Selon un sondage BVA réalisé pour le Forum "changer d'ère", qui s'est tenu à la Cité des sciences à Paris ce mercredi, les Français seraient en demande de réformes. Pour sortir de la crise, ils appellent de leurs vœux en priorité une grande réforme de l’État, avec une réduction drastique de la dépense publique (59 %), et une valorisation de l'innovation et de l'esprit d'entreprise (46 %).
Selon un sondage BVA réalisé pour le Forum "changer d'ère" qui s'est tenu à la Cité des sciences à Paris ce mercredi 5 juin, les Français seraient en demande de changement et de réformes (voir ici). Pour les Français, c'est le citoyen (75 %) et dans une moindre mesure l'entreprise (55 %) qui est le meilleur vecteur du changement. C'est vers sa propre famille (50%) et pas vers l'Etat (1% et 6% services publics et protection sociale) qu'un Français se tournerait pour l'aider en cas de difficulté. Comment interprétez-vous ce résultat ?
Mathieu Laine : Ce sondage tord le cou aux idées reçues et à tous ces politiques qui adhèrent totalement au discours réformiste dès qu'ils discutent en off, mais ajoutent aussitôt que les Français n'en veulent pas pour justifier leur manque d'action dans ce sens. Il met aussi des chiffres sur une réalité silencieuse que nous sommes nombreux à avoir perçue et invoquée depuis longtemps. Et comme les politiques ne réagissent quasiment qu'aux sondages, il nous offre enfin l'occasion d'espérer l'avènement d'un discours alternatif.
Nos dirigeants ne sont pas des surhommes. Comme l'ont démontré les universitaires de l'école de Chicago, Buchanan et Tullock en tête, ils poursuivent, comme tout un chacun, leur intérêt personnel. Ils sont donc en quête de clientèles électorales et prêts à faire évoluer leurs discours et leurs actes pour épouser l'air du temps. Tout ce qui permettra de mesurer la montée en puissance des désirs réformistes de la société civile ira dans le bon sens et incitera les politiques à porter et incarner un authentique changement de cap. Les vertus de la solidarité privée et l'échec de l'Etat providence sont désormais pleinement intégrés par des Français désireux de retrouver une véritable société de confiance. Plus que jamais, la révolution, c'est nous.
William Genieys : Les résultats de ce sondage sont certainement le plus bel hommage posthume qui pouvait être rendu au grand sociologue français théoricien de l’Etat modeste, Michel Crozier. Toutefois prendre au sérieux les résultats de ce sondage et en conclure que les Français sont convertis à la valeur de l’individu-citoyen, de l’entreprise et de la famille est aussi stupide que de croire que ces mêmes Français s’étaient convertis sous Vichy aux vertus du célèbre triptyque : "Travail, famille, patrie".
Au mieux, on doit comprendre ce sondage comme une déception des Français face à une de leur passion préféré, leur Etat. Ce n’est pas l’Etat en tant que tel qui est rejeté, car depuis le jeune Louis XIV qui prétendrait "l’être", la révolution de 89 et ses jacobins, les bonapartes et enfin les élites républicaines, il n’a cessé d’être considéré sur le mode de l’attraction et de la répulsion. Il est toujours sorti plus présent voire renforcé. Ne sommes-nous pas un des rares pays à avoir un Chef de l’Etat qui a plus de pouvoir que le chef de gouvernement tout en étant une démocratie ? L’Etat est le miroir réfléchissant notre identité nationale et malgré tous ce que l’on peut dire ou penser c’est certainement la dernière chose avec laquelle les Français souhaitent rompre. Par contre, il est clair que l’action de l’Etat, le volume des personnels de l’Etat font aujourd’hui l’objet d’une critique plus forte que par le passé.
Alexandre Melnik : En ce début du nouveau millénaire, l’Humanité toute entière, dans son indissociable ensemble, vit un véritable changement DE monde qui explose les notions de temps, d’espace et de relations humaines (à ne pas confondre avec un changement DU monde qui se produit assez régulièrement au cours de l’Histoire). L’ampleur de cette métamorphose civilisationnelle n’est comparable, sans doute, qu’avec la Renaissance de la fin du XV siècle, préfigurée par l’invention de l’imprimerie.
