Nathalie Rheims conseille à François Hollande d'imiter Nabila, d'entrer dans le confessionnal des Français pour tomber le masque et se livrer avec naturel.
mercredi 20 mars 2013
Télé-réalité politique, y a-t-il un pilote dans l'avion ?
Branle-bas de combat chez les conseillers en communication. On y est : François Hollande a battu son record d'impopularité. MêmeNicolas Sarkozy arrive devant lui dans certains sondages. La chute des présidents successifs dans les sondages est devenue un classique. C'est irrémédiable. Mais ce qui vient d'être battu, c'est un record de vitesse. Jamais les Français, après avoir voté pour un candidat, n'ont été déçus aussi rapidement par sa politique. On pourrait se dire, après tout, que c'est bien "normal". Mais patatras, les résultats de l'élection législative partielle de l'Oise ont réveillé en sursaut tous les experts. Une abstention massive à gauche ayant abouti à un second tour UMP-Front national, éliminant dès le premier tour le candidat de la majorité présidentielle, il y a de quoi réveiller le spectre du 21 avril 2002, dit "syndrome Jospin".
Il est donc urgent de parler aux Français, quitte à, comme le souhaite Bayrou, leur dire la vérité. En termes simples, cela signifie que le président est obligé de faire une émission de télé. Nous ne sommes pas loin du moment-clé du confessionnal dans la télé-réalité, cet instant privilégié et culte du "Allô. Mais allô. T'es Français et tu crois plus aux politiques ?". Mais là, plusieurs problèmes surgissent. Le but de cette émission serait de rassurer les Français qui sont inquiets car ils se demandent s'il y a encore un pilote dans l'avion. Or Hollande a gagné les élections en s'appuyant sur le rejet de l'hyperprésidence de Sarkozy. Souvenez-vous du fameux passage "Moi, président". Or c'est une autre conséquence logique à laquelle il faut se plier : dans le quinquennat, le président ne peut qu'être un hyperprésident, et ne peut pas se permettre de se cacher derrière son Premier ministre.
Donc rien à faire, pas moyen de s'y soustraire, Hollande est obligé d'aller à la télévision pour raconter ce qu'il est en train de faire et surtout ce qu'il voudrait faire d'ici à la fin de son mandat. Pas facile. C'est plus simple pour un nouveau pape de dire "une Église pauvre, pour les pauvres". On imagine les réactions après une déclaration présidentielle dont le message serait "une France pauvre, pour les pauvres". De toute façon, vous pouvez tourner la phrase dans n'importe quel sens, ça ne passe pas. C'est le problème en ce moment : aucun message réaliste et crédible n'est audible. Aucune des mesures à prendre d'urgence pour que la France n'aille pas dans le mur n'est possible à énoncer, à annoncer et surtout à être entendue. Quel que soit le domaine choisi, qu'il s'agisse de la réforme fiscale, des retraites, des coupes à faire dans les dépenses publiques, du coût du travail et de la compétitivité de notre industrie, etc., où qu'on tourne la tête, aucun message ne peut être assumé devant l'opinion dans une perspective de redressement de la popularité présidentielle.
Et puis, pour achever le tableau, du côté de l'Europe, on touche le fond, avec cette décision d'aller se servir directement sur les comptes des déposants dans les banques. L'idée, à elle seule, fait froid dans le dos. Comment peut-on être surpris après ce magnifique symbole que l'Europe, qui autrefois était vue comme une espérance, aujourd'hui fait peur ? L'Europe, maintenant, c'est le cabinet du Dr Caligari, devant lequel nous assistons, impuissants, à l'irrésistible ascension des populismes, à la paralysie de la droite libérale et à l'impasse de la social-démocratie. Un scénario bien connu.
Donc, pour nous résumer, ce "confessionnal" de la télé-réalité politique est une émission obligatoire, mais elle ne sert sans doute à rien. Les experts peuvent ainsi débattre de la seule chose qui les intéresse, de leur unique marge de manoeuvre, le choix du style : aurons-nous une confrontation avec des experts et des journalistes ou bien un face-à-face avec des Français invités sur le plateau ? Bref, de vraies questions...
