Il est de bon ton de vouloir faire « payer les riches » pour
régler nos problèmes. Gardons seulement en tête qu’on ne juge pas une
politique sur ses intentions, mais sur ses résultats et que souvent,
l’enfer économique est pavé de bonnes intentions politiques.
Hier, mon collègue Simon Lord écrivait que si le PQ prend le pouvoir,
le hockeyeur Andrei Markov paiera 400 000 $ de plus d’impôts, pour un
total de 3,1 M$ (en supposant qu’il réside au Québec). Et que cette
politique pourrait nuire aux Canadiens de Montréal.
(Rappel : le Parti québécois propose de faire passer de 24 % à 31 %
le taux d’imposition sur les revenus dépassant les 250 000 $.)
« Quand un joueur a des offres d’emploi de plusieurs équipes, il
pense à l’impôt, ça compte pour beaucoup », expliquait un ex-joueur du
Canadien dans l’article.
Bolt, Nadal et l’impôt
Les sportifs sont vite sur leurs pieds. Mais ce qu’on sait moins, c’est que leur portefeuille aussi.
L’homme le plus rapide sur terre, le champion olympique Usain Bolt, a
refusé l’été dernier de participer à une course en Grande-Bretagne.
Pourquoi ? Le fisc britannique est trop gourmand au goût du Jamaïcain,
rapportait il y a quelques semaines la BBC. Les athlètes de renom qui
pratiquent en Grande-Bretagne doivent donner près de la moitié de leur
cachet à l’impôt, ainsi qu’un pourcentage de leurs revenus de
commandite. Pour Bolt, cela représente des millions. Il est donc allé
courir à Paris, où le fisc est moins vorace.
Bolt n’est pas seul. Toujours selon BBC, le golfeur Sergio Garcia
affirme qu’il limite ses présences en Grande-Bretagne à cause des lois
fiscales. Le tennisman Rafael Nadal s’est récemment retiré d’un tournoi
en Angleterre à cause des exigences du fisc anglais. Il est plutôt allé
démolir ses adversaires en Allemagne. « Ils en prennent sur les revenus
de commanditaires, sur Nike, sur Babolat et sur mes montres. [...] C’est
de plus en plus difficile de jouer en Grande-Bretagne », a dit Nadal
aux médias
.
L’enfer et les bonnes intentions
Je sais. Les riches sportifs ne sont pas à plaindre. Et ce n’est pas
mon propos. Mais il est bon de se rappeler la nature humaine. L’homme —
qu’il soit un riche athlète ou non — réagit aux incitatifs. Notamment,
il change son comportement quand on monte ou baisse ses impôts. Même les
multimillionnaires. Non, ce n’est pas seulement une théorie inventée
par des « néolibéraux » à la solde du grand capital…
L’autre leçon : il est hasardeux de croire que l’État va s’enrichir
simplement parce qu’on serre la vis aux riches. Ce type de calcul tient
rarement compte des changements de comportement des individus. Or ces
derniers ne vont pas rester là à se faire plumer comme des canards.
Un exemple : en 2010, le premier ministre sortant Gordon Brown, en
Grande-Bretagne, décidait de hausser le seuil maximal d’impôt des gens
gagnant 150 000 £ et plus. Le Trésor britannique s’attendait à garnir
ses coffres de 7,8 milliards £ grâce à cette politique. Ça, c’était dans
l’éventualité où personne ne modifiait son comportement. Mais si on
tenait compte (comme l’a aussi fait le Trésor) des riches qui
quitteraient le pays ou trouveraient des façons créatives de ne pas
payer cet impôt, les revenus prévus dégringolaient à… 2,4 milliards £.
l’Institute for Fiscal Studies, de Londres, craignait même que le
nouveau taux d’imposition fasse perdre de l’argent au gouvernement
britannique.
C’est le concept économique à la fois le plus important et le plus
souvent ignoré par nos politiciens : les gens réagissent aux incitatifs.
C’est vrai autant pour les riches, les athlètes, que pour les
entreprises.
Il est de bon ton de vouloir faire « payer les riches » pour régler
nos problèmes. Et c’est vrai que dans certains cas, ceux-ci pourraient
contribuer plus. Gardons seulement en tête qu’on ne juge pas une
politique sur ses intentions, mais sur ses résultats. Et que souvent,
l’enfer économique est pavé de bonnes intentions politiques.