TOUT EST DIT

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mercredi 28 septembre 2011

Barroso : la crise de la dette est "le plus grand défi de l'histoire" de l'Europe

Le président de la Commission européenne a rejeté la proposition franco-allemande d'un gouvernement de la zone euro piloté par les États.

 

La crise de la dette est "le plus grand défi de l'histoire" de l'Union européenne, a estimé, mercredi, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, dans un discours devant le Parlement européen. "Nous sommes aujourd'hui confrontés au plus grand défi qu'ait connu notre Union dans toute son histoire", a-t-il déclaré en jugeant non seulement "possible", mais aussi "nécessaire" de résoudre la crise "financière, économique et sociale" que traverse actuellement l'Europe.
La question des euro-obligations divise
Il a confirmé que ses services allaient prochainement présenter des options possibles pour la mise sur pied d'euro-obligations dans les prochaines semaines. "Certaines de ces options pourront être mises en oeuvre dans le cadre du traité existant, tandis que des euro-obligations à part entière nécessiteraient un changement de traité", a-t-il souligné.
"Une fois que la zone euro sera dotée des instruments nécessaires pour assurer tant l'intégration que la discipline (économique), l'émission de dette commune sera considérée comme un pas naturel et avantageux pour tous", a-t-il dit tout en posant la "condition que de telles euro-obligations soient des obligations de stabilité". Les États membres pourront "saisir pleinement les avantages d'un plus grand marché pour l'émission de dette souveraine", a-t-il encore plaidé.
La question des euro-obligations divise aujourd'hui les États européens. Alors que des États en difficulté comme la Grèce plaident pour leur création, la France ne les exclut pas à terme, tandis que l'Allemagne, le meilleur élève de la zone euro qui bénéficie aujourd'hui des meilleures conditions d'emprunt sur les marchés, ne veut pas en entendre parler. Berlin redoute notamment que cela ait des conséquences néfastes sur les taux qui lui sont proposés.
Les euro-obligations, mécanisme de mutualisation de la dette des pays, sont perçues par leurs promoteurs comme le seul moyen de régler durablement la crise de la dette dans l'Union monétaire.
Plus d'institutions
José Manuel Barroso a par ailleurs rejeté de facto la proposition franco-allemande d'un gouvernement de la zone euro, piloté par les États, estimant que cette fonction revenait à ses services. "La Commission (européenne) est le gouvernement économique de l'Union, pour cela nous n'avons assurément pas besoin de davantage d'institutions", a-t-il déclaré.
En août, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel avaient proposé la constitution d'un "gouvernement économique" de la zone euro pour aider au pilotage des politiques nationales. Ils ont proposé que le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, en prenne la tête. Ce qui est mal perçu par la Commission, l'exécutif européen ayant le sentiment d'être marginalisé par ce projet. Pour ce faire, "nous avons besoin plus que jamais de l'autorité indépendante de la Commission. Les gouvernements ne peuvent le faire seuls. Pas plus que cela ne peut être réalisé par des négociations entre gouvernements", a martelé le président de la Commission européenne.

Les femmes ont mis plus de quarante ans à conquérir le monde du travail

1965. Réforme du régime matrimonial de 1804. Les épouses peuvent ouvrir un compte bancaire et travailler sans l’autorisation de leur mari.
1972. L'égalité de salaire homme-femme garantie par la loi.
Inscrite au code du travail, 
elle est renforcée en 1983
par la loi Roudy qui interdit la discrimination professionnelle en raison du sexe. Deux ans auparavant était créé par
François Mitterrand l’éphémère ministère des Droits de la femme, disparu en 1986.
1992. Nicole Notat élue secrétaire générale de la CFDT. C’est 
la première femme à diriger un syndicat de salariés.
2001. Loi Génisson sur l’égalité
professionnelle homme-femme. Comme les deux précédentes, elle peine à être appliquée.
2005. Laurence Parisot au Medef.
Première femme à la tête du patronat français, elle a été réélue en 2010.
2006. Loi sur l’égalité salariale homme-femme. Elle prévoit de supprimer les écarts de rémunérations en 2010.
2011. Christine Lagarde au FMI.
C’est la première femme élue
à la direction générale du Fonds depuis sa création, en 1944.

Le plan secret allemand pour sauver la Grèce

Comment résorber le surendettement grec, relancer l'économie du pays et ruiner les spéculateurs ? Réponse dans le plan Eureca concocté par d'influents consultants allemands.

