jeudi 1 décembre 2011
Évolution des libertés - des journaux clandestins aux révolutions via l'Internet
Par Jerzy Buzek, président du Parlement européen et ancien membre de Solidarnosc en Pologne.
Neuf jours après la chute du dictateur libyen, alors que je me promenais dans les rues de Tripoli, un homme d'âge moyen m'aborde et me dit: "Mon ami - nous avons besoin que vous nous aidiez, nous sommes disposés à accepter votre aide".
Le Prix Sakharov a une Égyptienne et à une Syrienne
Nous aspirons tous aux mêmes libertés
La solidarité doit toujours l'emporter
L'Eurogroupe pourrait donner de l'oxygène à la Grèce
ZONE EURO. Les ministres des Finances de la zone euro se réunissent mardi 29 novembre 2011 à partir de 17 h à Bruxelles pour étudier plusieurs dossiers chauds au sein de l'Eurogroupe
D'abord, faire un point sur la crise de la dette. Cette réunion a lieu alors que la situation se dégrade dans la zone euro. Le quotidien économique français La Tribune a annoncé que la France pourrait se voir appliquer par l'agence de notation Standard & Poor's une perspective négative dans une dizaine de jours, prélude à la perte du fameux triple A.
S&P a refusé de commenter ce qu'elle qualifie de "rumeur". L'idée de proposer un nouveau pacte de stabilité entre les pays bénéficiant du triple A est toujours discutée.
Ensuite, l'Eurogroupe pourrait enfin débloquer le versement de la tranche de prêt de 8 mrds€ à la Grèce. Une enveloppe qui avait été gelée après la décision unilatérale de Georges Papandreou de lancer un référendum. Le nouveau gouvernement grec devrait finalement s'engager par écrit à appliquer les réformes demandées par l'Europe et le FMI dans le cadre du plan de sauvetage du pays. Sans cette somme, l'État grec tomberait en faillite d'ici à la mi-décembre 2011.
Enfin, à l'ordre du jour le Fonds de secours pour les pays en difficulté (FESF) destiné à éviter la contagion de la crise de la dette à l'Italie et à l'Espagne. Le FESF pourrait se muer en un mécanisme d'assurances permettant une garantie sur les pertes éventuelles des investisseurs acquéreurs de dettes des pays fragiles.
Au cours de cette séance des pays de l'Eurogroupe, qui seront rejoints par les autres pays européens mercredi 30 novembre 2011, sera nommé officiellement le nouveau représentant français au directoire de la Banque centrale européenne, Benoît Coeuré. Actuellement directeur général adjoint du Trésor français, il remplacera l'Italien Lorenzo Bini Smaghi.
Le principe de panique à l’oeuvre
En voici l’intrigue : physicien de génie, le docteur Hoffmann (Edgar Allan Poe n’est pas loin), ancien chercheur de l’accélérateur de particules Large Hadron Collider, met au point un hedge fund informatisé.
A l’échelle de la milliseconde, VIXAL-4 scanne le Web en quête de signes de panique, ciblant des termes comme terrorisme, alerte, horreur, fin, déclin, crise, banqueroute, danger, gouffre, inquiétude, accident nucléaire.
Dès que les indicateurs clignotent, il peut parier aussitôt sur une chute des cours et engranger des milliards en quelques secondes. Le hedge fund enregistre une croissance annuelle de 80 %.
Naturellement, les choses dérapent. La machine commence à spéculer de son propre chef, semant la panique. Le mariage, la famille et la psyché du héros finiront par sombrer avec l’ensemble de l’économie mondiale.
La "crise" n’existe que parce que tous y croient
Supposons un instant que cette fiction soit depuis longtemps une réalité, et que la crise de la zone euro ne soit que le résultat d’une angoisse collective. Une angoisse qui monte. Qui se propage. Qui maraude de cerveau en cerveau. Une infection collective. Pour alimenter le système, un ordinateur central type HAL ou Big Brother ne serait même pas nécessaire.La "crise" n’existerait que parce que tous y croient. J’entends d’ici les oracles de la crise me dire : n’existe-t-il pas des faits vérifiables ? Les banques ne sont-elles pas responsables de la crise de l’immobilier, n’ont-elles pas poussé les pays européens à s’endetter ?
Ou sa variante – nos dirigeants politiques irresponsables n’ont-ils pas continuellement agi à l’encontre des marchés en jetant sans vergogne l’argent du contribuable par les fenêtres, aux frais des générations futures ?
Peut-être tout cela n’entre-t-il plus en ligne de compte depuis longtemps. Dans son nouveau livre, Mood Matters [“L’humeur compte”, éditions Springer], le futurologue et génie des mathématiques John Casti montre comment l’état d’esprit conditionne l’histoire.
