Alléger les charges sociales pour favoriser l’emploi des moins qualifiés. Telle était l’ambition de la réforme de 2003, mise en place François Fillon, alors ministre de l’Emploi pour aider les entreprises qui n'étaient pas encore passées aux 35 heures. Mais les résultats sont plus que mitigés, selon la revue Economie et Statistique de l’Insee. La loi Fillon a détruit plus d’emplois qu’elle n’en a créés.
Au total, les entreprises qui n’avaient pas adopté les 35 heures et bénéficiaient donc d'allègements de charges ont créé ou préservé seulement 21.500 emplois. Dans le même temps, celles qui étaient passées aux 35 heures ont détruit pas moins 39.000 postes entre 2003 et 2005 pour compenser une hausse du coût salarial de 1,71%. Soit 17.500 emplois effectivement perdus.
Autre effet pervers : comme les réductions de charges sont réservés aux salaires inférieurs à 1,7 fois le Smic, les employeurs ont eu tendance à multiplier les contrats de moins de 35 heures. De quoi favoriser un peu plus la précarité…
dimanche 29 août 2010
Les allègements de charges n’ont que peu de répercussions sur l’emploi
L’union, l’union, l’union, scande le PS, sautant sur sa chaise tel un cabri ; l’unité, l’unité, l’unité, entonnait hier Ségolène Royal en ouverture de La Rochelle, et cette euphorie du « tous ensemble » qui saisit les socialistes montre, a contrario, qu’ils ne sont guéris de rien. L’incantation unitaire tient de l’exorcisme, du déni et de l’évitement. Exorcisme d’un affrontement inévitable aux primaires ; déni de la politique réelle, comme si l’ambition pouvait se vivre sans compétition, et la compétition sans le fiel ; évitement des vrais sujets, et c’est le plus problématique.
La gauche n’a pas perdu le pouvoir par défaut d’unité. Cette lecture n’arrange que les vaincus, qu’elle exonère de leurs manques. Royal n’est pas tombée victime de la trahison des éléphants mais s’est perdue dans ses ruptures avec la raison sociale-démocrate. Jospin n’a pas disparu dans l’explosion de la gauche plurielle, mais a provoqué celle-ci par ses rigidités, l’obsession de son bilan, l’incapacité à admettre les tensions sociales.
Aujourd’hui encore, l’unité n’est qu’un leurre, un slogan mou, une arnaque politique. On la brandit pour sanctionner les voix qui tranchent et qui dérangent. Elle vient empêcher les débats, incite à l’immobilisme, provoque les compromis tactiques et les facilités. L’impopularité même de Nicolas Sarkozy devient un piège pour la gauche, tant elle invite au confort de l’opposition en bloc, comme s’il suffisait de tenir en souriant, pour ne pas contrecarrer le rejet mécanique du Président…
En réalité, c’est de disputes que manquent les socialistes. Disputes de fond, sans médiocrités personnelles, mais forcément incarnées. Sur le primat sécuritaire, sur les équilibres financiers, sur les sacrifices sociaux, sur les égalités réelles… Aussi cruciales que les querelles des deux gauches ou les débats avec le PC avant 1981. Fondamentales quand la gauche doit parler à un pays énervé, en marge de l’évolution du monde, assiégé dans une Europe en déclin… Il ne faut rien éviter, et surtout pas ce qui fait mal, parce que l’exercice du pouvoir, ensuite, sera impitoyable…
Ces jours-ci, dans un livre collectif (Repartir du pied gauche, Libération/Flammarion) un vétéran de la gauche, compagnon de Rocard et de la CFDT, l’historien Jacques Julliard, porte le fer politique contre Dominique Strauss-Kahn: "La gauche ne saurait être représentée, lors de l’élection présidentielle, par un représentant de l’establishment financier", écrit-il, sans masquer sa cible. L’exclusive est contestable? Mais on doit la débattre, parce qu’elle existe dans les préventions d’une partie des gauches; parce qu’elle met en jeu tout le rapport de la gauche avec le capitalisme, ses institutions, ses réformes possibles, ses ruptures tenables… Ce débat-là, pour DSK lui-même, s’il veut en faire justice, vaut mieux qu’une adhésion sondagière à un homme providentiel, que mineraient des murmures et des ralliements contrits. Il faut des débats et de la douleur pour accoucher d’un autre monde. Les socialistes le savent-ils?
Claude Askolovitch
Dans quelques semaines, les Français assisteront à un spectacle inédit: un ancien Président de la République au prétoire. Les images feront le tour du monde. Ce sera le dernier acte public de l’animal le plus coriace de la vie politique française.
Jacques Chirac devra répondre de délits commis comme maire de Paris, il y a plus de quinze ans. Tous les partis faisaient alors travailler des collaborateurs payés par des collectivités locales. Tous avaient leurs bonnes oeuvres, même si le RPR, à Paris, a érigé ces pratiques en système. Le maire s’apprête à signer un accord avec Jacques Chirac et l’UMP, héritier du RPR.
Si le Conseil de Paris l’approuve, il n’y aura plus de plaignant. La Ville récupérerait le maximum de ce qu’elle aurait pu percevoir au terme d’une procédure. Elle obtiendrait entière réparation du préjudice subi par les contribuables. Cet accord, validé par d’éminents avocats, béni au plus haut niveau de l’Etat, permet de tourner la page d’un système aboli. La justice doit évaluer s’il y a délit.
