La campagne de reconquête des médias engagée par François Hollande s’achève par le mariage homosexuel. La discussion parlementaire de ce projet de loi gouvernemental était prévue en 2013. La sérénité du débat appelait une certaine distance. Interpellé sur sa politique économique, le président de la République répondait dimanche soir sur TF1 : « J’accélère. »
L’accélération a pris dès mardi un tour inattendu : la ministre de la Justice, MmeTaubira, annonçait dans la Croix (11 septembre) la très prochaine adoption en Conseil des ministres du texte légalisant le mariage homosexuel (que le gouvernement appelle “mariage pour tous”), tout en confirmant son vote en 2013. L’idée de manoeuvre était transparente : accélérer la présentation du mariage homosexuel pour rallier les médias tout en faisant passer au second plan l’attaque fiscale à venir.
Cela n’est que le symptôme d’une gauche épuisée. Aux États-Unis, Barack Obama veut faire oublier ses piètres résultats économiques et sociaux en faisant la promotion du mariage gay ; impuissante ici à se rénover comme à moderniser l’État, la gauche se jette sur une réforme de société qui ne lui coûte rien pour s’exonérer de ses faiblesses à agir. Mais si tout est réversible en économie, ce ne l’est pas dans les questions de société. Une fois votés le mariage et l’adoption, aucune majorité parlementaire ne reviendra sur cette disposition. Bien qu’elle rompe avec notre histoire, nos traditions, nos convictions religieuses ou philosophiques, elle aura créé des situations irréversibles.
Le ministre de l’Éducation nationale, M. Peillon, invite à enseigner la morale laïque et républicaine à l’école, ce qui paraît le bon sens même puisqu’il n’y a pas d’éducation sans morale. Ce serait pourtant une erreur magistrale de l’approuver. Quelle morale laïque à l’école, et à quelle fin pour nos enfants ? Pour leur enseigner qu’un petit garçon et une petite fille, c’est la même chose ? Le rôle de l’État, garant des libertés et de la santé publiques, s’est à ce point dissous qu’il faut préserver la dernière liberté qui subsiste, le libre choix individuel de transmettre aux siens les valeurs que l’on a reçues soi-même, à travers ses racines, sa mémoire, sa culture, sans plus accorder aux manuels d’État ou aux circulaires ministérielles la confiance aveugle qu’on leur faisait.
Le succès de l’enseignement privé par rapport à l’enseignement public dans les palmarès mêmes de l’Éducation nationale s’explique par une seule et grande raison : la liberté des parents, des enseignants, des chefs d’établissement d’adhérer librement à leur projet éducatif. Dès lors que l’État ne joue plus, pour de multiples causes, le rôle qui était le sien, on peut le regretter, mais il est inutile de gémir, il faut en tirer les conséquences.
C’est là que la question morale, le mariage, l’adoption, l’éducation, etc., rejoint la gestion publique. L’abandon moral n’est que le fard de l’impuissance. Dimanche soir, l’engagement pris par le président de la République devant les Français de « redresser » le pays s’est résumé en un seul chiffre : plus de 20 milliards d’impôts nouveaux sur les 30 à trouver pour ramener le déficit public à 3 % l’an prochain. Qu’il faille réunir ces 33 milliards, pour être précis, nous le savions depuis la publication du dernier rapport de la Cour des comptes. Mais M. Hollande y répond par un trompe-l’oeil ; quand il dit vouloir répartir équitablement le sacrifice en trois parts égales (10 milliards d’impôts pour les ménages, autant pour les entreprises, et 10 milliards d’économies pour l’État), l’effort n’est en réalité pas du tout le même. Comme François Hollande l’a expliqué, l’effort de l’État se limite à ne pas dépenser « un euro supplémentaire » en 2013, ce qui signifie bien qu’il ne diminue pas ses dépenses par une réforme de ses structures (les siennes ou celles des collectivités locales) mais par le gel de l’existant.
Il révèle ainsi qu’il est incapable d’agir sur lui-même : le sacrifice n’est pas pour lui mais pour ceux qui supportent l’impôt, les entreprises et les particuliers, en sachant que les entreprises représentent elles-mêmes des personnes : dirigeants, salariés, actionnaires et clients. C’est donc un sacrifice à sens unique – ce sont toujours les mêmes qui paient – particulièrement décourageant, parce qu’il paraît sans fin, même si le chef de l’État prétend que c’est pour deux ans.
Il n’y a rien de plus contagieux que le découragement. Et ce n’est pas la révolution des moeurs que l’on nous prépare qui va créer la force morale nécessaire au retour de la confiance, sans laquelle rien n’est possible.