Le mariage, décidément, peut être dangereux. Particulièrement quand il tourne mal. Sans l’amertume conjugale de deux épouses déçues, et les déballages de petits secrets qu’elle a stimulés, l’affaire des sous-marins de Karachi n’aurait sans doute pas connu la brusque accélération qui va conduire deux proches de Nicolas Sarkozy devant le juge d’instruction. Où vont se nicher les répercussions du dépit amoureux...
Dans ce scénario qui depuis hier fait tout à coup vibrer le pouvoir, la justice, pourtant, a moins de force, semble-t-il, que le fait divers et l’imaginaire. La révélation des tripatouillages autour de ventes d’armes - qui auraient pu être à l’origine de l’explosion, en 2002, au Pakistan, du bus où des militaires français ont trouvé la mort - n’avait pas suffi, à tort ou à raison, à provoquer l’émoi de l’opinion. Une histoire complexe, en francs, avec de multiples ramifications et dont il est bien difficile aujourd’hui de retrouver les tenants et les aboutissants. Les zones d’ombre du financement de la campagne d’Édouard Balladur, en 1995 ? Ça n’empêchait personne de dormir. L’implication directe de son porte-parole, Nicolas Sarkozy, dans les combines? On croyait volontiers le chef de l’État quand, dans l’intimité d’un déjeuner dans la salle à manger de l’Élysée comme aux pupitres des points de presse, il affirmait que ce n’était que pure spéculation médiatique. On le croyait sincère. Sincèrement sincère. Les fantasmes, effectivement, pouvaient tout à fait brouiller les faits.
Depuis hier, c’est moins clair. La fébrilité qui a saisi la présidence de la République à l’annonce de la mise en examen du témoin... de mariage (encore lui!) du chef de l’État a déclenché un frisson troublant. La brusque montée de température, en effet, a fait commettre une énorme bourde aux hommes du président: comment pouvaient-ils affirmer - dans un communiqué officiel - que Nicolas Sarkozy n’était pas cité dans le dossier alors qu’ils n’étaient pas censés en connaître le contenu ? Le secret de l’instruction aurait-il été violé par l’exécutif ?
C’est cette éventualité, s’ajoutant à la mise au jour de la surprenante proximité entre le sulfureux intermédiaire Ziad Takieddine, arrêté en mars, et des Sarkozystes du premier cercle (Hortefeux, Copé etc.), reçus royalement chez lui, qui fait plus que désordre... La suite de la procédure dira si les soupçons qui pèsent désormais sur le président sont aussi injustes qu’extrapolés. La présomption de son innocence n’interdit pas cependant de s’interroger sur son degré d’information aux différents stades de cette affaire à tiroirs. A-t-il vraiment dit la vérité ? La crédibilité de toutes ses dénégations reste suspendue à sa franchise... que ne saurait entraver l’invocation d’un improbable secret d’État.