La grande dépression
La grande dépression
Un petit billet à la hâte avant de dormir… L’actualité est à l’image du temps de cette fin d’hiver, froid et pluvieux, triste et maussade. Tout est là pour nous déprimer. Un train de banlieue attaqué par une bande de voyous, des passagers molestés, dévalisés terrorisés, comme dans un film d’horreur. La cour de cassation qui, contre toute attente, ouvre la voie au port du voile islamique dans les entreprises, tordant le cou au principe de laïcité. Le gouvernement des juges à l’état pur, avec son caractère inique, scandaleux. C’est au politique, à la démocratie de décider si oui ou non il est possible de se rendre au travail voilé, pas au juge. Et puis cette affreuse affaire Cahuzac. Un ministre et non le moindre qui démissionne sous la pression médiatique, il n’y a vraiment pas de quoi se réjouir. Toute cette histoire sent la pourriture à plein nez, un vague enregistrement daté de 13 ans à l’insu de l’intéressé, où se mêle la vengeance d’une ex-femme, d’un opposant politique humilié, l’intervention d’un ex gendarme devenu détective privé; délation, calomnie, dénonciation … J’ai pour ma part en horreur toute forme de mise au pilori, de lynchage de bouc émissaire; cela rappelle des souvenirs historiques insupportables et je trouve affligeant le climat actuel. La France semble partir en miettes. Il lui manque une boussole, une référence, un guide une autorité, la notion du bien et du mal. Bref, l’Etat est en pleine crise et nul ne voit encore le bout du tunnel…
Enchaîner le Léviathan
Enchaîner le Léviathan
Pour tous les lecteurs qui gardent un souvenir un peu vague de leurs cours de philo, il n'est peut-être pas inutile de rappeler ce qu'est le Léviathan. "Nom d'un animal monstrueux de la mythologie phénicienne, évoqué par la Bible, lit-on dans le dictionnaire de l'Académie française, devenu nom commun et pris comme symbole d'une puissance démesurée, notamment en parlant d'un État omnipotent. Titre célèbre : le Léviathan, de Thomas Hobbes (1651)."
Trois siècles et demi plus tard, la métaphore de l'État inventée par le philosophe anglais n'a rien perdu de son actualité. La Franceincarne aujourd'hui magnifiquement la figure du Léviathan parmi les grandes nations industrialisées. C'est-à-dire d'un État tentaculaire, qui se mêle de tout, en premier lieu de la vie économique où sa toute-puissance se mesure par le niveau record de ses dépenses et de ses impôts.
Nul besoin d'être philosophe ou économiste pour le vérifier. Il suffit de fréquenter les bistrots, d'y entendre les consommateurs se plaindre de la hausse des taxes sur la bière, le tabac, le gazole, de l'augmentation du nombre des radars et du tarif des PV. Il suffit d'aller dans les dîners mondains, d'y entendre les convives se lamenter du rabotage du quotient familial, de la suppression des aides pour les emplois à domicile, etc.
Il suffit surtout de lire les rapports de la Cour des comptes : avec 65 milliards d'euros de hausse depuis 2011, les prélèvements obligatoires atteindront en France cette année 46,3 % du PIB, du jamais-vu, alors qu'ils se situaient à 30,6 % du PIB en 1960. Même évolution "léviathanesque" du côté des dépenses publiques. Alors qu'elles représentaient 10 % du PIB il y a un siècle, elles atteindront 57 % en 2013. Bref, jamais le poids de l'État dans la vie économique n'a été aussi grand qu'aujourd'hui. Jamais le Léviathan n'a eu le ventre aussi rebondi.