Avec un argument radical : ce ne sont pas les événements du monde réel qui décident de l’avenir, mais exclusivement les attentes collectives fictives. Comment disait Epictète, déjà, 2000 ans et plus ? "Ce qui trouble les gens, ce ne sont pas les événements, mais l’idée qu’ils se font des événements".
Une industrie de la peur et de l'effroi dans les médias
Les vilains spéculateurs ne sont pas les seuls à spéculer contre l’euro. Depuis longtemps, une industrie de la peur et de l’effroi est à l’œuvre dans les médias, qui misent essentiellement sur la surenchère de titres chocs."Ambiance d’apocalypse dans la zone euro" ; "La fin du règne de l’argent" ; "L’adieu à la prospérité". Des professeurs en colère viennent pérorer dans les émissions de débat sur l’air de "je l’ai toujours su". A chaque nouveau débat, la petite musique de la peur monte d’une octave.
Cette "fearconomy" [économie de la peur] n’a-t-elle pas supplanté depuis longtemps déjà une économie réelle qui, elle, doit miser sur le changement, l’ajustement et le renouvellement ?
Terrorisme, alerte, horreur, fin, déclin, crise, banqueroute, danger, gouffre, inquiétude et accident nucléaire ne forment-ils pas le modèle économique le plus formidable de tous les temps, si l’on considère que l’homme est au plus profond de son être un angoissé ?
"Nous sommes profondément convaincus”, confie le docteur Hoffmann dans le roman de Robert Harris, “que c’est l’informatisation elle-même, l’interconnexion du monde entier, qui est la cause du vent de panique mondial. Et qui nous permet de nous faire de l’argent, et même un paquet !"
La dictature du court terme à l'assaut des Etats
A force de se projeter dans l’éclatement de la zone euro, les opérateurs de marché en créent les conditions.
Vive la crise! Pour les marchés financiers, la crise de la dette publique dans la zone euro n’a pas que de mauvais côtés. Les agences de notation dégradent les notes attribuées à la dette des Etats les plus fragiles, comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, l’Italie, et maintenant la Belgique… Ces pays, dans la ligne de mire des spéculateurs, ne peuvent se refinancer sur les marchés qu’à des taux de plus en plus élevés. La France n’est pas épargnée. Bonne affaire, pour les créanciers!
Le malade et le thermomètre
En effet, la dégradation des notes est réputée traduire un risque plus grand qui, lui-même, justifierait des taux plus élevés. C’est ainsi que l’Italie, aujourd’hui dans l’œil du cyclone, se finance à la fin novembre sur les marchés à des taux supérieurs à 7% pour des emprunts à dix ans, contre 5% il y a trois mois.Est-ce la bonne méthode pour contribuer au redressement? Si on prend l’exemple de la France, une hausse d’un point du taux d’intérêt correspond à une rallonge de 10 milliards d’euros sur cinq ans du service de la dette.
Les agences se défendent, au prétexte qu’elles ne font que mesurer un niveau de solvabilité en croisant de nombreux paramètres. Certes, ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on guérit un malade; ce n’est pas non plus en tapant dessus. On ne peut imaginer que la sanction suffise à redresser l’économie.
Ce serait plutôt le contraire: en empruntant plus cher, les pays alourdissent leur endettement… ce qui justifie une nouvelle dégradation, et ainsi de suite jusqu’au naufrage. Comme pour la Grèce. Avec des implications sociales imputées à l’euro et qui sont en fait les conséquences de la dépendance des Etats aux marchés.
Le principe des prophéties auto-réalisatrices
Les marchés ont ainsi la capacité d’émettre des prophéties… auto-réalisatrices. En brandissant la menace d’une dégradation puis en l’appliquant, les agences de notation (qu’aucune instance ne contrôle) modifient le rapport de forces entre Etats et créanciers et la confiance que ceux-ci accordent à ceux-là. De sorte que les Etats s’endettent encore plus. Elles peuvent donc justifier a posteriori leur décision par l’évolution d’une situation qu’elles ont elles-mêmes contribué à créer.Certes, les Etats placés sous les projecteurs ont laissé filer leur endettement. On soulignera toutefois qu’une partie du problème de la dette souveraine provient de la crise bancaire déclenchée par ces mêmes opérateurs financiers. Mais on ne règlera pas le problème si on ne laisse pas le temps à ces Etats de mettre en place les conditions de l’assainissement. Tel est pourtant le mode opératoire des acteurs des marchés financiers, qui jouent ainsi l’éclatement de la zone euro.
