Chaque jour, Patrick Besson emprunte la plume d'un célèbre écrivain, français ou étranger, mort ou vivant, génial ou nul, pour nous raconter la campagne électorale.
J'aime le moment où le soleil traverse les nuages pommelés du matin. Le goût du café au lait est celui de l'enfance. Je feuillette quelques livres, je regarde mon chien. Le transistor crachote des informations qui ne m'intéressent guère. Je suis loin désormais de la frivolité des empoignades politiques, me sentant davantage concerné, au fond de moi-même, par le Bien et le Mal, le Néant et l'Éternité, Dieu lui-même. Il n'en reste pas moins que la France, avec ses routes et ses clochers, ses champs et ses sources, ses petits commerces et ses hypermarchés, reste au centre de mes préoccupations.
Le candidat cher à mon coeur socialiste est évidemment le jeune François Hollande. Me plaît, chez le cher François, cette lenteur souriante qui, comme souvent, dissimule une énergie qui fut aussi la mienne autrefois. Il n'est pas de ces grands échalas de droite, représentants du monde infect de la domination par l'argent, qui arpentent nos provinces comme si c'étaient leurs salons. François sillonne patiemment, attentivement, modestement - il y a beaucoup de
ment dans cette phrase, je m'en excuse auprès de mon indulgent lecteur, le temps me manque désormais pour faire ces phrases pures que j'aimais tant chez les grands auteurs de la collaboration comme Jacques Chardonne ou Marcel Jouhandeau - notre pays, non pas tant dans le but de se faire connaître que dans celui de le connaître.
Né le 12 août 1954 à Rouen, comme Pierre Corneille et Gustave Flaubert, deux orfèvres de la littérature française, François Hollande a cette ténacité normande qui vient sans doute de ses ancêtres vikings. Il y a du Suédois dans cet énarque pourtant de petite taille comme beaucoup d'hommes importants. Dont moi. Vaut-il mieux regarder le peuple d'en haut ou d'en bas ? Lever la tête vers l'électeur ou se pencher sur lui ? Il fut un temps où les Français voulaient un père, pour ne pas dire un maître, mais désormais, on dirait qu'ils ont surtout besoin d'un égal, d'un infirmier, d'une oreille. L'attention pateline que leur prête Hollande me semble capable de les séduire assez pour que, malgré une absence notoire de programme politique et économique, absence que je ne peux m'empêcher de déplorer, surtout quand je la compare à la richesse de mes propositions de 1981, une majorité de votants se portent, en mai prochain, sur l'ex-compagnon de Mme Royal.
Le principal grief que la droite, toujours hargneuse et malintentionnée, fait à François est de ne jamais avoir été ministre. Quand je me présentai à la présidence de la République, elle me fit le reproche inverse : j'avais été trop souvent ministre ! Hollande, n'en déplaise à certains autodidactes de l'actuelle majorité, titulaires d'un pauvre diplôme de droit, voire d'un simple certificat d'études, est un brillant sujet : HEC, Sciences Po. Sorti 7e de l'Ena, exploit dont j'aurais pour ma part été fort incapable, mais qui aurait sans aucun doute été à la portée de ma fille Mazarine si elle n'avait été tentée par cette discipline bien plus noble qu'est la philosophie.
UN ENFOIRÉ JUGEANT UN INCAPABLE, C'EST BEAU .