Existe-t-il une alternative crédible aux plans étudiés actuellement concernant le sauvetage de la Grèce, qui résoudrait la question du surendettement sans provoquer de défaut, et qui sortirait durablement le pays de la spirale de la récession et du désordre social ?
Équation difficile à résoudre et que n'intègrent pas les plans en cours de discussion aujourd'hui. Ce plan existe. Baptisé « Eureca », il a été mis au point par des consultants très influents auprès du gouvernement d'Angela Merkel, pilotés par Martin Wittig, CEO du groupe Roland Berger. Il se décline en six phases essentielles, que l'on peut résumer ainsi :
?1. La Grèce cantonne l'ensemble de ses actifs publics (banques, immobilier, téléphonie, ports...) dans une structure commune, sorte d'équivalent de la Treuhandanstalt créée en 1990 en Allemagne pour privatiser quelque 8.500 entreprises est-allemandes, Ces actifs sont évalués à 125 milliards d'euros, en fonction des valorisations déjà connues sur un certain nombre de biens figurant dans la liste de privatisations « officielle ».
?2. Cette structure est achetée par une institution européenne, financée par les États, dont le siège pourrait être situé au Luxembourg, proche de celui du Fonds européen de stabilisation financière. Cette structure est chargée de piloter la privatisation de ces actifs, avec une échéance fixée à 2025 pour déboucler les opérations (ce qui est beaucoup plus long que la durée de vie de la Treuhand, fermée en 1994, même si un certain nombre d'opérations se sont finalisées au cours des années 2000).
?3. Les 125 milliards d'euros ainsi libérés servent à la Grèce pour racheter ses obligations à la BCE et au FESF, ce qui a pour effet immédiat de ramener à 88 % son ratio dette/PIB, au lieu de 145 % aujourd'hui. L'exposition de la BCE à la dette grecque est réduite à zéro, ce qui ne peut qu'exercer un effet apaisant sur les contribuables européens... Les taux d'intérêt sur la dette grecque baissent de 50 %, ce qui permet à Athènes de revenir éventuellement sur les marchés.
?4. Cette institution européenne investit 20 milliards d'euros dans la restructuration des actifs cantonnés afin d'augmenter leur valeur d'environ 50 milliards d'euros. Le montant de ces investissements peut être augmenté de 10 à 15 milliards provenant des fonds structurels européens que la Grèce ne peut pas utiliser en ce moment. Cette injection d'argent dans l'économie, équivalant à 8 % du PIB, desserre l'étau autour de l'économie grecque, et remet le pays sur la voie de la croissance, environ 5 % par an au cours des trois ou quatre prochaines années, au lieu des 5 % de récession qu'elle affronte aujourd'hui. Avec l'augmentation des recettes fiscales ainsi générée, la Grèce s'engage dans un programme de rachat de sa dette de l'ordre de 1 % du PIB par an, ce qui la fait repasser, en 2018, sous la barre des 60 % du PIB.
?5. Les opérations de privatisation sont débouclées en 2025. Si ces opérations dégagent une plus-value, elle est versée à la Grèce, déduction faite des intérêts et frais de gestion. Si elles dégagent une moins-value, la Grèce la prend en charge, mais les économistes de Roland Berger ont calculé que, même si aucune privatisation n'était réalisée (ce qui est une hypothèse extrêmement peu probable), la dette de la Grèce redescendra mécaniquement sous les 70 % du PIB, ce qui est une amélioration notable par rapport à la situation d'aujourd'hui.
?6. Ce plan réduit à néant les gains des spéculateurs qui ne croient pas au sauvetage de la Grèce ou de la zone euro et qui parient sur un effondrement du cours des obligations grecques, mais aussi espagnoles, italiennes et irlandaises et qui devront assumer une baisse des spreads sur les CDS.
Opposition des banques
Quelles sont les chances de ce programme d'être adopté par la Grèce et les gouvernements européens, qui travaillent sur d'autres pistes ? Il repose en grande partie sur un pari : celui de rassembler l'essentiel des actifs publics grecs, soit une liste bien plus large que celle que la Grèce a rendue publique dans le cadre du plan de privatisation de 50 milliards d'euros figurant dans l'accord du 21 juillet. Il porte la conviction que les opérations de privatisation ainsi centralisées hors de Grèce (même si les capitaux grecs se voient accorder une priorité dans les opérations de cession) échapperont au risque de corruption et d'opacité.
Ce plan a d'autres mérites : il propose une voie nouvelle alors que l'Europe tourne en rond depuis le mois de juillet sur le sauvetage de la Grèce ; il évite à Athènes une cure d'austérité des plus graves et donne le temps de mettre en oeuvre les réformes structurelles que le gouvernement s'est engagé à réaliser ; il crée de la croissance immédiate et permet à la Grèce d'entrer à nouveau sur le marché ; il éloigne la perspective d'une crise systémique de l'Europe et il discrédite les spéculateurs. « Notre plan de redressement poursuit un objectif clair: aider financièrement la Grèce à restructurer son bilan et à générer une croissance pérenne », explique Martin Wittig, CEO de Roland Berger.
Même si ce plan est « porté » par un groupe de consultants, il est très probable qu'il n'a pas été conçu en dehors de l'entourage d'Angela Merkel et des experts de la Troïka. Roland Berger est par ailleurs un bon connaisseur du sujet des privatisations puisque c'était déjà ce groupe qui était à la manoeuvre dans la conduite des opérations de la Treuhand... Il lui faudra néanmoins compter avec l'opposition des banques et des marchés financiers, les premières parce qu'elles ont probablement leur idée sur la privatisation des actifs grecs, les seconds parce que la situation d'incertitude actuelle permet des jeux multiples et rémunérateurs.

Primaires PS : Il va y avoir du sport !

A dix jours du premier tour des primaires socialistes, les six candidats devraient montrer leurs muscles ce soir sur i-Télé, deux semaines après un premier débat télévisé un peu tiède.

Le match après l’échauffement. Dix jours après leur premier débat télévisé, François Hollande, Martine Aubry, Ségolène Royal, Arnaud Montebourg, Manuel Valls et le radical Jean-Michel Baylet remontent mercredi soir sur le ring. Réunis cette fois sur le plateau d’i-Télé (en partenariat avec les chaînes parlementaires, Europe 1 et Le Parisien), les candidats aux primaires socialistes vont se rendre coup pour coup. Tenter de déboulonner le champion des sondages, François Hollande, et de prendre un avantage que tous espèrent décisif, dix jours avant le premier tour du scrutin (9 octobre).

Une stratégie offensive incarnée d’abord par Aubry et Royal, contraintes de frapper fort pour gommer leur retard dans les études d’opinion. Nourries de notes commandées à leurs équipes, elles ont mis au point leur argumentaire sur les trois thèmes à l’ordre du jour : la crise et la croissance, la santé et la protection sociale, la société et la justice. Avec une seule idée en tête : se démarquer pour s’imposer. « On ne cherche pas le ping-pong avec Hollande mais on veut affirmer nos différences », explique François Lamy, directeur de campagne de la maire de Lille. Soucieuse de garder « la tonalité du premier débat », celle-ci promet de ne pas flirter avec le carton rouge. « On ne doit rien faire qui envenime nos relations au point de compromettre le rassemblement socialiste à l’issue de la primaire », prévient Lamy.

"L’adversaire de Hollande, c’est Sarkozy"

Débattre sans se déchirer, se singulariser sans s’abîmer, c’est tout l’enjeu – et toute la difficulté – de ce deuxième rendez-vous devant les Français, plus confidentiel que le premier (1 million de téléspectateurs attendus contre 5 millions enregistrés le 15 septembre, sur France 2). Royal, jugée en retrait, n’était pas parvenue à trouver le juste ton lors du round précédent. « On attendait une saillie qui n’est pas venue, reconnaît Lamy. On a toujours l’impression qu’elle va faire une campagne de coups d’éclat alors qu’en vérité, elle laboure son terrain. » Un sillon qu’elle creusera encore ce soir, s’employant à « être toujours dans l’explication de ses solutions pour redresser la France et répondre aux préoccupations des Français », selon son porte-parole Guillaume Garot.
Considérés comme des outsiders en quête de crédibilité pour 2017, Valls et Montebourg devraient encore muscler leurs discours. Révélations du premier débat, ils souhaitent désormais « confirmer » en élargissant leurs gammes : l’un et l’autre vont avancer des propositions sur la politique de santé publique, jusqu’alors peu présente dans leur programme.
Une poussée de fièvre qui ne devrait pas gagner Hollande, dont l’entourage vante la sérénité et la solennité. « L’adversaire de Martine Aubry, c’est François Hollande. Mais l’adversaire de François Hollande, c’est Nicolas Sarkozy », martèle son ami Bruno Le Roux. Le député de Corrèze a déjà enjambé la primaire. Le débat de ce soir ? Une simple mise en jambes avant d’affronter, espère-t-il, le président sortant…
Indiscrétions
– Les candidats et leur staff viennent visiter à tour de rôle dans la journée le plateau qui se trouve dans les studios de la SFP à Boulogne-Billancourt. Ils auront chacun leur loge. 
– La production a réservé le restaurant Les Loges à Boulogne-Billancourt pour les candidats, leurs équipes et quelques invités triés sur le volet. Elle a également fait appel à un service de sécurité et à des hôtesses.
– Les membres du PS ont établi une charte et demandé à ce qu’il n’y ait pas de polémique personnelle et qu’un candidat ne puisse pas paraître défavorisé par rapport à un autre.
– L’ordre de prise de parole a été tiré au sort.
– La réalisation est assurée par Jérôme Revon et la décoration par Philippe Désert.
– Dix caméras pour filmer : une sur chacun des candidats, deux pour les présentateurs, une grue et une portable.
ON VA SE MARRER, AVEC CETTE BANDE DE D'INNOCENTS.