La dictature du court terme
La pression opérée par les agences de notation et les spéculateurs va dans le sens souhaité par les adversaires de l’euro, qui peuvent se prévaloir de la crise de la dette souveraine pour justifier leurs attaques. Les europhobes ont trouvé leurs alliés. Le dernier rapport en date est celui de l’agence Moody’s le 28 novembre, menaçant tous les pays de la zone euro, France et Allemagne comprises ainsi que d’autres pays jusqu’à présent épargnés. «Alors que la zone euro dans son ensemble dispose de solides atouts économiques et financiers, les faiblesses institutionnelles continuent à empêcher la résolution de la crise et pèsent sur la notation», commente Moody’s.L’agence de notation, comme on le voit, n’est pas négative sur les atouts de la zone euro. Mais la mise en œuvre d’une solution à l’échelle de la zone, avec la construction de nouvelles solidarités, implique de refondre la gouvernance de l’euro. Or, Moody’s veut obstinément méconnaître les impératifs du temps politique qui ne permettent pas de résoudre les «faiblesses institutionnelles» pointées par l’agence dans les délais souhaités par les marchés. C’est la mécanique des marchés contre celle des démocraties.
Car les marchés, eux, se situent dans des perspectives de court terme, et de plus en plus. Moody’s l’évoque clairement:
«En l'absence de mesures politiques pour stabiliser les conditions de marché à court terme, ou bien si ces conditions se stabilisent pour toute autre raison, le risque crédit va continuer à s'accroître.»Cette dictature de l’immédiateté est celle de la finance qui se projette de moins en moins dans des investissements de long terme pour privilégier des opérations au rendement rapide. «Nous sommes dans une crise de l’argent facile à court terme», diagnostique René Ricol, commissaire à l’investissement et coordinateur des politiques de soutien aux entreprises.
Les marchés contre les Etats
La crise bancaire née en 2007 a poussé les Etats à corriger les excès de l’argent fou en introduisant de nouvelles régulations. Mais en édictant des contraintes nouvelles, les législateurs ont forcément obligé les marchés à se projeter dans un avenir plus lointain, plus conforme aux intérêts souverains. D’où ce bras de fer entre les marchés financiers et les gouvernements, les premiers voulant affaiblir les seconds pour empêcher toute régulation et pouvoir à nouveau imposer leur dictature du court terme.Les Etats l’emporteront-ils malgré tout? «C’est tout l’enjeu de l’engagement d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy», souligne René Ricol. Rien n’est encore écrit. Le couple franco-allemand qui sert de centre de gravité à la zone euro n’a pas trouvé l’équation qui enraierait les attaques des marchés et les dissuaderait de jouer l’éclatement de la zone euro. Or, le temps joue contre les Etats.
Lire aussi : "La crise de la dette"
C’est la nouvelle mode des commentateurs, des experts et des soi-disant prophètes de l’économie et de la finance depuis que le JDD a titré dimanche dernier : « L’euro va-t-il passer Noël ? ». Et chacun d’ajouter sa pierre à l’édifice du pessimisme et du défaitisme : Jacques Attali, l’ancien conseiller de Mitterrand, assure que « l’euro ne passera pas Noël », Eric Zemmour que « la zone euro n’existe plus de fait » et Nicolas Baverez que « la France et la zone euro se sont fracassées sur le mur de la dette ». N’en jetez plus, la coupe est pleine et pourtant il y a beaucoup de gens, dont je suis, qui pensent que l’euro peut-être défendu, sauvé et conforté, à certaines conditions d’effort et de courage de la part des responsables politiques. Car il existe des solutions aux problèmes posés par la crise de la dette aux pays européens.– La première solution consiste à modifier les compétences de la Banque centrale européenne (BCE) pour qu’elle puisse prêter aux Etats comme les banques centrales américaines, anglaises ou japonaises, ce qui explique que ces pays peuvent emprunter à taux faible. L’Allemagne est contre mais elle évolue dans le bon sens et Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont affirmé à Strasbourg l’indépendance de la BCE, une façon de dire que si elle veut, elle peut.
– En attendant que cela intervienne le couple franco-allemand envisage de proposer aux membres de la zone euro qui le souhaitent un mini-pacte de stabilité. Cela concernerait les Etats ayant les économies les plus fortes : Allemagne, Autriche, Pays-Bas ainsi que la France et l’Italie. Ces Etats s’engageraient à faire converger leurs fiscalités et à contrôler mutuellement leurs budgets nationaux. Ce plan secret, s’il est annoncé à Toulon demain par Nicolas Sarkozy et vendredi au Bundestag par la chancelière Merkel, peut être la première phase du sauvetage.
Non, décidément, n’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure, l’euro n’est pas mort !