mardi 3 mai 2011
Une étape
Le pire serait qu’aux yeux de ses partisans ou de ses émules, Oussama Ben Laden apparaisse plus grand mort que vivant, que le mythe devienne plus dangereux que l’homme, traqué depuis dix ans, des confins de l’Afghanistan au cœur du Pakistan.
L’opération secrète, qui s’est soldée par la mort, dimanche, de l’ennemi numéro un des États-Unis depuis l’attentat contre les Twin Towers du 11 septembre 2001, est un incontestable succès, mais les Américains doivent veiller, dans leur communication, à ne pas donner des prétextes à tous ceux qui ne demandent qu’à allumer des guerres contre l’Occident, ne serait-ce qu’en commentant la façon dont a été traitée la dépouille du chef islamiste.
Les proches des nombreuses victimes qui peuvent être imputées à Al-Qaida – de New York à Londres en passant par Madrid ou Bali – sont soulagés que son chef ait été mis hors d’état de nuire ; certains, sans doute, auraient préféré le jugement d’une cour internationale (tout en reconnaissant qu’un Ben Laden prisonnier aurait été difficile à gérer).
Mais il faut se souvenir qu’Al-Qaida n’est pas une armée disciplinée, un mouvement structuré ; c’est plutôt une juxtaposition de cellules plus ou moins reliées entre elles, très dépendantes de contextes ou de chefs locaux. Récemment, au Maroc, de nouveau le fanatisme a frappé ; des otages sont retenus par des groupes qui se réclament de la même idéologie ; en Afghanistan, des soldats, notamment des Américains, des Français, des Britanniques, se battent contre les talibans qui avaient accepté de donner refuge à Oussama Ben Laden après le 11-Septembre et menacent la liberté du peuple afghan. La mort de Ben Laden, pour symbolique qu’elle soit, n’est donc qu’une étape.
Sans baisser la garde face au danger terroriste, les pays qu’il menace doivent se porter aux côtés des jeunes forces, dans les pays du monde arabo-musulman, qui cherchent des voies nouvelles pour développer leur pays et y instaurer la démocratie. Les islamistes radicaux ne veulent pas de tels chemins ouverts vers la liberté. Soutenir ces mouvements avec la même détermination, la même persévérance qui furent mises en œuvre pour traquer le chef d’Al-Qaida, c’est – plus efficacement encore – combattre le terrorisme.
La paradoxale fragilité d’Obama
Les victoires militaires ne sont pas les meilleures garanties pour remporter des victoires électorales.
Curieusement, la démocratie fait payer aux chefs de guerre les succès remportés sur d’autres terrains que le sien : le grand Churchill, obligé de quitter le pouvoir après avoir été battu aux élections en pleine conférence de Potsdam en 1945, de Gaulle que le gouvernement provisoire ne chercha nullement à retenir en janvier 1946, George Bush senior que le peuple américain refusa de réélire à la Maison Blanche, en novembre 1992, un an seulement après avoir triomphé au Koweit…
Barack Obama est bien le dernier à se faire des illusions sur l’ampleur du bénéfice politique qu’il va tirer de la mort de ben Laden. Il sait que le second mandat que lui promettent nombre d’Américains dans l’euphorie générale est loin d’être acquis.
Si un échec de l’opération aurait été catastrophique, comme le fut pour Jimmy Carter la pathétique expédition héliportée en Iran en 1980, la réussite du raid au Pakistan ne devrait produire que des effets à court terme.
L’élimination de l’ennemi public numéro un de l’Amérique arrive bien pour le président au moment où ses adversaires lui déniaient, précisément, la capacité d’être ferme. En montrant sa détermination et en rappelant lui même que son implication personnelle avait été décisive, Barack Obama va pouvoir faire taire ses détracteurs les plus enragés.
Il sera difficile, désormais, de railler son indécision ce dont l’opposition ne se privait pas. En toute injustice d’ailleurs, car Obama est loin d’être un laxiste.
Quand il estime que les intérêts supérieurs du pays sont en jeu, il n’hésite pas à donner des tours de vis. Dans la gestion du dossier de Guantanamo, c’est sans états d’âme qu’il a sacrifié quelques convictions humanistes aux canons du réalisme.
Si les États-Unis ont retrouvé, pour partie, leur prestige d’unique superpuissance d’un monde multilatéral, leur président ne s’est pas départi de son inquiétude tout au long de son intervention télévisée de la nuit dernière.
Derrière l’affichage d’une satisfaction mesurée, c’est bien la crainte profonde d’une attaque terroriste qui hante le président américain. Outre la tragédie qu’il ramènerait, un 11-Septembre bis ruinerait un capital électoral qui reste exposé aux revers de sa fortune politique.
Les prochaines élections ? Elles sont encore très loin. Largement le temps de perdre des points sous les assauts des hyperconservateurs du Parti Républicain et des Tea parties qui ne feront aucun cadeau au président Obama en dépit des félicitations adressées par les ténors du Grand Old Party (Conservatives).
Après une période d’accalmie, et un temps de communion consensuelle, la campagne va reprendre de plus belle et elle s’annonce déjà comme l’une des plus violentes de l’histoire récente des États-Unis.