Pas « révolutionnaire » mais pas banal

Une grève en septembre dans l'Éducation nationale, a lancé Luc Chatel non sans ironie, « ce n'est pas révolutionnaire ». Certes mais le ministre serait bien inspiré de jauger et de juger la situation avec, disons, moins de légèreté. D'abord, le sort réservé à certains de ses augustes prédécesseurs témoigne qu'une formule lâchée avec une pointe de condescendance a vite fait d'enflammer le « mammouth » ! Ensuite, quand cinq syndicats de l'enseignement privé, peu imprégnés de culture contestataire, se joignent au front uni du public pour battre le pavé et que le mouvement est suivi, nous sommes loin du rituel de rentrée. Il y a là l'expression d'un malaise plus profond. A fortiori si l'on considère qu'un enfant sur deux fréquente le privé durant sa scolarité et que l'on frappe de plus en plus à la porte de ce dernier, symptôme de la crise de l'école de la République. Cette mobilisation traduit une inquiétude qui transcende les partis politiques. La rigueur budgétaire a atteint son paroxysme. Le credo selon lequel l'école doit faire mieux avec moins ne passe tout simplement pas dans les familles. Car au-delà de la logique comptable ou du phénomène des classes surchargées, on voit bien que le mécontentement se cristallise autour de la déconsidération du métier d'enseignant, de l'incapacité à juguler l'échec scolaire ou à recoudre les inégalités sociales. Autant de maux qui contrastent avec une Éducation nationale assez immobile et dont le socle, lui, ne change pas. Aussi, malgré la discrétion des cortèges, la journée d'hier envoie-t-elle un avertissement au gouvernement, agrémenté d'un message frondeur de son propre électorat.

Vive l’école !

L’interjection peut surprendre au lendemain d’une grève qui raconte à elle seule un malaise général français. Mais oui, vive l’école ! Quelle autre cause serait capable de faire descendre dans la rue des dizaines de milliers de personnes ?

Peu importent les comptages dérisoires qui, comme d’habitude, montrent un décalage entre les services du ministère et les syndicats : la mobilisation a été suffisamment large pour avoir un sens. Que M. Chatel se rassure : la journée d’hier est représentative d’une incompréhension et d’une exaspération bien plus denses, encore, que les cortèges. Mais combien de temps encore faudra-t-il couvrir de protestations le dialogue de sourds entre le pouvoir politique et la communauté éducative ?

C’est toujours le même symptôme. La panique devant le défi comptable récurrent posé par la massification de l’école frappe le ministre de cécité. Incapable, tout à coup, de discerner l’essentiel. En toute bonne conscience, la France néglige son école élémentaire à laquelle elle a si longtemps accordé une confiance illimitée : n’était-elle pas « la meilleure du monde » ? Mais elle ne l’est plus. Pire : elle reproduit les inégalités qu’elle est censée aplanir. Elle les aggrave, même, trahissant chaque jour la promesse de la République.

Même s’il est au-dessus de la moyenne des investissements pour les collégiens et les lycéens, notre pays est l’un de ceux qui consacrent le moins d’efforts au primaire. Là où tout se joue ou presque. Sans oser l’avouer, les gouvernements successifs se contentent du fait que 70 % à 75 % des écoliers s’en sortent à peu près correctement à la fin du CM2. Ce n’est jamais dit non plus, mais ce pourcentage est jugé, au fond, satisfaisant. Il n’a jamais justifié un élan de révolte pour le faire évoluer. On se rassure même avec des études qui montreraient l’absence de lien entre les effectifs des classes et la réussite…

Les 25 % à 30 % d’élèves qui traînent leurs lacunes de classe en classe n’empêchent pas les politiques de dormir. Ils sont passés en pertes et profits. Toute la différence avec les pays scandinaves, où l’on ne lâche pas la main d’un élève en difficulté avant qu’il ne soit tiré d’affaire, est là.

M. Chatel peut bien s’émerveiller du modèle finlandais — ça ne coûte pas cher — il faudra bien qu’un jour il accepte de tirer les conséquences de ses voyages d’études. Et qu’il ait, enfin, le courage de mettre les Français devant leurs responsabilités. Si nous voulons une école égalitaire pour tous — gage de dynamisme national et de cohésion sociale — alors il faudra s’en donner les moyens. Comment pourrions-nous sérieusement nous exonérer d’un effort monumental pour l’encadrement des jeunes élèves ? Quant à l’école, acceptera-t-elle, de son côté, de se remettre en question pour améliorer son efficacité au quotidien ?

Les enfants méritent cette double révolution des mentalités. Les politiques sauront-ils en faire une ambition ?

Le réveil des enseignants

Luc Chatel, le ministre, s'était félicité en septembre d'une rentrée scolaire techniquement réussie. La réplique des syndicats d'enseignants n'a pas tardé. Ils peuvent se targuer d'une grève réussie hier. Au-delà de l'habituelle querelle sur le taux de participation, ce qui frappe c'est l'union syndicale au sommet entre l'enseignement public et l'enseignement privé. Notamment dans les trois académies de l'Ouest.

Au ministère, tout comme à l'Élysée, on a trouvé qu'après tout ces manifestations étaient « légitimes », « normales dans une démocratie » selon Nicolas Sarkozy. Vue de la rue de Grenelle, la grève de rentrée est un phénomène saisonnier, une sorte de prologue obligé avant de s'engager plus avant dans l'année scolaire. Pourtant, cette fois, un changement de climat est perceptible.

Trois constats. Dans l'enseignement catholique sous contrat, la grève n'est pas inscrite dans les traditions. Loin de là. Elle a pourtant été suivie. Les suppressions de postes ne l'épargnent plus. La rentrée de leurs deux millions d'élèves a parfois été acrobatique. Et alors que 30 000 inscriptions ont été repoussées, il a fallu se résoudre à fermer des classes au lieu d'en ouvrir.

Dans l'enseignement public, les syndicats, jadis puissants, retrouvent une certaine vigueur. Que n'a-t-on glosé sur la déprime des maîtres, le creusement des inégalités scolaires et le déclassement social des professeurs. Ils seraient les derniers de la classe européenne en matière de rémunérations. Aujourd'hui, ils redressent la tête et semblent prêts à des réformes profondes au sein des établissements.

C'est le troisième phénomène constaté. Le plus nouveau. Certes, hier les enseignants se sont mobilisés contre les pertes de postes - 65 000 depuis 2007, 14 000 encore à venir. C'est une cure d'amaigrissement décrétée selon eux à l'aveugle, au nom d'un diktat budgétaire, un départ à la retraite sur deux non remplacé. Ils déplorent le « saccage » de la formation des maîtres, qui a heurté y compris certains ministres. Mais ce n'est plus le discours syndical unique du « toujours plus » de moyens.