Mais peut-être serons-nous privés du vrai procès d’un vieil homme. Les Français s’en plaindront-ils? Pas sûr. Ils ont leur opinion sur Jacques Chirac et son bilan politique. Mais ils veulent garder du respect pour l’institution qu’il a incarnée pendant douze ans. Ils ne sont dupes de rien mais se défient des Torquemada. Bertrand Delanoë permet, avec élégance, de sortir la politique du prétoire.
Les rendez-vous culturels de la rentrée
On peut avancer le pronostic sans risque : l'automne des expositions sera dominé par Claude Monet. Au Grand Palais, 175 de ses oeuvres sont réunies pour une rétrospective (22 septembre-24 janvier 2011). Elle s'annonce porteuse d'idées nouvelles sur le plus universellement célèbre des impressionnistes. La sélection est dense et relevée de toiles méconnues, qualités qui ne rendront que plus longues les files d'admirateurs. Pour essayer d'abréger un peu l'attente, pour la première fois de son histoire, le Grand Palais sera ouvert tous les jours, mardi compris.
De l'autre côté de l'avenue Winston-Churchill, au Petit Palais (21 octobre-16 janvier 2011), il y aura un autre impressionniste, bien moins illustre, l'Italien Giuseppe De Nittis (1846-1884). Cet observateur de la vie moderne, protégé de Manet et de Degas, mourut jeune et fut oublié. La preuve : sa précédente exposition à Paris date de 1886... Autre contemporain de Monet, Jean-Léon Gérôme sera au Musée d'Orsay (19 octobre-23 janvier 2011). Gérôme fut l'un des ennemis les plus résolus de l'impressionnisme et la coïncidence est plaisante : le peintre moderne et l'imagier académique se retrouvent à nouveau face à face.
Remontons le temps. L'art du XVIIIe siècle, qu'éclipsent d'ordinaire littérature et musique de cette époque, est, pour une fois, à l'honneur. Le Louvre lui consacre trois expositions, "Musées de papier - l'Antiquité en livres" (25 septembre-3 janvier 2011), "Le Louvre au temps des Lumières (11 novembre- 7 février 2011) et "L'Antiquité rêvée" (2 décembre-14 février 2011), qui traitera en grand du goût pour l'antique et du néoclassicisme en Europe. A compléter en se rendant au Musée Cognacq-Jay, qui s'interroge sur le genre du paysage dans ses rapports avec l'Antiquité et l'histoire à travers le cas de Tivoli, sa cascade et ses temples (18 novembre-20 février 2011).
Remontons plus loin. On aimerait que l'autre exposition du Grand Palais ait autant de succès que Monet. Son titre, "France 1500", est vilain, mais son sujet, les arts au temps de Charles VII et de Louis XII, fort intéressant. Plus de 200 oeuvres - sculptures, vitraux, tapisseries, orfèvreries, livres, retables, émaux - sont réunies pour l'occasion. Un chapitre est consacré à la circulation des oeuvres et des artistes venus du Nord - les Flandres - et du Sud - l'Italie. C'est une bonne manière de rappeler combien la notion d'art national ne convient guère à la situation française (6 octobre-10 janvier 2011).
Retour au XXe siècle. Le Musée d'art et d'histoire du judaïsme ressuscite Felix Nussbaum. Longtemps méconnu, Nussbaum est l'un des seuls à avoir peint, dans la clandestinité, la proscription et l'extermination des Juifs d'Europe. Dénoncé, il mourut à Auschwitz (22 septembre-23 janvier 2011).
Tout autre chose au Centre Pompidou : le cas Arman (22 septembre-10 janvier 2011). Il y aura 120 pièces pour répondre à cette question : comment l'artiste inventif et acerbe que fut Arman au temps du nouveau réalisme, qu'il a contribué à fonder, a-t-il pu devenir l'industriel qui inondait le marché de l'art de ses productions banalisées vingt ans plus tard ? Autant le premier Arman mérite toute l'attention, autant le second...
Prions pour que la même évolution ne gagne pas Gabriel Orozco, autre invité du Centre Pompidou (15 septembre-3 janvier 2011). Pour l'instant, l'artiste mexicain, né en 1962, est vif, aigu, narquois souvent. Autre vivant, autre narquois, lui aussi guetté par la diffusion de masse : l'artiste japonais Takashi Murakami dispose ses oeuvres actuelles dans les appartements du château de Versailles. Polémique garantie (14 septembre-12 décembre).
Reste la plus énigmatique des manifestations de la rentrée. Elle se tient au Musée du quai Branly et se nomme "Baba Bling" (5 octobre-30 janvier). Le sous-titre est moins crypté : "Signes intérieurs de richesse à Singapour". Ce qui explique Bling. Mais Baba ? A Singapour, "Baba" désigne les descendants des communautés chinoises venues dès le XIVe siècle dans le sud-est asiatique. Il y aura donc du mobilier, des textiles et des porcelaines qui hybrident éléments chinois et malais. Nouvelle occasion de réfléchir à la fertilité des métissages artistiques.
Face à cette abondance, les métropoles régionales ne peuvent lutter. La principale nouveauté est la réouverture du LAM, Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut, à Villeneuve-d'Ascq, le 25 septembre.
Un peu plus loin, il y a Londres, où deux grandes expositions s'annoncent, les collections du musée de Budapest à la Royal Academy (25 septembre-12 décembre) et, surtout, la rétrospective Gauguin de la Tate Modern (30 septembre- 16 janvier).