50 milliards d’euros. Voici le casse-tête de la baisse des dépenses publiques auquel le gouvernement est aujourd’hui confronté, c’est-à-dire 2.5% du PIB du pays. Dans un pays qui s’approche des 57% de dépenses publiques dans le PIB, la tâche semble presque facile. D’autant plus que la dépense publique c’est un peu comme le football, chacun a son avis sur l’équipe à mettre en place, ou la dépense à raboter. Le problème est que la réalité de cette dépense publique française révèle quelques surprises, et que le rabot n’est pas si évident à manier.
Tout d’abord, il ne sert à rien d’argumenter, la France dépense beaucoup. Les différents classements en la matière font du pays une sorte de champion absolu en la matière.Seuls quelques Etats dont la taille ne permet pas de comparaison raisonnable (le Danemark et ses 5 millions d’habitants ?) peuvent s’enorgueillir de dépasser la France d’une courte tête sur ce terrain-là. Mais la réalité est là, la France dépense près de 7 points de PIB de plus que ses partenaires de l’Union Européenne. Le fait de dépenser beaucoup est un problème car un niveau de dépenses élevé suppose un niveau de recettes élevé. Et la France revient ainsi en haut des classements internationaux sur une autre catégorie, le niveau d’imposition par rapport au PIB qui atteint 44%. En ajoutant les autres revenus de l’Etat, celui se retrouve dans l’obligation d’emprunter à hauteur de plus de 4% de son PIB pour financer son « train de vie ».
Mais à regarder de plus près, certains points doivent être pris en compte. Tout d’abord, et selon les données Eurostat 2011, les dépenses relatives à l’administration centrale ne sont pas plus élevées qu’ailleurs, soit 22,4% du PIB contre 22,6% dans le reste de la zone euro. Il est bien évident que des économies peuvent y être réalisées, mais il ne s’agit pas là d’une anomalie. La part relevant des services généraux représente ainsi 6,4% du PIB contre 6,8% pour les autres partenaires européens. La défense ? 0.5% de PIB de plus que ses partenaires, ce qui va de pair avec un poids géostratégique qui reste prépondérant. L’éducation ? Avec 6% du PIB, la France dépense plus que la moyenne, pour un point, mais dispose d’une croissance démographique également plus forte et donc d’un nombre de jeunes plus important. La police ? Ici la France dépense bien moins que l’Italie ou le Royaume Uni, avec 1% de PIB consacré à ce domaine. Les dépenses de fonctionnement de l’exécutif et du législatif ? Toujours rien, avec un niveau bien plus faible qu’en Allemagne. Dans l’ensemble de ces domaines, il s’agit bien plus de problèmes d’efficacité que de niveaux de dépenses.
Concernant les collectivités locales, une différence de plus de 1 point de PIB est à mettre au débit de la France par rapport à ses voisins. Un écart qui doit être une source d’interrogations et qui représente enfin une réelle opportunité d’économie. Chaque point de PIB représentant 20 milliards d’euros, cela fait cher le point.
Au bout du compte, Etat et collectivités locales réunis, ces sources d’économies ne sont pas si évidentes à trouver. Ne reste que la protection sociale pour comprendre la principale source d’écart entre la France et les autres pays. Selon Eurostat cette différence atteint 6 points de PIB, soit l’exacte différence entre la somme totale des dépenses françaises et celle de ses voisins. 6 points de PIB qui représentent 120 milliards d’euros. Mais ici encore, le calcul et la comparaison ne sont pas aisés. Alors que d’autres pays ont pu faire le choix des dépenses privées pour la protection sociale, la France s’est engagée dans la voie du tout service public. Bien qu’à titre individuel, la différence n’est effectivement pas très évidente. Payer des impôts pour assurer une protection sociale ou payer un acteur privé pour qu’il assure le même service ne change pas le problème de fond : il faut payer. Lorsqu’une famille américaine dispose de revenus plus importants après impôt, elle doit tout de même payer de nombreuses charges supplémentaires par rapport à une famille française (et ce aussi bien pour la protection sociale que pour l’éducation des enfants par exemple). C’est ainsi que derrière la France, championne du monde de la protection sociale, se trouve un challenger inattendu : les Etats Unis. La différence tient effectivement au fait que les dépenses privées des ménages américains comptent pour une bien plus large part dans le total, et sont ainsi naturellement extirpées du calcul de la somme des dépenses publiques totales. En prenant en compte l’intégralité des coûts, privés et publics, les différences se resserrent sensiblement :
Source OCDE
Source OCDE
En conclusion ; collectivités locales, efforts de fonctionnement dans les services de l’état, (statut de la fonction publique ? absentéisme ? etc..), dépenses de santé, et un système de retraite à revoir largement sont les principales pistes pour permettre un ajustement cohérent du budget de la France.
Reste un point essentiel.
Pour ajuster les dépenses, l’arme absolue reste la croissance. L’efficacité d’un gouvernement qui souhaite réformer le pays dépend avant tout de sa capacité à restaurer la croissance dans un pays qui ne sait même plus ce que c’est. La croissance comme moteur de la baisse des dépenses ; ce qui permettra également de réduire énergiquement la fiscalité et ainsi d’entrer dans un cercle économique vertueux. Car sur la base des taux de croissance connus en France jusqu’en 2007, et la volonté actuelle du public d’ajuster le poids de l’Etat dans l’économie; la tâche en serait presque facile.
A titre de comparaison, et malgré une espérance de vie plus élevée qu’en France, les hommes Japonais passent 10 ans de moins à la retraite que les Français, et 7 ans de moins pour les femmes.
C’est ainsi qu’en France, à 58.7 ans d’âge effectif pour partir à la retraite, une espérance de vie en constante hausse, et un système tout public (à 85% pour les retraites), le système semble bien mal parti. Au total, 13% du PIB sont consacrés aux retraites contre 10% en moyenne, soit une différence de 60 milliards d’euros. Avec un nombre d’heures travaillées par année parmi les plus faibles au monde, la France est ici engagée dans un régime de « sous-travail » difficilement soutenable. Ce système est d’autant plus néfaste que les pensions versées aux retraités sont inférieures à la moyenne de l’OCDE, comme le démontre le graphique suivant :