"La menace du Léviathan fiscal". C'est la formule qu'avait employée, au début des années 70, le prix Nobel d'économie James M.Buchanan (disparu en début d'année à l'âge de 93 ans dans l'indifférence générale). Il ne parlait pas en vérité de la France, mais des démocraties occidentales en général, pour lesquelles il avait prédit, de façon géniale et prémonitoire, l'explosion parallèle des dépenses et de la dette publiques. "Même dans les meilleures conditions, le fonctionnement du processus démocratique engendre des excès budgétaires. Historiquement, l'État a crû à un taux qui ne pourra pas se maintenir longtemps."
Autant le dire : la théorie du "choix public" (Public Choice) élaborée par Buchanan, visant à éclairer le fonctionnement de l'État en utilisant les outils de la science économique, est, par son cynisme, totalement déprimante. Que dit-elle ? Que les dirigeants politiques (et les fonctionnaires), contrairement à ce qu'ils passent leur temps à essayer de nous faire croire, n'agissent pas en fonction de l'intérêt général - l'État bienveillant est une "vision romantique", disait Buchanan -, mais en fonction de leur intérêt personnel. Exactement de la même façon que les pires capitalistes. L'homo politicus et l'homo economicus fonctionnent avec les mêmes motivations "égoïstes". À travers l'action publique, les dirigeants politiques cherchent avant tout à "maximiser leur propre bien-être" (qui est moins l'attrait de l'argent et du profit que le goût du pouvoir, le besoin d'être aimé, la griserie de haranguer les foules ou l'ivresse de passer à la télé, etc.).
Leur objectif principal étant d'être élu ou réélu, les dirigeants d'un pays démocratique ont une propension naturelle à augmenter les dépenses publiques pour séduire les électeurs, gagner le pouvoir ou s'y maintenir. De préférence en les finançant par l'emprunt, puisque les générations futures, à qui incombera la tâche de les rembourser, elles, ne votent pas. D'où le recours non plus occasionnel, comme le préconisait Keynes, mais permanent aux déficits et l'explosion, in fine, des dettes publiques. La dette publique des économies avancées représentait 35 % de leur PIB en 1975, elle en représente aujourd'hui plus de 100 %. Il y a quarante ans, et bien avant la règle d'or, Buchanan était déjà favorable à l'interdiction "constitutionnelle" du déficit budgétaire, seul moyen selon lui d'empêcher le laxisme des gouvernements, seul moyen d'"enchaîner le Léviathan".
Sa théorie du "choix public" permet de mieux comprendre pourquoi les dirigeants français, de gauche comme de droite, ont sans cesse maintenu les finances publiques en déficit depuis le milieu des années 70. Pas du tout pour augmenter le bien-être de la collectivité, mais dans l'espoir d'assurer leur réélection. Elle permettrait aussi de mieux comprendre pour quelles raisons M. Hollande a été contraint, pendant la campagne, de taire la réalité de la crise et des efforts de redressement à accomplir pour gagner la présidentielle. Pour quelles raisons, enfin, le gouvernement de M. Ayrault a préféré jusqu'à présent essayer de réduire les déficits en taxant les riches et les entreprises, ce qui touche moins son électorat que de couper dans les dépenses publiques. Mais quand les intérêts politiques du parti au pouvoir et les besoins économiques de la collectivité divergent à ce point, c'est le pays entier, selon la thèse de Buchanan, qui se retrouve en danger. "La démocratie peut devenir son propre Léviathan", a-t-il prévenu.
La crise ? La faute de Merkel, bien sûr !
Le plan d’aide lancé par l’Eurogroupe en contrepartie d’une taxe sur les dépôts bancaires chypriotes a suscité de violentes réactions. L’Allemagne est souvent accusée d’avoir encore voulu punir un pays en difficulté. Ce n’est pourtant pas la chancelière qui est responsable des errements de l’île, rappelle un économiste.
Le dernier épisode de la crise européenne n'est pas la faute des Chypriotes, mais d'Angela Merkel et de son gouvernement. Ne perdez pas de temps à chercher des explications ! Ce n'est pas la faute d'un secteur bancaire hypertrophié qui détient 128 milliards d'actifs alors que le PIB du pays est de 17 milliards d'euros, blâmons plutôt Angela Merkel.