Les victoires militaires ne sont pas les meilleures garanties pour remporter des victoires électorales.
Curieusement, la démocratie fait payer aux chefs de guerre les succès remportés sur d’autres terrains que le sien : le grand Churchill, obligé de quitter le pouvoir après avoir été battu aux élections en pleine conférence de Potsdam en 1945, de Gaulle que le gouvernement provisoire ne chercha nullement à retenir en janvier 1946, George Bush senior que le peuple américain refusa de réélire à la Maison Blanche, en novembre 1992, un an seulement après avoir triomphé au Koweit…
Barack Obama est bien le dernier à se faire des illusions sur l’ampleur du bénéfice politique qu’il va tirer de la mort de ben Laden. Il sait que le second mandat que lui promettent nombre d’Américains dans l’euphorie générale est loin d’être acquis.
Si un échec de l’opération aurait été catastrophique, comme le fut pour Jimmy Carter la pathétique expédition héliportée en Iran en 1980, la réussite du raid au Pakistan ne devrait produire que des effets à court terme.
L’élimination de l’ennemi public numéro un de l’Amérique arrive bien pour le président au moment où ses adversaires lui déniaient, précisément, la capacité d’être ferme. En montrant sa détermination et en rappelant lui même que son implication personnelle avait été décisive, Barack Obama va pouvoir faire taire ses détracteurs les plus enragés.
Il sera difficile, désormais, de railler son indécision ce dont l’opposition ne se privait pas. En toute injustice d’ailleurs, car Obama est loin d’être un laxiste.
Quand il estime que les intérêts supérieurs du pays sont en jeu, il n’hésite pas à donner des tours de vis. Dans la gestion du dossier de Guantanamo, c’est sans états d’âme qu’il a sacrifié quelques convictions humanistes aux canons du réalisme.
Si les États-Unis ont retrouvé, pour partie, leur prestige d’unique superpuissance d’un monde multilatéral, leur président ne s’est pas départi de son inquiétude tout au long de son intervention télévisée de la nuit dernière.
Derrière l’affichage d’une satisfaction mesurée, c’est bien la crainte profonde d’une attaque terroriste qui hante le président américain. Outre la tragédie qu’il ramènerait, un 11-Septembre bis ruinerait un capital électoral qui reste exposé aux revers de sa fortune politique.
Les prochaines élections ? Elles sont encore très loin. Largement le temps de perdre des points sous les assauts des hyperconservateurs du Parti Républicain et des Tea parties qui ne feront aucun cadeau au président Obama en dépit des félicitations adressées par les ténors du Grand Old Party (Conservatives).
Après une période d’accalmie, et un temps de communion consensuelle, la campagne va reprendre de plus belle et elle s’annonce déjà comme l’une des plus violentes de l’histoire récente des États-Unis.
Bush en avait rêvé, Obama l’a fait
Villepin attendra un jour, au moins, pour les gros titres. Colonna aussi. À demain les procès, Ben Laden est mort.
L’information, hier, a tout emporté, le Web, les “unes”, les radios, les télés. Lui que l’on croyait terré dans une grotte d’Afghanistan vivait en fait à 50 km d’Islamabad, au Pakistan. Dans une grande maison, avec des voisins, près d’une école militaire... Pas mal pour l’homme le plus recherché au monde. Pas de dépouille, peu de détails, juste une déclaration : le chef d’Al-Qaida a été tué par un commando américain. À suivre... Bush en avait rêvé, “mort ou vif”, Obama l’a fait, dix ans après le 11-Septembre. “Justice est faite” lance même le président américain. “Yes we can” chante Manhattan. Et maintenant ? Dans un monde où l’on donne du superlatif pour tout, et surtout pour rien, que dire de ce printemps qui n’en finit pas d’écrire l’Histoire… Ben Laden est mort hier, même si le symbole semblait depuis des mois dépassé par une jeunesse arabe qui aspire bien plus à la liberté qu’au choc des civilisations. Et demain ? La nébuleuse Al-Qaida est une multinationale avec des franchisés, alors… Après un séisme, on redoute toujours les répliques. Là, ce sont des représailles que l’on craint. Alors, Obama attendra un peu pour envoyer le générique de fin et la mention “The end”. Cette info planétaire est-elle parvenue aux otages français du Sahel et d’Afghanistan ? Car en France, depuis hier, c’est à eux que l’on pense.
Décourager les extrémistes
Ben Laden, la terreur mondiale, éliminé, voilà qui rassure nombre de braves gens dans le monde. Cependant, le terrorisme n'est pas éradiqué pour autant, peut-être même cela va-t-il renforcer la vindicte, attiser la soif de vengeance dans cette nébuleuse qui rassemble tant d'illuminés, de fanatiques, mais aussi, ne l'oublions pas, de méprisés...
La liesse a éclaté en de nombreux endroits. On a même dansé et crié victoire. On peut comprendre la réaction de celles et de ceux qui ont été blessés dans leur chair, dans leur affection par les amis de ce personnage, notamment les New-Yorkais atteints en direct au coeur de la ville. Cependant, aucune mort d'homme ne devrait donner lieu à des réjouissances. Ne nous laissons pas aller à faire ce que nous considérons chez d'autres comme des comportements sauvages et cruels.