Le coeur du métier, ce qui se passe dans la classe, redevient essentiel. La rénovation pédagogique retrouve voix au chapitre. Les enseignants ont pris conscience qu'en s'arc-boutant sur une organisation des établissements scolaires héritée du lycée napoléonien, leur cause était perdue. Des idées refleurissent. Sur la réorganisation du temps scolaire. La réduction du nombre d'heures de cours. Le travail en équipe. Le soutien aux élèves en graves difficultés. Et le sujet interdit, celui du statut même des enseignants, vieux de soixante ans, n'est plus intouchable.

La question de l'école s'installe petit à petit au coeur du débat politique. L'opinion a parfaitement saisi que pour espérer sortir des affres de la crise économique qui mine l'Europe, l'école, de la maternelle à l'université, est un enjeu majeur. Un investissement sur l'avenir. Mais le débat ne peut se réduire à une empoignade budgétaire, à quelques slogans séducteurs d'électeurs. Il serait paradoxal, par exemple, que l'opposition, qui dénonce des suppressions de postes à l'aveugle, réplique par des recréations à l'emporte-pièce. L'école de la République mérite mieux.

Les syndicats enseignants sont responsables de la paupérisation des professeurs

Grève des professeurs ce mardi pour protester notamment contre les suppressions de postes au sein de l'Éducation nationale. L'occasion pour le Président de l'UNI, Olivier Vial, de remettre en cause le rôle joué par les syndicats d'enseignants.

Dans un monde qui évolue de plus en plus vite, il est rassurant de savoir que certaines choses n'évolueront jamais, à l'image des syndicats de l'Éducation nationale. Depuis des décénies, leurs mots d'ordres restent les mêmes : plus de postes et défense du sacro-saint statut de la fonction publique.
Ce n'est pourtant pas cela qui permettra d'améliorer notre système scolaire ou le sort des enseignants. La dernière enquête de l'OCDE a d'ailleurs rappelé que l’amélioration des résultats des élèves n’est pas corrélée à la seule hausse des moyens et encore moins à celle du nombre de postes. Si la France dépense beaucoup plus pour ses lycéens (12 087 USD en 2008) que la Finlande (7 461 USD) [1], et qu'elle dispose également d'un taux d'encadrement beaucoup plus élevé [2], les résultats de ses élèves n'en sont pas meilleurs pour autant - et ils sont parfois pires.

Des syndicats responsables de la paupérisations du métier d'enseignant ?

De façon cynique, on comprend bien où se situe l'intérêt des syndicats dont le pouvoir est directement proportionnel au poids relatif du corps enseignant dans le reste de la société. En faisant ce calcul, ils ont toujours exigé des créations de postes plutôt que des hausses de salaires, entrainant ainsi une relative paupérisation du monde enseignant. La politique menée depuis un an pour revaloriser les débuts de carrière et permettre aux enseignants de se partager 1,5 milliard d'euros grâce aux heures supplémentaires s'est faite quasiment contre eux. Le pouvoir d'achat des enseignants n'était pas la priorité syndicale.
Cette paupérisation est, en partie, responsable de la crise des vocations qui touche l'éducation et nuit à la qualité future du recrutement des enseignants et donc à la qualité de l'enseignement. "Un candidat au CAPES de lettres modernes a ainsi deux fois plus de chance aujourd'hui qu'il y a dix ans de décrocher un titre de certifié […] En 1999, le rapport présents/postes offerts était de l'ordre de 17,5 %. En 2005, il est passé à 37,17 %. Entre temps la moyenne du dernier admissible est passée de 8/20 à 6,25/20."[3] En 2010, les premiers résultats d'admissibilité des Capes externes ont confirmé cette tendance. Dans certaines disciplines, le nombre d'admissibles fut même inférieur au nombre de postes ouverts [4].

Prendre en compte le mérite des enseignants

Le second mot d'orde des syndicats n'est pas moins cynique. En s'opposant à toute prise en compte du mérite des enseignants pour leur évolution de carrière ou leur rémunération, au prétexte de défendre le statut de la fonction publique, les syndicats font des enseignants "leurs obligés". Qu'il soit exemplaire ou "tire au flanc", un professeur sera traité quasiment de la même façon. Dès lors, son salut et surtout ses espoirs de hausse de son pouvoir d'achat ne viendront que d'une action collective et syndicale aboutissant, par exemple, à une évolution de la grille d'indice. Dans son dernier essai, Chantal Delsol dénonce cet état d'esprit. " le mépris du mérite individuel, une fois le concours réussi, mépris qui a pour cause l'égalitarisme, engendre des mentalités bien particulières. Comme rien ne peut, dans le cadre du travail, se conquérir par soi-même, par son propre effort ou résultat [..] Nous entrons dans le monde de la supplication et, à l'extrême, de la révolte."[5] Un monde ou les syndicats sont rois.
En soutenant aujourd'hui les mots d'ordres syndicaux, les enseignants grévistes continuent à tisser les liens avec lesquels les syndicats les entravent. Il est temps, pour eux, de couper ces liens pour s'affranchir de la tutelle des syndicats.


[1] La dépense moyenne pour un lycéen dans les pays de l'OCDE est de 9396 USD
[2] Le taux d'encadrement qui correspond au nombre d'élève par enseignant s'élève à 9,5 en France, pour 16,2 en Finlande et 13,6 pour la moyenne OCDE.
[3] Claire Mazeron, Autopsie du Mamouth, éditions Jean Claude Gawsewitch, 2010
[4] En éducation musicale, 120 postes ont été ouverts, mais il n'y a eu que 114 candidats admissibles aux épreuves orales ; de même en lettres classiques, seulement 103 candidats ont réussi la première partie du concours pour 185 postes ouverts.
[5] Chantal Delsol, La détresse du petit pierre qui ne sait pas lire, éditions Plon, 2011

Le triomphe de la gauche aux sénatoriales cache son divorce avec le peuple

Le triomphe de la gauche aux sénatoriales cache son divorce avec le peuple.


 Les résultats des élections sénatoriales symbolisent-ils une situation politique où la gauche triomphe sur le plan local, quand la droite reste depuis des années victorieuse lors des élections nationales?

Christophe Guilluy : De fait c'est ce qui se passe. Mais avec la manière dont vous posez la question, on a l'impression qu'il s'agit d'une répartition consciente, voulue. Évidemment, ce sont les événements qui font que cela se passe ainsi. Dans les faits, c'est toutefois exact : le PS gère le local et l'UMP gère le national. Avec cette idée de fond que ce sont les grands partis qui gèrent et le local, et le national.
Mais le plus intéressant, selon moi, c'est la façon dont la gauche gagne les élections depuis 10 ans. Si l'on étudie plus en détails à ce qu'il s'est passé aux régionales ou aux européennes, on constate qu'il s'agit des élections où le taux d'abstention des catégories populaires est le plus élevé. La gauche gagne donc systématiquement quand les employés et les ouvriers ne vont pas voter. Pour résumer : les élections gagnantes de la gauche sont les élections sans le peuple.
Or, dimanche la gauche a remporté le Sénat, c'est-à-dire l'Assemblée, de fait, la plus éloignée du peuple. Cette victoire s'inscrit donc finalement dans la même logique que ces dix dernières années. C'est l'aboutissement d'un long divorce entre la gauche et le peuple.
Ainsi, quand j'entends les dirigeants crier victoire, à mon avis, ils vont un peu vite en besogne. Le divorce entre la gauche est le peuple reste présent. La victoire aux sénatoriales pourraient même constituer une très mauvaise nouvelle ! En effet, symboliquement, gagner le Sénat, comme gagner Paris d’aillleurs, n’est pas vraiment le signe du retour d’une « gauche populaire ». Paris c'est la ville bourgeoise ancrée dans la mondialisation la plus éloignée des catégories populaires. Et le Sénat c'est évidemment l'élection indirecte la plus éloignée du suffrage universel et des catégories populaires.