Ce n'est pas la faute de quelques banques qui ont accepté les yeux fermés, et sans poser de question, les 21 milliards d'euros déposés par des oligarques russes et autres millionnaires arabes (aux fortunes difficilement justifiables), comme l'ont révélé les services de renseignement allemands en novembre 2012. Ces banques ont exécuté des "International Personal Banking" et se sont par ailleurs livrées à de "l'optimisation budgétaire", mais Angela Merkel, en revanche, a une morale protestante.
Ce n'est pas non plus la faute des directeurs de ces mêmes banques qui ont investi 50 % – oui, 50 % – de leurs avoirs dans des obligations grecques, par pur patriotisme (la moitié du territoire de Chypre est grec), même s'ils savaient qu'ils risquaient de tout perdre. Non, il faut en vouloir à Angela Merkel.
Ce n'est pas la faute de Sigmar Gabriel, sympathique leader social-démocrate allemand, qui a privé la chancelière de toute marge de manœuvre : "Je n'imagine pas le contribuable allemand venir au secours de quelques banques chypriotes dont le modèle est conçu pour favoriser l'évasion fiscale". C'est avant tout et surtout, bien sûr, la faute d'Angela Merkel.
Bêtise après bêtise
Il en va de même pour l'ancien président chypriote, le pathétique Dimitris Christofias, un despote formé au Komsomol – petit nom de la jeunesse communiste – ce qui explique peut-être le grand nombre de comptes russes [ouverts dans l'île]. A aucun moment, il n'a consulté ses ministres, le Parlement ou la banque centrale.The Guardian, un journal qui n'a jamais été soupçonné d'hostilité,l'a accusé en décembre 2012 de transformer le pays "en un Etat lamentable". C'est Christofias qui s'est obstiné à maintenir dans son port [Limassol] le Monchegorsk, un bateau contenant un cargaison d'armes et de munitions pour le Hezbollah qui a explosé en 2011 et détruit la seule centrale électrique du pays.
Il a également apporté son appui au directeur de l'une des deux grandes banques, Marfin Laiki, quand celle-ci a transféré son siège en Grèce, malgré l'opposition de la banque centrale. Sa dernière bêtise a été de refuser de négocier la fusion du système bancaire chypriote avec les banques grecques quand la fameuse remise de dette a été décidée. Ce génie de l'économie a alors précipité le pays dans la faillite. Mais non, c'est la faute à Merkel.
Saigner à blanc les Chypriotes
Il ne semble pas non plus que la responsabilité incombe à son brillant successeur, Nicos Anastasiades, un faible qui au lieu d'agir"fait porter le chapeau à l'Europe". Anastasiades se fonde sur des demi-vérités pour saigner à blanc ses concitoyens, au lieu de commencer à faire payer les actionnaires et les créanciers des banques. Mais évidemment, cela supposerait de mettre fin à un système financier juteux que certains ont mis en place et dont ils espèrent continuer à vivre. [Wolfgang] Schäuble [le ministre des Finances allemand] lui a rappelé hier que le hold-up des déposants n'était pas une idée allemande. Mais non, c'est la faute à Merkel.
Et c'est d'autant plus vrai que Merkel à laissé Anastasiades jouer avec le prestige de la zone euro, comme Papandreou l'avait fait avant lui. Sans compter qu'il y a 4 ans, elle n'a pas eu la fermeté d'opposer son veto à l'entrée de Chypre dans la zone euro. Ajoutez à cela qu'elle s'est laissée embobiner par la certification de l'OCDE, selon laquelle Chypre respectait 40 directives anti-blanchiment. Et c'est d'ailleurs aussi la faute de Christine Lagarde, du FMI, qui l'a soutenue. Vous vous rappelez qui a fourni au ministre grec la liste des fraudeurs fiscaux, celle qui s'est perdue ? Comme si Lagarde n'était pas au courant de ce qui se passait dans le système bancaire chypriote…
Mais non, c'est la faute à Merkel ! Et il ne saurait en être autrement, sans quoi nous serions renvoyés à notre propre incurie.
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