C’est dans ce contexte transversal, global qu’il faut inscrire les résultats du sondage BVA réalisé pour le Forum "Changer d’ère" – une magnifique et audacieuse initiative qui je soutiens entièrement, car elle ouvre l’avenir et trace les premiers traits, émergents, encore flous, du portrait - robot d’une France de demain. Une France qui rejette le statu quo que lui imposent d’en haut les fonctionnaires qui se prennent pour des politiques – éclaireurs du futur, alors que, cloîtrés dans leur vase clos, ils ne comprennent plus le monde dans lequel ils vivent, après avoir perdu leur boussole, celle du socialisme idéologique sorti des tréfonds du "Capital" de Karl Marx.
Ce sondage révèle le bouillonnement (hélas, trop souvent latent, pour le moment) d’une France volontariste, portée par une forte motivation individuelle des Français qui la composent. Une France dynamique, généreuse et génératrice d’idées, "hungry for success", farouchement désireuse de sortir de la posture d’un "loser" de la globalisation du XXI siècle – dans laquelle l’enfonce son establishment actuel, en retard d’une époque. Une France jeune (bien naturellement, ma vision de la jeunesse n’est pas fonction de l’âge, mais de l’état d’esprit), celle qui a compris que le monde nouveau peut rendre possible, voire banal ce qui était inimaginable, inconcevable il y encore quelques années.
Pour sortir de la crise, les Français appellent de leurs vœux en priorité une grande réforme de l’État, avec une réduction drastique de la dépense publique (59 %), et une valorisation de l'innovation et de l'esprit d'entreprise (46 %). La crise est-elle en train de modifier le regard des Français sur l’Etat ? Comment et dans quel sens ?
Mathieu Laine : Les Français en appelaient déjà à la rupture avant la crise. C'est ainsi que l'on comprend les 53% d'un Nicolas Sarkozy portant, en 2007, un discours alliant sécurité et récompense du travail, du mérite et de l'effort. Si de mauvaises idées, d'inspiration keynésienne, ont émergé d'une lecture tronquée de la crise (plans de relance et creusement magistral de la dette), le désir de rupture est à nouveau très fort chez une majorité de Français.
Ils ont compris les effets pervers et désincitatifs de la double peine fiscale de Nicolas Sarkozy puis de François Hollande, de leur incapacité à tous deux à couper audacieusement dans les dépenses publiques comme dans le magma réglementaire, et des dégâts causés aux entrepreneurs comme aux auto-entrepreneurs (des pigeons aux poussins). Nombreux sont ceux, souvent orphelins politiques, qui aspirent à une autre politique, que personne, pour l'heure, ne leur propose. La nouvelle génération politique a un boulevard devant elle. Ce sondage assez contre-intuitif, mais allant clairement dans le bon sens, ne sera sans doute pas sans effet.
William Genieys : Certes, le fait que les Français perçoivent que l’Etat a un coût relativement élevée en période de crise est plutôt rassurant. D'autant que l'on a toujours eu tendance collectivement en France à oublier qu’il est financé par l’impôt et que nous n'avons aucune idée de ce qui est financé concrètement avec celui-ci contrairement à d’autres pays. Par exemple aux Etats-Unis, où certes l’impôt est historiquement moins bien "consenti" qu’en France, les contribuables reçoivent en même temps que leur feuille d’impôts le détail de ce à quoi il est utilisé, ce qui permet quasiment en tant annuel de se rendre compte vers quelles politiques publiques il est affecté.
Actuellement, étant donné que la pression fiscale augmente fortement, les Français ont une prise de conscience plus forte du coût de l’action publique étatique. Mais il ne faut pas oublier que c’est le même Etat, donc couteux, qui a permis à la France et aux Français de vivre moins mal collectivement la crise de 2008. Il ne faut pas oublier également que l’argent public collecté par l’impôt est réinjecté dans la société de façon directe en matière pouvoir d’achat, mais également à travers de multiples dispositifs qui affectent tous les secteurs et les niveaux du tissu économique.
Alexandre Melnik : A la lumière de ce sondage, on comprend mieux que la France est un pays intrinsèquement créatif, innovant, mais trop souvent bridé par une gouvernance politique qui a tendance à se rigidifier, à fonctionner dans le vide, en perdant ainsi sa raison d’être, à savoir – être au service de ses citoyens. Servir, au lieu de se servir. D’où le désenchantement, toujours croissant, confirmé par quasiment tous les derniers sondages, des Français par rapport à leur Etat qui est, à cause de ses lourdeurs, est de plus en plus souvent considéré par l’opinion publique comme un problème, presque un fardeau à supporter, au lieu d’être une part de la solution.
