoi il aime bousculer les grands corps ».
Dans ce moteur de l’ambition, l’affectif joue un rôle essentiel, tout comme un certain goût de la provocation.
« Il aime ou il déteste,
poursuit Denis Tillinac.
Il a des emballements.
Il “antagonise” toujours un peu. C’est son starter. Il a besoin de ça. » « Son tempérament est de prendre tous les risques »,
confirme son ami, l’ancien ministre Brice Hortefeux. Pour prendre le
pouvoir ou le garder, Nicolas Sarkozy ne lésine pas sur les moyens.
Jean-François Probst se rappelle comment Nicolas Sarkozy a ravi la
mairie de Neuilly-sur-Seine à Charles Pasqua en 1983, avec
« ce côté
attachant, machiavélique et culotté, enfant naturel de Mitterrand et de
Chirac, cette façon d’entrer par les trous de serrure, cet entêtement du
forcené ».
« Il veut à tout prix »,
conclut-il. Ce désir de gagner l’adhésion se traduit parfois par des
emportements ou une forme d’agressivité verbale, comme ont pu s’en
rendre compte des pêcheurs, des chercheurs ou des magistrats, durant son
mandat.
Le sens du récit
Nicolas Sarkozy est à la fois l’acteur et le metteur en scène de sa propre histoire. En 2007, il a mis en avant son statut de
« fils d’immigré, de petit Français au sang mêlé »
. En 2012, il met en valeur son profil
« protecteur »
de «
président des crises »
.
« Il n’a pas besoin de gourou en communication car le gourou, c’est lui ! »
estime un professionnel.
Officiellement déclaré candidat le 15 février dernier, le président sortant a depuis longtemps
« en tête »
le scénario de sa deuxième élection présidentielle. Début 2011, il y
réfléchissait déjà. Serait-il, confiait alors un proche de l’Élysée,
« le candidat de la révolte ou du peuple contre les élites »
, face à Dominique Strauss-Kahn, encore directeur du Fonds monétaire international, ou
« le candidat de l’union nationale contre l’extrémisme »
, représenté par la présidente du FN Marine Le Pen ? Nicolas Sarkozy a fini par choisir d’incarner les deux :
« candidat du peuple de France »
sur les estrades, à la recherche du vote populaire, et partisan d’un
« grand rassemblement d’unité nationale »
en cas de réélection, pour tenter de gagner les voix centristes.
« Il
aime surprendre, être admiré, se voir sur la scène de l’Histoire. Comme
en Libye où il s’est installé en chef de l’armée française. Il a un
côté Bonaparte au pont d’Arcole ou France des mousquetaires »
, s’enthousiasme Denis Tillinac, qui a accompagné le chef de l’État au
Vatican en octobre 2010. Mais à l’heure du vote, remarque Jean-François
Probst,
« son attirance pour le monde de l’argent, sa défense des banquiers et des grandes entreprises »
ainsi que
« les promesses non tenues »
contribuent à alimenter le
« rejet »
et s’avèrent
« ses principales faiblesses ».
L’exercice solitaire du pouvoir
Nicolas Sarkozy, longtemps qualifié d’
« hyperprésident »,
a
« une stratégie élaborée personnellement, avec un petit cercle »
, note un responsable
UMP.« Comme il a gouverné, il fait sa campagne. Il a la force du combattant. »
S’il est fidèle à sa bande de copains et s’il travaille par cercles horizontaux d’entourages et d’alliés,
Nicolas Sarkozy s’appuie surtout sur une dizaine de collaborateurs, parmi lesquels le stratège Patrick Buisson et la « plume » Henri Guaino tiennent un rôle essentiel.
« Ce sont ses doudous »,
s’amuse un ténor de la majorité pour évoquer l’alchimie réussie de la victoire de 2007. Pour autant ajoute-t-il,
« il n’est pas sourd »
même s’il n’est
« pas toujours très habile avec ceux qui ne sont pas dans son raisonnement ».
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Son parcours
Une famille recomposée
Nicolas Sarkozy
est né le 28 janvier 1955 à Paris. En février 2008 à l’Élysée, il a
épousé en troisièmes noces la chanteuse et ancienne mannequin Carla
Bruni, maman d’un petit garçon, Aurélien. Il est père de quatre
enfants : Pierre, Jean, Louis et Giulia, née en octobre dernier.
L’homme fort des Hauts-de-Seine
Avocat
de profession, Nicolas Sarkozy a été maire de Neuilly-sur-Seine
(1983-2002), député des Hauts-de-Seine (1988-2002) et président du
conseil général de ce département (2004-2007). Il a été ministre du
budget (1993-1995), dans le gouvernement d’Édouard Balladur, de
l’intérieur (2002-2004 et 2005-2007) et de l’économie
(mars-novembre 2004) dans les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et
Dominique de Villepin.
Balladur, plutôt que Chirac
Membre
du RPR puis de l’UMP, Nicolas Sarkozy a été, lors de la présidentielle
de 1995, un partisan du premier ministre Édouard Balladur, dont il fut
le porte-parole, contre Jacques Chirac, qui sera élu. Le 6 mai 2007, il
est élu à la tête de l’état avec 53,1 % des voix, face à Ségolène Royal.
« Oui, il est pétri de convictions mais il
n’est pas pétri de certitudes. Il teste les idées ou les mesures auprès
des uns ou des autres »,
nuance Isabelle Balkany, qui lui adresse ses remarques par textos. « Il est allé trop loin dans la transgression de la fonction présidentielle alors que les Français veulent un roi,
analyse Denis Tillinac. Il y a eu une vindicte contre l’argent et il
l’incarne. Il est extrêmement orgueilleux et il doit le vivre comme une
injustice. »
Pour Jean-François Probst, « comme Giscard et Balladur, il a péché par arrogance et sûreté de soi »
et il « a manqué d’esprit d’équipe »
, au point de se retrouver aujourd’hui « dans une grande solitude ».
(1) Christian Courrèges, à qui La Croix
a confié le soin de photographier les candidats à l’élection
présidentielle, n’a pas encore eu l’occasion de le faire avec Nicolas
Sarkozy.