Tout dépend cependant de la façon dont vous définissez le peuple...

Effectivement, je pense aux classes populaires, et plus précisément aux nouvelles classes populaires : les ouvriers, les employés, les chômeurs, les retraités issus de ces catégories et plus généralement les catégories sociales qui subissent les effets négatifs de la mondialisation. Cette France précaire, celles des bas ou des petits revenus, c’est la « France périphérique et populaire », celle qui est la plus éloignée  des grandes métropoles. Or c’est précisément cette France qu’une partie de la gauche, la gauche « terra nova » (NDLR : think tank dont l'une des dernières notes avaient créé une polémique) souhaite abandonner pour un nouvel électorat, celui des bobos et des minorités.
C’est d’ailleurs cette « gauche terra nova », que l’on a entendu dimanche à travers la voix de Martine Aubry quand elle explique que la victoire au Sénat  allait enfin permettre de proposer le droit de vote aux étrangers dans les élections locales ! Comment mieux signifier le divorce avec des ouvriers et des employés aujourd’hui tentés par le vote FN ?   


Mais ces minorités ne s'inscrivent-elles pas elles-aussi dans le peuple ?

Bien-sûr. Ils sont une partie du peuple. Mais le sens de la note de Terra Nova n’est pas de parler à l’ensemble des classes populaires ni de les réconcilier mais de s’adresser à un nouvel électorat contre l’ancien. Un choix suicidaire puisque l’électorat ciblé est minoritaire et loin d’être acquis à cette gauche là.


Aujourd'hui, le peuple ne se tourne-t-il pas de toute façon vers le Front national ?

Dans un contexte où la bipolarisation est de moins en moins pertinente, les classes populaires se tournent avant tout vers l'abstention. Puis, effectivement, vers le Front national. Elles sont dans une logique d'appréhension de la mondialisation au sens large (mondialisation économique, mais aussi de l'immigration, une autre facette de la mondialisation). Face à cette insécurité sociale et culturelle, les classes populaires demandent à l’Etat de jouer un rôle de protection. Mais en écho, c’est toujours le refrain de la mondialisation heureuse qu’ils entendent de la part des responsables politiques et singulièrement ceux de la « gauche terra nova ».

La chasse aux riches est ouverte

Dans l’œil des marchés : Dominique Trenet, stratégiste dans une société de gestion indépendante, dresse un panorama de ce qu'écrivent les analystes financiers les plus en vue du marché cette semaine.

« La chasse aux riches est ouverte », tel est le titre de la couverture de The Economist cette semaine. Tout en rappelant que le 1% des Américains les plus riches paye 25% des taxes fédérales et 40% de l’impôt sur le revenu, il met en exergue cette citation de Barack Obama « faire payer les riches ce n’est pas la lutte des classes, c’est une simple question de mathématiques ».
Le secteur privé va être fortement mis à contribution dans les pays développés, c’est ce que Russell Napier a expliqué la semaine dernière dans le cadre de son intervention au CLSA Forum de Hong Kong. Aux États-Unis et en Europe, les investisseurs privés et les sociétés vont être de plus en plus incités à souscrire des obligations d’Etat puisque « les experts » ont décidé de nouvelles règles dites de prudence qui disent que plus une banque prête de l’argent à des Etats, mieux elle est notée ! Les financements bancaires seront donc principalement orientés vers les Etats au détriment des sociétés...
Un nouveau mur de fer va s’élever autour du capital dont tout sera fait pour empêcher la mobilité. Le résultat est simple selon Russell Napier, il n’y aura pratiquement pas de croissance des résultats des sociétés au cours des dix prochaines années, ce qui n’incite pas beaucoup à acheter des actions dans les pays qui pratiquent ce type de politique.
Libérez les marchés en leur laissant fixer le prix des actifs, c’est ce qu’écrit Charles Gave, le Président de GaveKal à Hong Kong. La quasi-totalité des classes d’actif est manipulée : les taux américains, les prix du pétrole, la parité de l’Euro, du Yen, les rendements des dettes souveraines. Il fait remarquer que rarement dans l’histoire il n’y a eu une telle combinaison d’incompétence et d’arrogance intellectuelle dans les classes dirigeantes.
Sur le marché américain, Tobias Levkovich Chief US Strategist chez Citigroup reste néanmoins optimiste. Selon lui, l’indice S&P 500 sera à 1400 à la fin de l’année contre 1149 actuellement. Son avis est également partagé par Thomas Lee stratégiste chez JP Morgan qui explique que les investisseurs ont une occasion historique d’acheter des valeurs américaines dans d’excellentes conditions.
En Europe on cumule les erreurs. C’est ce qu’explique Frédéric Leroux gérant de la société de gestion Carmignac. Avec la mise en œuvre de plans de rigueur budgétaire qui creuseront encore plus les déficits et gonfleront le poids des dettes en réduisant les recettes fiscales, l’Europe a opté pour la voie japonaise. Cette voie est suicidaire fait-il remarquer… Il ne faut pas émettre des Eurobonds mais des EuroBunds, recommande Michel Didier de COE Rexecode. Sept pays de la zone Euro présentent des dettes d’une qualité très proche : l’Allemagne, la France, les Pays Bas, la Belgique, l’Autriche, la Finlande et le Luxembourg. La fusion des dettes les mieux cotées constituerait un marché de la dette de près de 5000 Md€ qui serait le deuxième marché obligataire du monde après celui des Etats Unis.
Sur les marchés européens, Jean-Luc Buchalet de Primeview note que la dette globale par rapport au PIB de chaque pays atteint des niveaux rarement vus dans l’histoire de l’Europe si l’on additionne les dettes des ménages des sociétés non financières et des administration publiques. L’Espagne est en tête avec 265% suivie par le Royaume Uni, 248% pour l’Italie, 208% pour la France et 184% pour l’Allemagne. Il en tire la conclusion que la croissance en Europe sera atone et peu favorable aux actifs financiers. Il faut cependant acheter les valeurs européennes actives sur les marchés émergents, telle est la recommandation d’Andrew Bary de Barron’s aux Etats Unis. L’eurostoxx 50 se paye 8 fois les résultats des sociétés pour les douze mois à venir tout en offrant un rendement supérieur à 5%.