Dans ces conditions, le meilleur – je dirais même le seul – vecteur du changement devient un individu lui-même, en osmose avec sa société, en d’autres termes, un citoyen qui se prend en charge, en réalisant qu’il ne peut compter, en dernier ressort, que sur lui-même. Ce phénomène d’individualisation, d’atomisation de la société française est irréversible. Il a vocation à s’accélérer dans le monde global en devenir, aplati par les réseaux sociaux, qui balisent le basculement de "nous" (un projet collectif) vers "moi" ("race to the top" individuelle, celle-ci n’étant pas forcément une démarche égoïste, ni un jeu à somme nulle, car elle peut tirer vers le haut l’ensemble de la société et devenir par conséquent bénéfique pour l’Autre ; les exemples de la plupart des récentes innovations, issues au départ d’une initiative privée mais qui changent in fine la face du monde, vont dans ce sens-là).
Ce n’est donc pas une crise, mais un véritable changement de monde, qui oblige les Français à modifier en profondeur leur perception de l’Etat, tel qu’il existe actuellement – inopérant, aboulique, gangrené par l’obésité bureaucratique. Un Etat qui n’est plus un allié des Français, mais une entrave pour leur évolution.
Quelles conséquences ce changement de vision peut-il avoir concrètement ? Pourrait-il avoir un effet salutaire en obligeant les politiques à faire les réformes indispensables au pays ?
Mathieu Laine : Souhaitons-le ! La situation est telle que tout ce qui pourra contribuer à renverser la table sera bienvenu. Il faut en parallèle de ce sondage diffuser des messages très positifs. Par exemple, libérer une économie ne signifie en rien abandonner les plus démunis et les plus fragiles mais leur donner, au contraire, 100 fois plus de chance de réussir.
William Genieys : Oui certainement certaines réformes vont être accélérées parce que l’opinion publique y est favorable, ce qui permettra au pouvoir politique d’espérer faire face aux réactions corporatiste ou sectorielles inévitables. Celles qui sont sur l’agenda politique du gouvernement et poussées par l’Union européenne sont inévitables. Ce qui ce joue à l’heure actuelle, c’est leur rythme et leur niveau. Il est nécessaire d’éviter le subrepticisme à la française qui consiste à faire des réformettes qui reviennent sur l’agenda politique tous les changements de gouvernement, comme par exemple le dossier des retraites. Par contre, il est vain de faire croire que l’on peut réformer de façon rapide et radicale de l’Etat parce que quoi qu’il arrive son action s’inscrit sur la durée. Les Etats, et pas que seulement celui de la France sont aussi manœuvrables que des paquebots en pleine mer. Ce qu’il faut, c’est modifier la trajectoire d’action pour qu’elle soit durable.
Alexandre Melnik : L’Etat français, peut-il se réformer de l’intérieur, sous la gouvernance actuelle ? Ma réponse est non, car les concepts du socialisme et même de la social-démocratie, incarnés par les politiques aux manettes décisionnelles du pays, n’ont plus de raison d’être, confrontés au changement de paradigme civilisationnel que vit actuellement l’Humanité. S’accrocher au socialisme en 2013, c’est à peu près la même chose que préconiser la traction animale à l’époque de la machine à vapeur. Ou rejeter l’idée de l’imprimerie à la faveur des manuscrits. Ou encore - claironner, "à la Gorbatchev", sur la faisabilité de la réforme du système soviétique à quelques mois de l’effondrement de l’URSS, déjà moribonde depuis longtemps, pour ne pas dire depuis sa genèse, en raison de la défaillance chromosomique de son ADN. Bref, se tromper de siècle. S’égarer dans les labyrinthes de l’Histoire.
Cependant, ces blocages qui viennent de l’Etat dans un pays gouverné, historiquement, d’un haut, peuvent être, à mon avis, progressivement résolus via une prise de conscience des réalités du monde du XXI siècle par les nouvelles générations des décideurs pragmatiques et modernes, exempts d’étiquettes idéologiques, débarrassés des œillères des "ismes" du siècle précédent, et surtout porteurs d’une vision réellement réformatrice qui ouvre une nouvelle perspective et donne du sens à la vie des citoyens, au-delà de tout calcul électoraliste à court terme.