Mais il s'agit tout de même d'une action victorieuse qui portera un coup très dur à une idéologie folle qui a provoqué des milliers de morts. Elle a fait trembler la Terre, singulièrement l'Occident et les amis de l'Occident, mais elle a aussi été très pernicieuse envers ceux qu'elle prétendait défendre et promouvoir, les musulmans. Ses excès ¯ attentats, rapts, assassinats d'otages, commis au nom d'une certaine vision extrémiste de l'islam ¯ ont nui à l'idée que l'on se faisait de cette religion. On commençait même à croire, ici et là, qu'une guerre de civilisation était en cours.
Heureusement, la plupart des nations et des hommes de ce temps refusaient de se laisser entraîner dans un tel engrenage. On voit, aujourd'hui, que celui-ci n'était pas fatal. Ce que l'on appelle le printemps arabe montre au contraire que, même s'il reste bien des dangers à éviter, des épreuves à surmonter, c'est l'esprit de liberté qui commence à prévaloir. Cet esprit de liberté était là, bien là même s'il était étouffé par des dictatures, éclipsé par des religieux égarés.
La mort de Ben Laden n'est assurément pas la mort de son idéologie, mais cette mort survient à un moment extraordinaire, celui où des peuples entiers se mettent en marche vers la démocratie. Cette avancée soudaine et surprenante sera d'autant moins contrariée, que les extrémistes de tous bords qui recourent à la violence auront été davantage découragés par cette disparition.
Ben Laden se cachait dans une maison à 1 million de dollars
Villa sur trois étages, murs de 6 mètres de hauts, barbelés et caméras de surveillance... Depuis au moins août 2010, le chef d'al-Qaida vivait dans un quartier cossu d'Abbottabad, ville considérée comme l'un des endroits les plus sûrs du nord-ouest du Pakistan.
Certains le disaient terré dans une caverne des contreforts himalayens, d'autres l'imaginaient volontiers circulant incognito dans la mégalopole méridionale de Karachi... En réalité, c'est dans la coquette ville pakistanaise d'Abbottabad qu'Oussama Ben Laden, tué dans la nuit de dimanche à lundi par les forces spéciales de l'US Navy, s'était établi.
Difficile de dire depuis combien de temps l'homme le plus recherché du monde s'y était installé. Selon un responsable américain, les services de renseignement y auraient identifié sa présence dès août 2010. Depuis, le chef d'al-Qaida était étroitement surveillé. L'homme vivait dans un quartier cossu, peuplé de militaires à la retraite, dans cette ville considérée comme l'une des plus tranquilles et sûres du nord-ouest, très prisée des estivants. Et à seulement deux heures de route d'Islamabad. Autant Ben Laden souhaitait passer inaperçu, autant sa résidence, elle, était bien visible. Difficile en effet de passer à côté : la villa où il résidait, selon plusieurs médias pakistanais, est estimé à ... un million de dollars. Construite en 2005 sur trois étages, elle est située sur les flancs de collines verdoyantes et jouxte des champs de pomme de terre et d'eucalyptus. A 700 mètres de là se trouve une académie militaire. Au total, le terrain de la résidence est huit fois plus grand que ceux que l'on trouve aux alentours de la villa.
L'endroit était fortement sécurisé. D'abord, avec des murs hauts de 6 mètres, peu de fenêtres, des barbelés, un accès uniquement possible par deux portails sécurisés et de multiples caméras. A l'intérieur, d'autres murs séparent les différentes parties du site. D'après les autorités américaines, le chef d'al-Qaida y vivait sans Internet ni téléphone. Des habitants du quartier ont toutefois raconté lundi que le toit de la résidence était truffé d'antennes satellites. Pour ne pas se faire repérer, les occupants de la maison brûlaient les ordures à l'intérieur même de la villa, alors que le quartier dispose d'un service de ramassage.
Difficile de dire depuis combien de temps l'homme le plus recherché du monde s'y était installé. Selon un responsable américain, les services de renseignement y auraient identifié sa présence dès août 2010. Depuis, le chef d'al-Qaida était étroitement surveillé. L'homme vivait dans un quartier cossu, peuplé de militaires à la retraite, dans cette ville considérée comme l'une des plus tranquilles et sûres du nord-ouest, très prisée des estivants. Et à seulement deux heures de route d'Islamabad.
L'endroit était fortement sécurisé. D'abord, avec des murs hauts de 6 mètres, peu de fenêtres, des barbelés, un accès uniquement possible par deux portails sécurisés et de multiples caméras. A l'intérieur, d'autres murs séparent les différentes parties du site. D'après les autorités américaines, le chef d'al-Qaida y vivait sans Internet ni téléphone. Des habitants du quartier ont toutefois raconté lundi que le toit de la résidence était truffé d'antennes satellites. Pour ne pas se faire repérer, les occupants de la maison brûlaient les ordures à l'intérieur même de la villa, alors que le quartier dispose d'un service de ramassage.
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