L’art politique allemand

« Jusqu’où descendra l’abjection française ? » s’était écrié, il y a plus d’un demi-siècle, dans la France Catholique, Jean de Fabrègues. Que dirait-il aujourd’hui de ce torrent de boue, de cet étang vaseux où croupit ce qui reste du marigot, non même plus des crocodiles, mais des sortes de poissons morts, au ventre retourné, dont l’agitation est le fruit des seuls remous ?

Tout est crevé là-dedans, et les bulles qui s’échappent à la surface ne sont que des relents de pestilence. Détournons-nous de cette pourriture et allons respirer, une fois n’est pas coutume, du côté de Berlin.

J’avais écrit, il y a longtemps, un opuscule sur l’art politique français qu’on appelle aujourd’hui d’une plus jolie formule « le management capétien ». Cette formule est jolie parce qu’avec capétien management reprend son origine française tout en conservant son allure toute moderne de gouvernement des hommes. Je transformerai volontiers mon titre en « art politique allemand » quand je lis ce que notre Pape a enseigné, à Berlin, au Bundestag.

Magistrale leçon de philosophie politique où les maux modernes sont analysés lumineusement et où la voie pour les écarter est indiquée de façon tout aussi lumineuse. Jolie leçon d’ironie aussi quand le Saint-Père, dont on annonçait que les Verts bouderaient la venue et appelleraient à déserter l’assemblée pour ne pas entendre son discours, s’est plu à citer l’initiative écologique allemande comme l’annonce d’un retour au réel.

« Vous me permettrez de commencer mes réflexions sur les fondements du droit par un petit récit tiré de la Sainte Ecriture. Dans le premier Livre des Rois on raconte qu’au jeune roi Salomon, à l’accession de son intronisation, Dieu accorda d’avance une requête – que demanda le jeune souverain en ce moment ? Succès, richesse, une longue vie, l’élimination de ses ennemis ? Il ne demanda rien de tout cela. Par contre, il demanda : « Donne à ton serviteur un cœur docile pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal » (1R 3,9). Par ce récit, la Bible veut nous indiquer ce qui en définitive doit être important pour un politicien. Son critère ultime et la motivation pour son travail comme politicien ne doit pas être le succès et encore moins le profit matériel. La politique doit être un engagement pour la justice et créer ainsi les conditions de fond pour la paix. Naturellement un politicien cherche le succès sans lequel il n’aurait aucune possibilité d’action politique effective ! Mais le succès est subordonné au critère de la justice, à la volonté de mettre en œuvre le droit et l’intelligence du droit. Le succès peut aussi être une séduction, et ainsi il peut ouvrir la route à la contrefaçon du droit, à la destruction de la justice.

« Enlève le droit et alors qu’est-ce qui distingue l’Etat d’une grosse bande de brigands », dit un jour saint Augustin. Nous Allemands, nous savons par expérience… » – et le Pape entame une longue méditation sur l’essence même du droit, qui, dans notre tradition issue d’Athènes, de Rome, et de Jérusalem, ne peut être ni le commentaire scripturaire d’une loi qui serait révélée ni le pur produit d’une majorité. « Contrairement aux autres grandes religions, le christianisme n’a jamais imposé à l’Etat et à la société un droit révélé, ni un règlement juridique découlant d’une Révélation. Il a au contraire renvoyé à la nature et à la raison comme vraies sources du droit – il a renvoyé à l’harmonie entre raisons objective et subjective, une harmonie qui toutefois suppose le fait d’être toutes deux les sphères fondées dans la Raison créatrice de Dieu –. Avec cela, les théologiens chrétiens se sont associés à un mouvement philosophique et juridique qui s’était formé depuis le IIe siècle avant Jésus Christ. Dans la première moitié du deuxième siècle pré-chrétien, il y eut une rencontre entre le droit naturel social développé par les philosophes stoïciens et des maîtres influents du droit romain. De ce contact est née la culture juridique occidentale qui a été et est encore d’une importance déterminante pour la culture juridique de l’humanité !…

« Pour le développement du droit et pour le développement de l’humanité, il a été décisif que les théologiens chrétiens aient pris position contre le droit religieux demandé par la foi dans les divinités et se soient mis du côté de la philosophie, reconnaissant la raison et la nature dans leur corrélation comme source juridique valable pour tous. »

C’est la vraie libération que l’Eglise a apportée aux hommes en distinguant ce qui est de l’ordre spirituel et ce qui est de l’ordre temporel, ce qui est d’Eglise et ce qui est d’Etat, ce qui est précepte religieux et ce qui est règle de droit.

Les autres religions ne connaissent pas cela, et, même, le christianisme, en dehors de l’Eglise, n’est pas source aussi féconde d’ordre et de liberté. Seule l’Eglise de Rome a su maintenir cette distinction qui a fait l’essor de la civilisation occidentale. Benoît XVI à Berlin, à l’automne 2011, c’est aussi ancien et aussi neuf que l’essor de la raison et de la nature, chez Thomas d’Aquin, puis, chez nos juristes, et légistes, de Bologne et de Paris, de Dijon, Bourges, Montpellier, Toulouse, Salamanque, des universités et des écoles de Droit qui nous ont appris – à nous et à nos princes – ce qui est juste, id quod justum est.

Mais dans cette libération il y avait aussi un danger. Celui de voir notre raison réduire la nature et son champ de réflexion à ce qui était strictement matériel. Le positivisme juridique est ainsi dénoncé dans ses carences, non comme un mal à rejeter absolument, mais comme une grave insuffisance à compléter par un regard qui voit mieux et plus profondément ce qui est. « Il faut ouvrir à nouveau tout grand les fenêtres, nous devons voir de nouveau l’étendue du monde, le ciel et la terre et apprendre à utiliser tout cela de façon juste. »

Après ce sourire à l’écologie dans ce qu’elle a permis d’ouvrir les fenêtres, Benoît XVI rappelle : « il reste aussi une écologie de l’homme – l’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi. C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine… »

Et les nations ? Ne peut-on pas dire de même et voir que leurs gouvernements ne peuvent pas faire abstraction de leur nature et des conditions de leur développement ? Peut-on imaginer un avenir harmonieux pour la France en dehors des lois de sa nature et de sa vocation dessinée dès l’origine ? Il y a une écologie de la terre. Il y a une écologie de l’homme. Il y a une écologie des nations.

L’autre soir, au dîner du Cercle de l’Œillet blanc, avenue de Breteuil, je disais au Prince Jean ma joie de savoir qu’il habite maintenant, lui et les siens, à Dreux, dans le Domaine royal, et que son fils aîné, le Prince Gaston, avait fait ses premiers pas sur la colline en promontoire d’où, il y a plus de mille ans, son ancêtre Robert défendait l’Ile-de-France contre les invasions.