Les Français reprochent à tous nos dirigeants passés de n'avoir jamais eu le courage de faire les réformes indispensables (80 %), parce que ceux-ci penseraient plus à la conquête du pouvoir qu'à l'intérêt du pays (88 %). Les citoyens ont-ils également une part de responsabilité dans les blocages ? Les Français ont-ils été trop conservateurs ?
Mathieu Laine : Quel beau choc de lucidité ! La France meurt de son conservatisme excessif, de sa résistance à la rupture. Il est urgent de passer de l'indignation à l'action pour tous ensemble la remettre à l'heure du monde.
William Genieys : C’est un peu l’histoire du piégeur-piégé car si la classe politique depuis les années quatre-vingt a dans son ensemble fait œuvre de largesse, c’est à l’encontre de ces citoyens administrés. Le système de redistribution a tourné à plein et malgré les quelques "affaires politiques" cela n’a pas eu comme seul objectif d’enrichir les membres de classe politiques. Par contre, si l’on prend en compte le nombre de réformes structurelles engagées, par les gouvernements successifs, et tuées dans l’œuf par différentes mobilisations catégorielles X ou Y vêtues de l’apparat du "mouvement social", on comprend que les citoyens français donnent mandat à leur représentant pour ne rien changer quand cela peut se traduire par la perte d’avantages considérées comme acquis. Le problème c’est le conservatisme des Français relayé par celui de ces citoyens. Et le pire dans tout cela c’est que l’on fait porter le chapeau à la technocratie, j’entends par là les élites d’Etat qui font tourner la machine et qui via les rapports divers, de la Cour des Comptes notamment n’ont pas cessé de tirer la sonnette d’alarme sur la dépense publique. Pourtant leur écho est resté sans suites.
Alexandre Melnik : Non, les Français ne sont pas trop conservateurs : le sondage montre que 80 % de nos citoyens sont en principe prêts au changement, quitte à accepter les sacrifices dans l’immédiat (et donc mettre en cause leurs fameux "acquis sociaux"), mais seulement à condition que le cap proposé par les élites dirigeantes soit parfaitement clair et la feuille de route encadre les efforts justement répartis. Pour cela, il faut réduire de façon drastique l’obésité de l’Etat – Providence, devenu le contraire de sa vocation initiale, réduire les fondamentaux de la fonction publique à ses paramètres régaliens et géostrategiques, et, enfin, renoncer à la tentation de l’interventionnisme étatique tous azimuts dans la vie économique qui est aujourd’hui rythmée par les acteurs privés.
Dans cette indispensable réinvention de l’Etat face aux impératifs de la globalisation en cours, la France dispose des atouts importants, ancrés dans son histoire, car rares sont les pays au monde qui peuvent se prévaloir d’une notion aussi aiguë et aussi exigeante du bien public et de l’intérêt général. Un avantage comparatif qui s’est révélé crucial à bien des tournants historiques auxquels la France était déjà confrontée, notamment pendant les Trente Glorieuses. L’Etat efficace, au diapason des attentes de la société, a pu insuffler, en cette période-là, une dynamique salvatrice à une France meurtrie par une guerre, alors aujourd’hui aucune menace de guerre (à l’exception d’un danger terroriste) ne plane plus sur le pays. Pour renouer avec l’esprit gagnant, il faut tout simplement réactualiser notre lecture du monde dans lequel fonctionne déjà et continuera à fonctionner la France dans les décennies à venir, et sortir de la peur du changement qui tétanise son pouvoir électif. Bref, oser la liberté – s’adapter au changement de monde.
80 % des Français seraient prêts à accepter des sacrifices à condition que les efforts soient justement répartis et que la direction proposée soit claire. Peut-on croire en leur sincérité sur ce sujet ? Les Français sont-ils prêts au changement ?
Mathieu Laine : Bien entendu que oui. Cependant, n'associez pas nécessairement réformisme et sacrifice. Il n'y a pas que la voie churchilenne. Si vous libérez le pays de ses contraintes fiscales, réglementaire et sociale, que vous supprimez les rentes et réapprenez le "bon sens", vous ne sacrifiez rien, et vous changez la face du pays. En politique aussi c'est l'offre qui crée la demande... Nous l'attendons avec impatience.
William Genieys : Là, c’est une réponse bien française que l’on doit traduire autrement : 80% des Français sont prêts à accepter de faire des efforts surtout si c’est sont voisin qui est concerné et qui commence. L’individualisme français est d’une forme rare car il consiste toujours à maximiser les profits qu’il s’agisse du secteur privé ou du secteur public en se masquant derrière la litanie du "on la joue collectif" et de la culture du service public. On oublie que le service public est avant tout un service aux publics et on oublie encore plus que ces publics sont composés en grande majorité d’individus très individualistes. Nous allons bien voir lorsque les réformes structurelles à venir vont être sur l’agenda politique si le pourcentage ne s’inverse pas radicalement.
Alexandre Melnik : Nous sortons d’un monde pyramidal, cloisonné par les frontières et les idéologies, façonné par le modèle managérial "top-down", avec son simulacre de stabilité, et nous épousons la trajectoire d’un univers horizontal, plat (où les seules frontières qui existent sont celles qui perdurent dans des esprits qui n’évoluent pas). Nous cheminons vers un nouvel écosystème numérique d’un monde décloisonné, interconnecté en permanence en "lifestreaming", boosté par la seule méthode de communication qui fonctionne aujourd’hui, à l’échelle globale – celle de "bottom – up", celle de "connect and collaborate", autrement dit, l’intelligence collaborative, connective, instantanée, organisée en réseaux. Un monde où la seule certitude qui demeure, réside dans l’absence de toute certitude, hormis celle que l’avenir ne sera, en aucun cas, une simple reproduction du présent. L’avenir est désormais à bâtir, à chaque instant, par chaque individu, qui devient pilote de son destin, indépendamment de sa résidence géographique, son terreau culturel initial, son statut social, et ce, souvent face à des institutions sclérosées, issues d’une époque révolue.
Il s’agit donc d’intégrer le changement permanent et la constante remise en cause dans notre "logiciel mental" ("software of the mind"). Changer de mentalité. Clôturer le passé, tourner la page des certitudes d’antan qui ne correspondent plus aux réalités de notre monde, s’adapter à la situation présente et, surtout, se projeter résolument dans l’avenir en tant qu’acteur proactif du changement.
Bien entendu, aucun individu, aucun pays ne saurait y échapper. Surtout quand il s’agit des pays comme la France qui ont été, à un moment donné de leur évolution historique, à la fine pointe de la modernité et de l’innovation, en position de pays - phare de la civilisation humaine : Descartes et sa méthode cartésienne ; Louis XIV ayant fait rayonner l’Hexagone à travers Versailles ; les Lumières françaises qui ont révolutionné le concept de la dignité humaine ; Napoléon qui a rédigé, dans son élan d’une inspiration solitaire, un Code civil que mes (meilleurs) étudiants chinois, brésiliens, russes, sénégalais, algériens me demandent, actuellement, à leur procurer – tant ils ont besoin de cette expression du génie français pour mieux comprendre le monde du XXI siècle… Et cette liste n’est exhaustive.
Si les Français estiment que l’État doit être réformé en profondeur, ils pensent aussi que la qualité de nos services publics et de notre modèle social sont un atout pour l'avenir (44 %). Quel modèle d'intervention étatique ces priorités dessinent-elles ? Un resserrement sur l’Etat providence avec davantage d'autonomie laissée aux acteurs privés dans les autres domaines ?
William Genieys : Cette réponse est intéressante car elle permet de pointer le rapport contradictoire des Français à leur Etat que je mentionnais plus haut. Cela rappelle un peu le débat autour de la crise de la Sécurité sociale dans les années quatre-vingt dix. Le fameux "trou de la sécu", les dérives de la "baleine" bien des mots existent pour qualifier les maux de notre système d’assurance maladie. Néanmoins, lorsqu’il s’est agi de remettre en question ce modèle, une forte mobilisation collective naquît sur le mode de "Touche pas à ma Sécu".
Dans un autre registre, bien des réformes engagées sous la présidence précédente qui ont introduit les valeurs mises en exergue dans ces sondages ont été clouées au pilori lors des élections de 2012 par les citoyens électeurs. Par contre, il est claire que le périmètre de notre système protection sociale, le système de redistribution qu’il génère doit être recalibrer aujourd’hui, car non content de raté certaines de ces cibles en termes de justices sociales, il génère un sentiment d’injustice de plus en plus partagé dans la société française.