La fraîcheur de ce petit dauphin de France jouant comme un enfant au jardin millénaire de ses ancêtres, me paraissait comme le plus lumineux symbole de notre prochaine renaissance nationale. Je me suis interrompu… « Mais cela, on me le dit souvent, ce n’est pas sérieux, c’est de la poésie. »

Le Prince reprit : « Les poètes, Maître, sont souvent les meilleurs des politiques, car ils voient les réalités que beaucoup de politiques… ne voient pas… »

Nous étions encore avec Benoît XVI, à mille lieux du marigot, de la fange et de la boue, non plus seulement à Berlin, mais à Dreux, au Domaine royal… chez les premiers capétiens, les maîtres du management moderne.

Bouée pour la Grèce, béquille pour l’euro

Dire une chose et son contraire, tout en bénéficiant du statut d’oracle : c’est le privilège des « marchés ». Télescopage révélateur, les voici qui dénoncent d’un même souffle la ruine de l’économie grecque, étouffée par l’austérité, et la désinvolture italienne, qui en ralentit la mise en œuvre. Ne peut-on imaginer une autre « règle d’or » que celle qui consiste à s’affranchir à ce point du joug de la raison ?

Supposons que l’urgence soit bien aujourd’hui de « sauver » la Grèce. Si l’on suit le mouvement des idées qui semblent encore dominer, cela signifierait empêcher tout défaut de paiement de l’Etat hellène, et maintenir le pays dans la zone euro. Non seulement parce qu’il serait catastrophique pour les Grecs de faillir à l’un ou l’autre de ces objectifs, mais aussi parce que les conséquences seraient dévastatrices pour le reste de l’Europe. Dans ce sens, sauver la Grèce serait bon pour les Grecs et pour les Européens dans leur ensemble. Admettons un instant cela, et posons-nous la question suivante : quelles en seraient les conditions de possibilité ?
Pour mettre les choses au mieux, supposons qu’Athènes parvienne à rétablir ses finances publiques d’ici trois ou quatre ans, en sorte que la dette ne dépasse pas l’équivalent de 200 % du produit intérieur brut (PIB). Ce n’est pas gagné : elle approche actuellement les 160 %, et le déficit budgétaire enregistré pour la période janvier-août 2011 est de 18 milliards d’euros (soit 9 points de PIB). Loin de se résorber, ce dernier s’accroît, en grande partie du fait que l’austérité effarante imposée à la population a encore approfondi la récession ; l’activité économique reculera de 5 % en 2011. La ristourne de 21 % sur le montant de leurs créances, acceptée « bénévolement sous la contrainte » par les banques européennes, en vertu de l’accord du 21 juillet, pourrait néanmoins aider à rendre ce seuil de 200 % plausible. La question revient donc à savoir qui pourrait porter à long terme une telle dette, à des conditions financières qui n’asphyxient pas complètement la société grecque (on ne parle pas de lui rendre sa joie de vivre…) ?

Alors, le pire deviendrait certain

Première partie de la réponse : en l’absence de toute mesure contraignante, seule la puissance publique européenne aura encore bientôt le goût de détenir cette dette. Comme l’énonce en toute simplicité une officine financière, « nous n’imaginons pas que les investisseurs reviennent à l’achat  ». Non (...)
Retrouvez la version intégrale de cet article dans Le Monde diplomatique d’octobre 2011 actuellement en kiosques.

François Fillon accuse la gauche de "fouler aux pieds" la présomption d'innocence

François Fillon a accusé la gauche de "fouler aux pieds" la présomption d'innocence dans le dossier Karachi et dénoncé un climat de suspicion qui mine selon lui les institutions républicaines, mardi 27 septembre, lors de la séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale.

"La vérité, c'est qu'hier la gauche se drapait dans la présomption d'innocence pour protéger Dominique Strauss-Kahn. Aujourd'hui, vous la foulez aux pieds, cette présomption d'innocence. La présomption d'innocence dans votre conception de la République, c'est pour la gauche, pas pour la droite", a clamé le premier ministre. "C'est une drôle de conception de la République", a-t-il ajouté, tandis que les députés de la majorité accueillaient ses déclarations par des applaudissements debout.
M. Fillon répondait à une question du chef de file des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, sur le basculement du Sénat à gauche et sur la politique du gouvernement. Mais il s'est emporté en évoquant une précédente question posée par Noël Mamère (EELV), sur Karachi, à laquelle il avait laissé répondre le garde des Sceaux Michel Mercier. François Fillon s'est dit "scandalisé" par les "amalgames émanant d'un élu de la République qui ose accuser des membres de la majorité et du gouvernement d'avoir du sang sur les mains".

Mamère : "Certains responsables ont sans doute... par lemondefr
"Mais de quel droit, M. Mamère, pouvez-vous faire le lien entre l'attentat de Karachi et le financement d'une campagne électorale présidentielle qui a eu lieu neuf ans avant [celle d'Edouard Balladur en 1994-95]? Rien ne vous permet d'avancer ces accusations", s'est exclamé M. Fillon. "Je vous le dis, je suis inquiet de voir notre démocratie traversée par ce climat de suspicion permanente (...), où l'on s'accuse sans preuve, où l'on insinue, où l'on spécule, où l'on fait circuler de faux documents", a-t-il poursuivi.


Affaire Karachi : Fillon répond à Mamère par lemondefr
"En vous faisant les complices de ceux qui n'ont pas d'autres objectifs que de déstabiliser la République, vous ne commettez pas seulement une faute politique, vous commettez une faute morale", a asséné le premier ministre, à l'adresse de M. Ayrault. Le terme de "faute morale" avait été utilisé le 18 septembre sur TF1 par Dominique Strauss-Kahn pour catactériser la relation sexuelle qu'il a eue avec une femme de chambre d'un hôtel de New York le 14 mai dernier. L'ancien directeur général du Fonds monetaire international avait été inculpé de tentative de viol mais a bénéficié d'un abandon des poursuites aux Etats-Unis.

Sous le désespoir, le rire

De nombreux Grecs sentent qu’on leur vole leur avenir. Mais la faute à qui ? Pour l'un, c'est Angela Merkel la responsable, pour l'autre, son peuple doit se convertir à la vertu. Reportage à Athènes. Extraits.

Elle rit. Il s’en trouve encore, des gens qui rient dans les cafés. Beaucoup de cafés font même le plein. Descendre au café est un acte de rébellion, contre ces journées qui rendent fou, contre ces matins où l’on sait, en ouvrant les yeux, que l’on s’est enfoncé un peu plus dans le tunnel, où l’on sent monter la panique. Ils sont assis devant un expresso et un verre d’eau, souvent des heures durant, le regard rivé sur cette ville qui leur est de plus en plus étrangère, et dans ce pays qui leur échappe. "Vous, les Allemands, vous allez aux champignons dans la forêt", lâche Ersi Georgiadou. "Nous, on va au café. C’est tout ce qui nous reste".
Ersi Georgiadou connaît bien les Allemands. Elle enseigne leur langue aux Grecs. Ce qui est moins facile qu’à une époque. Cette année, les élèves n’avaient pas de manuel à la rentrée. Ils ont reçu un CD et doivent désormais imprimer les premiers chapitres chez eux ou se procurer les photocopies. Ersi Georgiadou se prend la tête à deux mains et se met à rire. Là aussi, un acte de désespoir.

La sorcière à tuer

Elle doit vivre avec l’idée que, désormais, aux yeux du monde – des Allemands – les Grecs passent pour des voleurs et des tire-au-flanc. Et que la frange de la population qui s’est vraiment rendu coupable de vols a également volé l’avenir du pays. "On ne sait pas ce qui nous attend d’une semaine sur l’autre", soupire Ersi Georgiadou. "Les gens ne pensent qu’au lendemain. On ne parle plus que de survie". Mercredi, c’est le jour de la paie, et l’enseignante ne sait toujours pas quel pourcentage de son salaire elle touchera.
D’un côté, un gouvernement incompétent qui panique et brasse de l’air sans stratégie, comme le pensent la plupart des gens ; de l’autre, des voleurs et des fraudeurs, à qui on n’a demandé pour l’heure aucun compte. Ersi Georgiadou se reprend à rire, nous parle de l’île de Zakynthos, où un habitant sur cinq s‘est déclaré aveugle, ce qui serait surprenant d’un point de vue médical, à moins que ce ne soit lié à cette lucrative allocation versée aux non-voyants. Le gouvernement vient d’envoyer des ophtalmologues sur l’île pour en avoir le cœur net. Ersi Georgiadou avoue qu’elle a commencé à stocker des vivres. De l’huile, du riz, du miel. "Mais j’essaie de rester positive". Un jour ou l’autre, les choses finiront bien par se tasser. "Dans dix, quinze ans peut-être ? Vous ne pensez pas ?"
Il faut que les choses bougent. Certains partent, les autres crient leur colère de tous leurs poumons, d’autres encore se tuent. Le suicide a toujours été tabou dans cette société où l’Eglise orthodoxe exerce une emprise totale. Les chiffres officiels du suicide n’ont jamais été fidèles à la réalité : la honte empêche les familles d’avouer que l’un des leurs s’est donné la mort. "Nous, les Grecs, on n’est pas des gens dépressifs. On est bruyants et extravertis. On n’a jamais eu beaucoup de suicides", assure le psychologue Aris Violatzis. "Aujourd’hui, on enregistre la plus forte progression mondiale".
Souvent, l’élément déclencheur est la situation sociale ou économique, analyse le thérapeute. Selon lui, c’est donc au gouvernement d’agir. "Ces gens-là ne veulent pas mourir. Ils veulent tuer leur douleur. C’est là que commence la responsabilité de l’Etat". Il a également un message à l’adresse des Européens : "La diabolisation de la Grèce défie le bon sens. Les Européens paniquent et se disent : on n’a qu’à brûler une sorcière pour purifier le reste d’entre nous. Mais est-ce vraiment la petite Grèce et ses dix millions d’habitants qui ont provoqué ce cataclysme financier ? C’est une chasse aux sorcières".

L'époque se prête à la comédie

D’autres préfèrent reconnaître les torts du pays. Comme Costas Bakouris, de Transparency International, ancien entrepreneur à succès. "Individuellement, nous sommes très talentueux. Mais collectivement, nous sommes une vraie catastrophe", lâche-t-il au sujet des Grecs. "Nous devons revoir nos valeurs". Le tableau n’est pas complètement noir pour autant. Le tourisme explose, les exportations sont en hausse de plus de 10%. Et, en 2010, la corruption a reculé pour la première fois en Grèce.
Certains refusent de croire même à cette lueur d’espoir. "C’est une question de dignité", avance Thanos Tzimeros. L’homme a fait ce qu’il devait faire. Il a écrit une lettre à Angela Merkel, cette chancelière allemande que tant de médias grecs s’emploient à diaboliser. Ce courrier est un réquisitoire contre la Grèce – doublé d’un appel à l’aide. Il y est question de "transactions obscènes", d’une "illégalité orgiaque", et naturellement du "premier violateur des lois", c’est-à-dire l’Etat grec lui-même. Thanos Tzimeros souhaite que les Européens ne donnent plus un seul centime à son pays aussi longtemps que les observateurs de l’UE n’auront pas constaté l’observance de la totalité des promesses de réformes. Les Allemands devraient également être chargés de ces contrôles. Thanos Tzimeros veut aujourd’hui fonder un nouveau parti.
Où trouver de l’humour en enfer ? Quand le coupable est ligoté à la roue et que l’on fait tirer les cordes, millimètre par millimètre, jusqu’au grand craquement qui annoncera la rupture des membres ? "Précisément là !", assure l’auteur et metteur en scène Michalis Repas. Ah bon ? L’époque se prête-t-elle donc à la comédie ? La réponse fuse comme une balle : "A merveille".
"A merveille", confirme Thanasis Papathanasiou, son coauteur. Tous deux sont des metteurs en scène de théâtre et de cinéma reconnus, et ont écrit une pièce qui porte un nom allemand, "Raus" [Dehors !]. Elle parle du gérant d’une maison de passes qui fait passer son établissement pour un institut culturel auprès de l’Union européenne, et d’un inspecteur allemand dépêché à Athènes pour vérifier que l’argent a été employé à bon escient.Pourquoi un Allemand ? "Ce sont de tels modèles de rigueur", répond l’un. "Et ils font formidablement peur", poursuit l’autre. "Raus" est joué depuis déjà plus d’un an.
Tous deux ne se contentent pas de faire rire ; ce sont deux auteurs politisés qui tentent également, dans leurs comédies, de s’attarder sur ce nouveau spécimen parti à la conquête du monde et qu’ils ont baptisé "l’homme cupide". Lequel finit par se dévorer lui-même. Michalis Repas et Thanasis Papathanasiou sont des Européens convaincus et n’éprouvent aucune gêne à traiter le sujet de ces Allemands aujourd’hui si décriés en Grèce. Leur nouvelle pièce est une adaptation d’une farce anti-nazie d’Ernst Lubitsch, Jeux dangereux [To be or not to be].

Merkel veut "une Grèce forte"

La chancelière allemande Angela Merkel a affirmé ce mardi vouloir "une Grèce forte dans la zone euro", lors d'un point presse commun avec le Premier ministre grec Georges Papandréou, mais répété que l'avis des bailleurs du pays serait incontournable pour les futures aides.

"Nous voulons une Grèce forte dans la zone euro", a dit Mme Merkel, en assurant que l'Allemagne était "prête à fournir toute l'assistance nécessaire" pour aider Athènes sur la voie des réformes.

Un retour de la troïka à Athènes jeudi au plus tard

Mme Merkel a toutefois fait savoir que l'avis de la "troïka", c'est-à-dire des envoyés de l'Union européenne, du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque centrale européenne (BCE), serait décisif pour débloquer les prochains versements de l'aide promise à la Grèce.

"Nous suivons l'avis de la troïka", a-t-elle dit à la chancellerie avant un dîner de travail avec le Premier ministre grec. Le retour des chefs de mission de la "troïka" des bailleurs de fonds à Athènes aura lieu mercredi ou jeudi, avait annoncé un peu plus tôt le chef de file de la zone euro, Jean-Claude Juncker.